Par Jeanne-Claire Fumet
D’où viennent les théories de la psychologie ? La psychopédagogie est-elle née par génération spontanée, des lectures de Rousseau par Piaget ? En réalité, toutes ces thèses s’inscrivent, au même titre que l’invention de la psychanalyse ou le développement des neurosciences, dans un vaste courant d’histoire de la psychologie dont on oublie bien souvent les aléas, les fractures ou les heurts. Le recueil d’articles coordonné par Jean-François Marmion pour les Éditions Sciences Humaines vient nous rappeler la richesse et les difficultés de cette science relativement jeune, depuis les premières intuitions des aliénistes jusqu’aux développement contemporains du cognitivisme.
Grandeurs et misères des courants d’idées.
Recueil d’articles déjà parus ou de contributions rédigées pour l’occasion, l’ouvrage offre un panorama complet des théories qui ont émaillé l’histoire de la discipline, selon trois grandes périodes : les pionniers (de Pinel à Janet), l’essor et la diversification (de Freud à Piaget), la psychologie cognitive et les neurosciences (de Milgram à Damasio). On y retrouve des courants promis à une glorieuse postérité (psychiatrie, psychanalyse), et d’autres, étonnamment datés, emportés par l’oubli (magnétisme de Messmer, phrénologie de Gall) ; d’autres encore, sont sujets à des malentendus récurrents qui les obèrent (la « bonne mère » de Winnicott) ou à des légendes tenaces qui les déforment (Pinel, libérateur des aliénés), ou encore, jouissent d’une popularité qui survit à leur disqualification scientifique (le QI selon l’échelle Stanford-Binet).
Un émondage darwinien.
Devant la profusion des thèses recensées dans ces pages, on est impressionné par la vitalité inventive de ces générations de chercheurs ; on aperçoit à la fois ce qu’ils doivent à l’esprit de leur temps et les audaces insolentes qui les en détachent. La brièveté et la diversité des articles produit un effet darwinien tant l’émondage des ébauches et des orientations émergentes, au sein de l’évolution historique de la discipline, paraît impitoyable. N’en demeurent, au fil du temps et à la faveur des circonstances, qu’assez peu d’édifices conceptuels durables – que les commentateurs rapportent parfois sans égards à leur valeur relative (Freud fait ainsi les frais, en passant, d’une rigueur devenue quasiment obligée).
La subjectivité au centre des questions.
Mais cette rapide chronique des recherches, des découvertes et des impasses de la psychologie, permet aussi de saisir le caractère incertain de chaque étape et la relativité des conquêtes et des modes successives. Tandis que la vulgarisation nourrit, dans l’esprit du public, l’image d’une science qui tend vers la quantification objective des performances mentales, les psychologues ne cessent d’explorer de nouvelles voies de thérapie et d’analyses de l’intelligence humaine qui remettent, inlassablement, au centre des recherches et des interrogations, le sens et la place de la subjectivité comme un enjeu majeur.
Histoire de la psychologie, Jean-François Marmion – Petite Bibliothèques de Sciences Humaines – Editions Sciences Humaines – Fév. 2012, 237 pages – 12,70€
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