Pour la troisième année a eu lieu le 18 mars 2011 l’évènement en ligne ”A day in the life oft he Digital Humanities“. [1] Divers projets présentés m’ont permis de constater que les universités développent des projets pluridisciplinaires autour de nouveaux objets de recherche où les savoirs sont co-construits avec les étudiant-e-s.
Organisé par le Text Analysis Portal for Research (TAPor) de l’université d’Alberta, [2] le projet consiste à demander à des personnes actives dans le domaine des Humanités Numériques (Digital Humanities) de documenter leur journée de travail et d’en publier un compte rendu sur un blog dédié. Plus de 140 participant-e-s ont répondu à l’appel en 2011, un chiffre significativement supérieur aux années précédentes. [3]
Concernant l’édition 2011, les participant-e-s pouvaient via un WiKi proposer leur définition de ce que signifiait pour eux le concept de « Digital Humanities ». [4] Ensuite, grâce à Wordle [5], une définition collective sous la forme de mots extraits de la somme de réponse a pu être construite :
Pour sa part, l’Université de Lausanne organisait le jour précédent, un colloque intitulé ”Humanités Digitales@Unil – Qu’est-ce qui bout dans la marmite digitale de l’Unil ?” À cette occasion, les différents intervenants avaient l’occasion de montrer comment les nouvelles possibilités créées par le numérique sont exploitées dans leurs recherches et travaux.
Le premier projet présenté est consacré au photographe suisse Hans Steiner. [6] Le projet a débuté en 2005. En 2006-2007, un cours-séminaire est organisé par le professeur François Vallotton à partir du Fonds Steiner. [7] Puis, 7500 planches contacts sont mises sur l’Internet. À partir de l’inventaire de base établi par Hans Steiner lui-même, le travail de numérisation peut ensuite commencer avec l’aide de Memoriav. [8] Aujourd’hui un corpus de 80’000 images a été digitalisé et, à partir de ce corpus, une exposition a été réalisée au Musée de l’Élysée à Lausanne. Elle s’intitule ”Hans Steiner. Chronique de la vie moderne”. [9] Outre l’exposition et le site web, un DVD et un catalogue d’exposition ont été réalisés.
L’intérêt de la démarche réside, d’une part, dans les regards croisés portés par les différents acteurs du projet issus de la recherche historique, de l’histoire de l’art, de la photographie ou de la numérisation et, d’autre part, par la collaboration entre professeurs, chercheurs et étudiant-e-s. [11]
De son côté, le professeur François Vallotton a développé un autre projet également pluridisciplinaire en lien avec son enseignement et impliquant ses étudiants dans la co-construction d’un savoir historique.
Ce projet est consacré aux revues d’architecture et d’ingénierie publiées en Suisse aux XIXe et XXe siècles. Il s’agit notamment de développer un outil pédagogique à mobiliser dans le cadre d’un enseignement et de mutualiser l’information pour donner une dynamique collective à un séminaire. À nouveau, la plupart des corpus analysés ont été numérisés [10], puis mis en ligne. En outre, le projet s’appuie sur un autre projet mis en ligne, réalisé à l’Université de Fribourg et consistant en un dictionnaire des revues culturelles suisses. [12]
Dans un troisième projet présenté, deux étudiants de latin de niveau master, Patrick Bapst et Marie Minger ont présenté un exemple d’autoformation entre étudiants avancés utilisant leur propre expérience pour former à l’utilisation de la base de données LLT (Library of Latin Texts) d’autres étudiants débutant leurs études. Ces deux étudiants ont mis en évidence les rapports privilégiés ainsi développés entre étudiants avancés et de première année. De plus, les étudiants avancés ont pu montrer à leurs pairs ce que les professeurs ne leur montrent pas forcément… Au final, il s’agit d’une fort belle expérience de co-construction d’un savoir.
Enfin, je signalerai un dernier projet invitant au voyage. Intitulé VIATICALPES, il désigne un projet de recherche centré sur l’histoire culturelle des voyages en Suisse et dans les Alpes. Les recherches ont été documentées par les livres de voyages illustrés, du XVIe au XIXe siècle. Dans le cadre de ce projet, les étudiant-e-s ont réalisés des productions multimédias. [13]
Comme indiqué en introduction, ces différents projets mettent en évidence la construction de nouveaux objets de recherche qui réunissent des chercheurs et spécialistes de différents domaines. Les questionnements sont féconds et les produits sont multiples, numériques et multimédias. Par ailleurs, les étudiant-e-s participent pleinement à ces projets et co-construisent pour une part des savoirs en compagnie de leurs professeurs, voire développent des modalités de formation par les pairs. [14] Il reste à espérer le développement de tels projets au niveau universitaire et que ceux-ci modèlent ceux des étudiant-e-s qui deviendront enseignant-e-s.
Lyonel Kaufmann, Professeur formateur, Didactique de l’Histoire, Haute école pédagogique du canton de Vaud, Lausanne (Suisse)
Notes
[1] http://tapor.ualberta.ca/taporwiki/ind[…]
[2] http://portal.tapor.ca/portal/portal
[3] Vous pouvez consulter la liste des participant-e-s ( http://tapor.ualberta.ca/tapo[…]) ou leur répartition géographique ( http://maps.google.co.uk/maps/ms[…])
[4] L’ensemble des réponses :
http://tapor.ualberta.ca/taporwiki/index.php/How_do[…]
[5] http://www.wordle.net/ Source du graphe : http://www.infoclio.ch/en/node/23707
[6] Hans Eugen Steiner (1907-1962) est d’abord connu pour ses images de la Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale, Hans Steiner excelle en fait dans la plupart des genres de la photographie. Le sport, la mode aussi bien que l’industrie sont des sujets qu’il affectionne. Photographe et reporter, il porte un regard pénétrant sur le quotidien de la Suisse et ses habitants entre 1930 et 1960. Durant cette période, il signe un grand nombre d’images remarquables qui seront publiées dans la presse illustrée. La qualité et la diversité de ses travaux font de lui une des figures majeures de la photographie suisse du 20ème siècle.
Le site : http://www2.unil.ch/hanssteiner/
[7] Les travaux des étudiant-e-s :
http://www2.unil.ch/hanssteiner/index[…]
[8] La mission de Memoriav consiste à préserver le patrimoine audiovisuel suisse : http://fr.memoriav.ch
[9] L’exposition se termine le 15 mai 2011.
http://www.elysee.ch/fr/expositions/detail/[…]
[10] http://retro.seals.ch/digbib/home
[11] Sur l’ensemble du projet, on consultera également la page suivante qui comporte des extraits du DVD consacré à Hans Steiner :
http://www.unil.ch/unimedia/page35462.html
[12] http://www.unifr.ch/grhic/revues/index.php
[13] http://www.unil.ch/viaticalpes/page53765.html
[14] En France, on signalera la démarche comparable et tout aussi féconde développée par André Gunthert et réunissant professeurs, doctorants et étudiants sous l’égide du site Culture visuelle, média social d’enseignement et de recherche : http://culturevisuelle.org/