Par Frédérique Yvetot et Justine Margherin
Les bibliothèques universitaires évoluent et sont repensées parce qu’elles doivent s’adapter aux besoins des usagers. Elles tendent à devenir des Learning Centres, « centres d’apprentissage » axés sur la méthodologie de travail et l’autonomie des usagers. Mais comme le monde des bibliothèques est très proche de notre monde à nous, le concept de Learning Centre est à observer près car toutes ces évolutions ne nous sont pas étrangères.
Bibliothèques d’aujourd’hui : à la conquête de nouveaux espaces
Un livre des éditions du Cercle de la Librairie, reprend l’histoire des bibliothèques sous l’angle architectural, ergonomique… l’espace évolue et s’adapte aux nouveaux usages. C’est une évolution plus ou moins silencieuse, plus ou moins violente, mais au regard de ce beau livre, on voit bien que du hall d’accueil à l’ampoule choisie pour les espaces, du fauteuil, de la chaise au poste de travail avec connexion intégrée à la table…. on a bien changé les fonctions (les missions ?) en même temps que l’organisation des espaces -et vice versa !
Construit en quatre parties, richement illustré et étayé de nombreuses études précises (très très précises), le livre est accompagné d’un CdROm présentant 23 bâtiments de bibliothèques françaises, 6 allemandes, et des diaporamas de présentation de bibliothèques du Royaume Uni.
On pourra s’attacher plus particulièrement à la première partie (Les bibliothèques : des équipements publics en profonde mutation) qui met en évidence l’adaptation des bibliothèques à l’évolution des besoins et des offres aux usagers. Le regard sur les BU (bibliothèques universitaires) les plus récentes, montrent la transformation vers le Learning Centre dont le modèle est présenté par Graham Bulpitt. Issu du doublement du nombre d’étudiants, et de son corolaire la baisse du nombre d’heures de cours (économie oblige), avec l’augmentation du nombre de travaux individuels demandés aux étudiants, l’objectif est bien de développer de « nouvelles façons de travailler avec les étudiants ». Le centre doit être axé sur le processus d’apprentissage (Learning) et fournir tous les supports nécessaires aux étudiants -et au personnel chargé d’accompagner leurs études » (p. 65). On construit alors des BU tournées non plus seulement vers l’accès aux ressources mais aussi sur la méthodologie de travail en autonomie. Les étudiants sont encouragés à rechercher leurs propres méthodes de travail. Évidemment le numérique contribue à permettre cette autonomie et donne aussi un nouveau rôle au personnel de bibliothèque dans l’encadrement, l’orientation, la formation.
Bisbrouck, Marie-Françoise (sous la dir. de). Bibliothèques d’aujourd’hui : à la conquête de nouveaux espaces. Paris : Editions du Cercle de la Librairie, 2010.
Comprend un CdRom
ISBN : 978-2-7654-0982-3
prix : 69 €
Le concept se développe
Les Learning Centres ont vu le jour suite à l’arrivée du numérique et des nouveaux besoins des usagers. Depuis peu, ils se développent en Europe : certaines bibliothèques universitaires sont repensées en Learning Centres, mais cela ne concerne pas que les BU. Pour en savoir plus, on peut lire le rapport de l’inspection générales des bibliothèques sur ce sujet, disponible sur Educnet ou consulter les différents documents disponibles suite aux journées d’étude organisées par Médiat Rhône-Alpes. Pour résumer, il s’agit de faire le lien entre différentes dimensions : l’enseignement, l’acquisition de connaissance, la documentation et la formation aux technologies. Cette évolution des bibliothèques repose sur trois points essentiels : un lieu, des ressources et des services.
Le lieu
Le Learning Centre est un lieu accessible au plus grand nombre, notamment grâce à des horaires étendus, très étendus. Il est composé d’espaces conviviaux, ouverts, flexibles, évolutifs et adaptés aux différentes manières de travailler : tout seul dans le silence, en petit groupe en mangeant un morceau (certains Learning Centres intègrent même une cafétéria) ou en groupe plus grand. C’est un lieu de vie, d’échange et de partage où les usagers vont, viennent et s’y sentent bien. Comme on a pu le voir dans le compte rendu de lecture ci-dessus, le lieu est important et doit être sérieusement réfléchi.
