Par François Jarraud
Ouvert par Robert Damien, directeur de l’école doctorale 139, Marie-Christine Presse et Yvan Albernot (co-présidents de l’AECSE), le colloque a démarré sous l’autorité de Bruno Robbes. « La notion de crise est-elle pertinente pour aborder les évolutions éducatives actuelles ? Permet-elle d’en dégager certains aspects significatifs ? Ou bien obscurcit-elle leur appréhension ? Il a rappelé les quatre axes du colloque interrogent : le paradigme de la crise et la dramaturgie de la « crise de l’éducation »; la crise comme analyseur des évolutions éducatives; les innovations en réponse à la crise; la crise comme motif d’actions publiques. Il revenait aux trois premiers conférenciers d’illustrer ces axes différents.
Jacques Pain a ouvert sa conférence par cette formule de Balzac: « Dans les crises les coeurs se brisent ou se bronzent ». Il a exploré une vision à la fois historique, éducative et psychologique de la crise. Il a rappelé que les sciences de l’éducation sont enfants d’une crise globale et éducative. Celle qui à la fin des années 1960 a vu apparaître ce qu’il appelle une « indiscipline » puisqu’elle empruntait à tant de disciplines qu’elle dépassait. Il a rappelé la dimension dépressionnaire de la crise, une notion qui tient de la pathoplastie : il y a une ambiance qui désespère, où fleurit la violence institutionnelle. Face à elle il invite à « laisser els choses en suspens ». La crise contient toujours des éléments de réponse.
Michel Watin nous entraîne sur le terrain anthropologique à propos de la crise éducative et globale à La Réunion. Des ses analyses il ressort que la créolité, particulièrement la famille créole, est une réponse au déséquilibre de la société réunionnaise introduit par son histoire.
La dernière approche nous ramène directement à l’école. Pour François Dubet, « on est à un moment où on ne pense l’Ecole que sous l’angle de la crise… Le métier d’enseignant est tellement changé qu’il est vécu comme l’expression de cette crise ». Cette crise est définie par quelques caractères : l’impuissance de l’Etat à faire appliquer des réformes, la révélation par les sociologues des échecs du système éducatif particulièrement sur le terrain des inégalités sociales. Pour F Dubet, il y a « changement du mode de production des inégalités » : auparavant les inégalités sociales produisaient des inégalités scolaires (il y avait l’école de la bourgeoisie et celle du peuple). Aujourd’hui l’Ecole produit les inégalités sociales. La crise globale de l’autorité est venue secouer cet édifice branlant. Les réponse semblent inopérantes : pilotage par l’évaluation, autonomie ambigue des établissements, externalisation des difficultés.
F Dubet propose ses remèdes. Pour lui il faut que la sociologie prenne la place de l’idéologie à l’école : cesser de penser l’école en terme de sanctuaire et y faire entrer les découvertes des sociologues. Il faut former les enseignants. IL faut s’intéresser en premier lieu aux enfants els plus faibles et à leur devenir (au lieu de ne s’intéresser qu’à l’élite). Il faut enfin fabriquer des traditions d’établissements. On retrouve ainsi les différents axes de ce colloque.