Par François Jarraud
En 2010 son rapport sur l’école numérique avait réussi à faire l’unanimité dans le monde de l’éducation. La vague avait monté jusqu’à ce qu’elle se brise sur les contraintes budgétaires. Finalement le plan numérique de Chatel n’est qu’un ruisseau. Jean-Michel Fourgous repart en campagne pour une « révolution numérique » dans le système éducatif français avec une mission officielle confiée par le premier ministre fin août et la publication d’un livre sur le numérique éducatif. Enthousiasme ou naïveté ? Pas découragé par l’issue de la première mission, il milite pour l’intégration de la dimension numérique à l’Ecole. Avec une obsession : améliorer sa « productivité ».
Le premier ministre vous a confié il y a quelques une mission sur « l’évolution de la pédagogie par l’utilisation du numérique ». Comment se situe-t-elle par rapport à votre première mission de 2010 sur l’école numérique ?
La première mission devait éveiller l’intérêt de ceux qui peuvent donner un coup d’accélérateur financier à tout l’environnement des outils numériques dans le système éducatif. Le message c’était de dire aux conseils généraux, régionaux, à l’Etat, à l’Education nationale que le monde change et que les autres pays ont un meilleur rendement scolaire pour différentes raisons, dont le numérique.
Aujourd’hui un enfant sur deux qui entrent en 6ème n’est pas au niveau des exigences de l’éducation nationale. Or on sait que dans les quartiers sensibles l’enfant devant son écran apprend mieux parce qu’il est à l’abri du jugement des autres. Aujourd’hui l’école française marche bien pour 50% des enfants. Et les autres ? Les enfants ont changé, les enseignants aussi. En 2002 seulement 48% d’entre eux croyaient dans la valeur ajoutée des TICE, aujourd’hui ils sont 95%. Tout a changé sauf la pédagogie qui reste frontale alors qu’aujourd’hui il faudrait aller vers le collaboratif. Avec cette nouvelle pédagogie on peut personnaliser et différencier l’enseignement et donc lutter contre l’échec scolaire.
Quels objectifs concrets pour ce rapport ?
On va voir quel rôle le numérique peut jouer dans le changement pédagogique. Le matériel ne suffit pas. Sans transformation pédagogique, il n’est pas valorisé. Or les enseignants sont les premiers demandeurs d’une évolution des pratiques et de leur formation. Le numérique va augmenter la motivation des élèves et le plaisir d’apprendre. On ne peut pas se priver de cette révolution.
Comment va se dérouler la mission ?
Je vais rencontrer, avec Pascal Cotentin et François Taddei, des chercheurs, des enseignants, des inspecteurs, des formateurs, des gens du privé, les syndicats. On va essayer de comprendre pourquoi les autres pays ont changé et ce qu’on peut en tirer comme enseignements.
Les apports du premier rapport ont pu sembler minces. Qu’en pensez-vous ?
Il a fait bouger les lignes. Les collectivités locales n’avaient pas toutes pris conscience du tsunami numérique. Aujourd’hui c’est fait. Du coup on a accéléré le niveau d’équipement et de conscience. Par exemple 4 milliards sont affectés aux réseaux numériques dans le grand emprunt. Mais on ne peut pas tout bouger en 6 mois. Il n’y a pas eu d’accélération massive de l’éducation nationale et de changement de la formation des enseignants. C’est là qu’il faut agir maintenant. On ne pourra mettre des moyens financiers que plus tard, quand la croissance reviendra.
Avec le second rapport, qui sera publié en février 2012, je veux changer l’éducation nationale. On observera ce que les autres pays font. Comment ils valident les expériences pédagogiques. Comment modifier la formation pour que les formateurs acquièrent une culture numérique. Comment modifier les profils de recrutement. On peut agir parce que les freins ont disparu. Je le vois à Elancourt où toutes les clases sont équipées de TBI, où les enseignants pratiquent le elearning. Le changement est massif. L’arrivée des tablettes va encore ouvrir de nouvelles possibilités. Peut-être que dans deux ans, quand les prix auront baissé, le gouvernement se demandera s’il ne faut pas en doter chaque élève. Ce sera une révolution. Dans une tablette on met une bibliothèque entière dans un objet qui est aussi un compagnon pour l’enfant. Et puis il y a les ENT qui peuvent développer le travail en équipe, mieux partager l’éducation avec les parents. Demain on ne fera pas classe seulement en présentiel. Le professeur sera devenu un accompagnateur plus qu’un transmetteur de connaissances.
Les compétences numériques seront déterminantes dans le recrutement des enseignants ?
On ne peut pas former les jeunes pour entrer dans la société de demain s’ils n’ont pas acquis ces connaissances et s’ils ne maitrisent pas l’anglais. Donc les compétences numériques sont indispensables pour les enseignants. Le Parlement vote des milliards pour le budget de l’Education nationale , il veut que les choses évoluent.
Pourtant cet été est paru un rapport qui montre que plus les jeunes utilisent les médias sociaux moins bons sont leurs résultats scolaires…
Les études sont contradictoires. Il est vrai que les réseaux absorbent du temps. Mais le problème c’est qu’on n’a pas encore réussi à les convertir pour les rendre plus productifs, plus pédagogiques. De là à dire qu’ils sont sans intérêt… Je sais que des enseignants s’approprient Facebook et savent utiliser cette culture. Des études montrent aussi que le rendement scolaire s’améliore avec le numérique à condition que cette appropriation soit faite.
Vous publiez à cette rentrée, chez Odile Jacob, un livre « Réussir à l’école avec le numérique ». A qui est-il destiné ?
C’est un ouvrage pour les parents. Je veux leur faire comprendre qu’ils doivent accompagner leurs enfants dans l’univers numérique. On sait que les enfants passent environ 30 heures chaque semaine à l’école et autant devant les écrans. Il est temps que les parents se demandent comment les aider, que faire face à l’arrivée du elearning, comment accompagner les cours. Le livre va les aider à comprendre l’univers numérique de leur enfant pour qu’il soit plus pédagogique que ludique. Si sur la trentaine d’heures les enfants en passaient ne serait ce que dix sur du pédagogique ce serait bien. Aujourd’hui ce n’est pas le cas.
Propos recueillis par François Jarraud
Sur le Café :
Les TICE vont-elles changer la pédagogie ?
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Dossier : Intégrer les TICE
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Le rapport Fourgous pour faire entrer l’Ecole dans le 21ème siècle
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Passer de l’intégration à l’acculturation
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Où en sont les TICE en pratiques ?
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