Des ressources
Le Learning Centre fournit les ressources nécessaires à l’apprentissage des usagers, bien évidemment. Cela concerne donc les ressources sur tous les supports. Un accès au catalogue doit évidemment être possible en ligne, mais aussi aux ressources numériques du Learning Centre.
Des services
Le Learning Centre ne représente pas uniquement un accès aux ressources, il est un appui par ses ressources, mais aussi et surtout par son personnel aux compétences multiples. C’est un lieu d’apprentissage au petit soin de l’usager. Il doit être possible d’y trouver une assistance personnalisé, d’y être conseillé, guidé, accompagné, orienté, dépanné…
Transformer les bibliothèques en Learning Centre serait un peu comme si on transformait les BU en super-CDI dans le sens où le Learning Centre rapproche l’enseignement et la documentation. Alors pour coller au mieux aux besoins des usagers, il est nécessaire créer une collaboration avec les enseignants et prendre appui sur les programmes… comme au CDI. De plus, dans le concept de Learning Centre, la dimension « apprendre à apprendre » est très présente. Il ne s’agit pas uniquement de travailler avec des ressources, mais surtout d’amener les usagers à développer leur propres méthodes de travail et et à être autonome… comme au CDI.
Sur Educnet, « Learning Centres » : modèle international de bibliothèque intégrée à l’enseignement et à la recherche
http://www.educnet.education.fr/veille-education-numerique/fevrier-2010/[…]
Journées d’étude : « Learning Centres : vers un modèle à la française ? » (Médiat Rhône-Alpes)
http://mediat.upmf-grenoble.fr/19883473/0/fiche___actualite/&RH=MEDIATFR_PASNIV2ACC
« Du CDI au Learning Centre »
Sachant cela, que peut-on penser du séminaire appelé « Du CDI au Learning Centre » qui se tiendra à l’ESEN (Poitiers) du 23 au 25 mars 2011 ? Si l’on lit le billet de Jean-Pierre Guéguen sur le blog des Trois Couronnes, on devine qu’on a peut-être du soucis à se faire. Ce billet revient sur la mention de l’ECDI du projet de circulaire de mai 2010, les Espaces de Culture, de Documentation et d’Information fortement inspiré des Learning Centres. Le projet de circulaire de janvier 2011 – d’ailleurs, où en est-on de ce projet ? Est-il enterré ? – ne mentionne plus l’ECDI, mais on y retrouve sa trame : les documentalistes deviendraient aussi des informaticiens et fourniraient un certain nombre de services (soutien, aide, assistance). Il ne manque plus que l’amplitude horaire » des CDI qui serait facilitée si le documentaliste prenait aussi la fonction de chef de travaux… Et là, le débat sur cette fonction fait rage, il n’y a qu’à lire certains autres billets de ce même blog.
Mais on pourrait essayer d’être optimiste, pour une fois. Ce séminaire pourrait être l’occasion de repenser la place du CDI dans l’établissement, la collaboration du professeur documentaliste avec les enseignants, la direction, la vie scolaire…, la place et l’importance des compétences info-documentaires dans les apprentissages, repenser les méthodes de travail des élèves et des enseignants notamment parce que la technique a évolué, parce que le numérique est incontournable, parce qu’il y a le socle commun dans nos collège ou parce que le lycée est réformé… Essayons d’être optimiste et faisons évoluer nos CDI pour que nous amenions les élèves à devenir des citoyens responsables capable de se débrouiller.
Sur les Trois couronnes, L’ECDI version Learning Centre : vers 39 H de gestion ?
http://esmeree.fr/lestroiscouronnes/idoc/blog/l-ecdi-version-learning-centre-vers-39-h-de-gestion