Par Françoise Solliec
De quoi ont besoin les élèves ? Alors que certains veulent mettre l’accent sur les seuls « fondamentaux », les activités culturelles et artistiques sont-elles superflues ? Comment dépasser la fracture créée par le manque de connivence culturelle ? Quel rôle aussi pour les collectivités locales et les acteurs locaux dans les enseignements ? Des questions sujettes à polémique…
La seconde table ronde de la matinée portait sur la thématique « se former, comment garantir des parcours de réussite aux jeunes ? L’orientation, l’évolution des parcours individuels, la lutte contre le décrochage scolaire, la prévention des violences, autant de pistes de réflexion évoquées par les intervenants, avec une question centrale : quel doit être le rôle de l’Etat dans ce parcours des élèves ?
Pour Guy Tressalet, secrétaire général de la FSU 93, dans un contexte où les collectivités locales s’impatientent et ne veulent pas être considérées comme de simples financeurs, la FSU reste attachée au modèle de l’école républicaine – qui marche bien – dans lequel il faut mettre des moyens. L’école reproduit les inégalités, déclare-t-il, mais on fait reposer la responsabilité de l’échec sur les seuls jeunes et leurs familles. Il ne faudrait pas croire qu’il suffit d’un accompagnement hors temps scolaire pour que les élèves réussissent. « Le gouvernement a une véritable vision de l’école, qui n’est pas la nôtre » lisible, par exemple, dans le débat sur maternelles et jardins d’enfants, le transfert des TOS, la lutte contre le décrochage scolaire pour laquelle on fait appel aux collectivités. La Seine-Saint-Denis est confrontée à des difficultés financières qui ont conduit à une baisse des budgets des collèges et à une augmentation des partenariats publics privés, notamment pour la construction de nouveaux bâtiments, qui pourraient conduire à des évolutions regrettables.
La réussite des élèves est-elle une reproduction sociale avec un minimum de bases à donner aux classes les plus défavorisées ou une culture commune de haut niveau pour tous ? Si on est d’accord sur le postulat que les élèves sont tous capables, alors on doit pouvoir avancer.
La Fsu 93 s’inquiète enfin sur la part de l’éducation dans les programmes des élections présidentielles, qui donnent une image d’une école duale autour d’un socle commun. Elle craint aussi un acte III de la décentralisation qui rajouterait encore davantage de concurrence et d’autonomie pour les établissements.
Stéphane Larrieu, secrétaire départemental du SNPDEN, premier syndicat des personnels de direction, estime qu’en termes de réussite des élèves, la mission première est celle de l’Etat. Les collectivités ont investi depuis 4 ans un champ qui n’est pas leur première compétence. Mais aujourd’hui, comment faire aussi bien avec moins ?
L’action Odyssée jeunes pour les voyages scolaires et l’utilisation de la pause méridienne pour des ateliers, ainsi que le dispositif d’orientation univers des possibles et l’accueil des élèves handicapés sont autant d’actions impulsées ou soutenues par le conseil général où l’établissement est pilote. Il en est de même pour le dispositif CAC (entrées dans les musées et les théâtres, rencontres avec des artistes) qu’il ne faut pas considérer comme un empilement car il est le fruit d’une réelle collaboration entre enseignants et artistes. Ces dispositifs, bien implantés, répondent à un besoin réel. Ils fonctionnent bien, mais qu’en sera-t-il si les contraintes financières augmentent ? Par ailleurs, les établissements doivent pleinement assurer leur rôle de pilote, ce qui pose parfois des problèmes temps.
Cyril Michau, professeur de mathématiques au collège René Descartes du Blanc-Mesnil, se définit ici comme « un soldat au front ». Il milite tous les jours pour que les élèves aient un sentiment de construction et de positif, même s’ils ont une mauvaise note. Malgré la difficulté de monter des projets, il s’est investi dans l’utilisation de TNI et a été jusqu’à assurer la formation de ses collègues, plutôt réticents au début. « Maintenant ils souhaitent tous en disposer » (il y en a 11 dans le collège). Selon lui, le TNI offre une véritable plus-value pédagogique, d’abord en termes de visualisation, mais aussi parce qu’en gardant trace des séquences passées, on peut repartir exactement de là où on était. Enfin les élèves absents peuvent récupérer les travaux effectués sans difficulté.
Il a aussi beaucoup œuvré pour le renouvellement et l’extension du parc informatique, avec le souci de faire participer les parents, qui disposent d’une borne au collège pour consulter les actualités, connaître les activités culturelles, voir les notes de leurs enfants, etc..
Depuis des années, André Antibi, professeur à l’université Paul Sabatier de Toulouse, milite contre « la constante macabre », cette répartition des notes qui attribue systématiquement de mauvais résultats à un tiers de la classe., car « il faut que l’évaluation soit crédible ». Le système d’évaluation va très mal, dit-il, et les premières victimes en sont les élèves issus de l’immigration. Ce n’est pas la faute des enseignants, les parents seraient les premiers surpris si toute la classe avait de bons résultats. Pour faire disparaître la constante macabre, André Antibi propose aux enseignants de pratiquer « un contrat de confiance » portant sur un ensemble de questions à traiter. Ainsi, les élèves sont incités au travail, ils se sentent tous égaux, on supprime une injustice et une souffrance.
Le moment est venu pour la salle, qui l’attendait impatiemment et parfois bruyamment, de poser ses questions.
Le secrétaire départemental du Snes s’inquiète des dispositifs montés grâce aux partenariats publics-privés (cela signifie-t-il par exemple que les bâtiments des collèges changeraient de propriétaires), remplissant des missions qui devraient revenir à l’Etat, et de la baisse des budgets pédagogiques. Les collègues des CA refusent de plus en plus souvent de voter le budget proposé et les établissements seront placés sous tutelle. Il y a aussi de quoi s’inquiéter pour les activités sportives, les financements des déplacements étant très restreints. « Nous souhaitons que la transmission des avoirs se fasse dans les meilleures conditions ».
Un parent d’élève fait remarquer que le CA n’ont aucun pouvoir dans la définition du budget, juste celui de flécher les crédits. Un autre parent estime que l’Etat se désengage trop. Le débat sur l’école devra être mené, mais c’est au niveau local qu’il devra avoir lieu, car c’est là qu’il sera le plus efficace.