En cette rentrée 2012 règnent désormais dans l’enseignement du français le programme Xavier Darcos au collège et le programme Luc Chatel au lycée (il est difficile de leur donner un autre nom puisque leurs concepteurs réels sont occultes) : des programmes contestés, tant ils véhiculent une vision plutôt normative de la langue, patrimoniale de la littérature, transmissive de l’enseignement, tant ils laissent au second plan la nécessité de prendre en compte les intérêts des élèves et l’urgence de revitaliser le rapport à l’écrit à l’heure du numérique.
En cette rentrée 2012, une alternance politique majeure se met en place, le nouveau ministre de l’Education nationale a proclamé en juin au Forum des enseignants innovants combien la pédagogie était aussi pour lui une valeur essentielle, un grand débat est lancé autour de la « refondation de l’école de la République ». Dans ce contexte qui laisse augurer de nouveaux choix éducatifs, l’AFEF, principale association des professeurs de français, fait entendre sa voix pour appeler à reconstruire le français à l’école, au collège et au lycée. « L’enseignement du français : quels changements … maintenant ? » : telle est la question posée dans un argumentaire récemment publié.
L’AFEF, qui salue aussi les premières déclarations du nouveau ministre, souligne combien se sont dégradées les conditions d’exercice du métier de professeur de français, à cause d’une image dévalorisée de la discipline dans l’opinion publique, mais aussi de programmes jugés inadaptés : « depuis 2008, les programmes de français de l’école et du collège sont devenus peu lisibles, marqués par le mythe d’un passé glorieux, sans véritable fondement scientifique pour garantir les choix opérés. Les contenus en augmentation, tant par leur quantité que par leur degré d’abstraction, l’empilement des notions ne tiennent compte ni des besoins des élèves, ni des éléments de connaissance sur les processus d’apprentissage apportés par les recherches en didactique et en psycholinguistique. Notamment, la progression et le temps nécessaires pour construire un réel apprentissage ne sont pas pris en considération. »
On lira avec intérêt les constats et les questions autour de 5 points jugés particulièrement critiques : la question du temps (la lourdeur des contenus à enseigner nuit à une réelle construction et appropriation des savoirs par les élèves) ; l’articulation entre programmes et socle commun (« dans les programmes de français, peut-être encore plus que dans d’autres disciplines, des contradictions apparaissent avec le Socle commun ») ; la progressivité des apprentissages (par exemple « dans les programmes du primaire, l’accent n’est pas mis sur la compréhension, mais sur les notions de grammaire dont l’accumulation est telle que les enseignants y consacrent énormément de temps au détriment de l’acquisition de la lecture et de l’écriture, beaucoup plus fondamentales pour l’avenir de l’élève que des pseudo-connaissances sur la langue abordées prématurément ») ; la question de la littérature (« la formation à la lecture littéraire implique la construction d’un lien particulier avec le texte, fait d’identification et de distanciation, que permet notamment la littérature de jeunesse dont la réhabilitation dans les programmes nous semble une urgence ») ; la question de l’étude de la langue (le fâcheux « conflit de références entre grammaire rénovée et grammaire traditionnelle », la reconnaissance nécessaire « chez les enseignants, des savoirs spécialisés, des démarches d’analyse et d’une technicité spécifiques », l’indispensable « prise en compte de l’orthographe rectifiée » …).
Dans sa conclusion, l’AFEF demande que les programmes actuels soient repensés (sans qu’il soit forcément nécessaire de procéder à une lourde révision complète) et souligne à son tour l’importance d’une formation professionnelle adaptée. Le message est lancé, le chantier est ouvert, l’enjeu est essentiel : réinventer collectivement l’apprentissage du français au 21ème siècle.
Liens :
L’argumentaire complet de l’AFEF
Le site gouvernemental « Refondons l’école de la République »