Par François Jarraud
Avec 988 postes supprimés dans le seul secondaire à la rentrée 2012, la région Ile-de-France n’est pas épargnée par la politique gouvernementale. D’autant que cette politique dure depuis 2007 et que la région a déjà perdu 6513 postes. Henriette Zoughebi, vice-présidente du conseil régional en charge des lycées, n’en veut pas aux recteurs. Mais elle s’oppose à une politique nationale qui contrarie les efforts du conseil régional et surtout nuit aux plus faibles.
« Tous les jeunes peuvent réussir dès lors qu’ils prennent confiance en eux« , nous déclare H. Zoughebi. « Je reviens du lycée Nobel à Clichy où je suis allée soutenir deux jeunes sans papiers. Parmi eux, une jeune ivoirienne, élève en terminale STG. Elle veut faire un BTS. Elle s’est battue pour arriver là et réussir sa vie. Dans ce même lycée, le proviseur m’a confié qu’un grand nombre d’élèves travaille le samedi. Les jeunes sont courageux. Il faut les aider. D’autant que c’est aussi l’intérêt économique du pays. Or il y a un risque que le manque de moyens pénalise les plus fragiles d’entre eux », estime H. Zoughebi.
Sur le terrain, H Zoughebi constate les effets de l’érosion des moyens. « Ce n’est pas la première année où des moyens disparaissent. On arrive maintenant à ce qu’il n’y ait plus de réserve sur les postes d’enseignants. Le nombre d’élèves par classe est en augmentation partout. Hier j’étais au lycée Louise Michel de Champigny. La terminale L est passée de 24 à 36 élèves. La région a investi dans le matériel pour que les élèves aient des TBI et des ordinateurs comme dans les lycées des quartiers favorisés. Les jeunes le voient et le lycée a de bons résultats. Mais passer de 24 à 36 c’est décourageant ! Il ne faudrait pas que les efforts des équipes pédagogiques soient remis en cause par la baisse des moyens. Au contraire il faudrait renforcer les moyens du lycée avec des assistantes sociales, des infirmières, une psychologue pour aider les jeunes à s’en sortir. Il faut arrêter de culpabiliser les équipes pédagogiques en parlant d’autonomie des établissements. Il faut donner la priorité à l’éducation, ce qui n’est pas du tout le cas aujourd’hui. On voudrait donner la priorité à des internats de proximité. Mais là aussi il faut que l’Etat donne les moyens humains pour faire la remise à niveau des jeunes dans les disciplines. Les équipes nous invitent aussi à réfléchir à des « internats externés », c’est à dire des établissements où les jeunes passent la plus grande partie de la journée. Mais là aussi il faut que l’Etat suive ».
Quels effets sur les projets de la région ? La région Ile-de-France prépare un nouveau plan d’investissement de 10 ans dans les lycées avec l’idée de développer des lycées polyvalents qui encouragent la mixité sociale et le réussite scolaire. « La région investit et ça nous encourage à demander des moyens à l’Etat. Par exemple nous rénovons le lycée Péri à Champigny, il faut que l’offre de formation suive. Pour nous les lycées polyvalents sont gages de mixité sociale et de réussite. On ne peut pas accepter que la baisse des moyens aboutisse à une spécialisation scolaire et sociale d’un établissement. Aujourd’hui on constate les effets des suppressions de postes quand on réfléchit à la taille des classes. Le référentiel ZEP a disparu. Ailleurs le référentiel habituel est remis en question., ».
Deux points noirs. H. Zoughebi suit particulièrement deux évolutions. D’abord celle des filières technologiques. « Dans l’académie de Versailles une trentaine de classes sont menacées mais rien n’est définitif. Au lycée Monod de Clamart deux classes ont été rétablies grâce à la mobilisation des jeunes et des enseignants et au soutien de la région. Le rectorat a été sensible à nos arguments ». L’autre point noir c’est le développement de l’alternance. « Je dis oui à la coexistence de l’apprentissage et du scolaire. Mais je dis non aux fermetures de classes pour développer de l’apprentissage. J’ai annoncé que la région s’opposerait à ces fermetures. Je suis aussi contre les classes mixtes qui mélangent apprentis et scolaires, les uns avec de l’argent, les autres sans. Cela crée des différences entre les jeunes. Or pour entrer en apprentissage il faut trouver une entreprise. Ce sont les patrons qui choisissent les jeunes. Ceux qui restent sous statut scolaire sont discriminés ». Pour H. Zoughebi, la politique de réduction de postes pousse à la discrimination. « Ce sont les plus fragiles qui souffrent ». Et ça elle ne peut pas le supporter.
François Jarraud
Liens :
Réussite et mixité sociale sont convoqués au lycée
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2011/11[…]
Installation de l’Observatoire de la réussite scolaire et de la mixité sociale