Par François Jarraud
Fait unique : le 27 janvier 2010, le Conseil supérieur de l’éducation a voté contre la circulaire d’application de la loi Ciotti à l’unanimité. Pourquoi un tel rejet unanime ? On verra que l’Europe recommande une toute autre politique.
Ciotti fait l’unanimité au CSE
Réuni le 27 janvier, le Conseil Supérieur de l’Education s’est retrouvé pour une condamnation unanime de la loi Ciotti sur l’absentéisme. Le CSE a aussi été marqué par des déclarations liminaires condamnant le budget et les suppressions de postes.
Enseignants, parents, lycéens, collectivités territoriales, chefs d’établissement, partenaires sociaux : tous les acteurs de l’Ecole ont voté à 100% contre la circulaire d’application de la loi Ciotti de lutte contre l’absentéisme. Un fait rarissime qui illustre le fait que la communauté éducative dans son ensemble ne croit pas dans l’efficacité de ces mesures et n’en partage pas l’inhumanité.
Quelle efficacité ?
Le Royaume-Uni applique les sanctions financières et même la prison pour les parents d’élèves absentéistes. De 2005 à 2007, pas moins de 133 parents ont été embastillés pour cette seule raison. Et près de 8 000 amendes sont distribuées chaque année. Pourtant, les statistiques de l’absentéisme scolaire montrent une montée régulière d’année en année, preuve de l’inefficacité de cette politique des sanctions. C’est que l’absentéisme a des causes nombreuses, certaines étant parfaitement légitimes comme la volonté d’échapper au racket, la nécessité de travailler, une situation familiale difficile, une orientation désastreuse etc. La crise de la parentalité est d’ailleurs contestée par les sociologues qui montrent plutôt que les parents encadrent davantage leurs enfants que dans le passé. Ainsi les jeunes passent plus de temps avec leurs parents : 70% passent régulièrement du temps avec leur mère, contre 62% en 1986. 85% des parents veulent savoir où leurs enfants vont. C’était 79% en 1986. Les chercheurs incriminent la pression des groupes de jeunes et la culture jeune. Pas les parents. Punir les parents ne sert donc à rien.
Quelle finalité ?
Le vote de la loi, puis la parution ce mois-ci au Journal officiel du décret d’application er enfin la diligence mise à préparer la circulaire d’application ne peuvent s’expliquer que par ce qui est peut-être le premier intérêt du texte : flatter l’électorat extrémiste.
La circulaire sur l’absentéisme publiée au B.O.
C’est par bravade que le ministre fait publier moins d’une semaine plus tard, le 3 février, ce texte au Bulletin officiel. La circulaire n’aborde la question de la lutte contre le décrochage scolaire que sous l’angle répressif. La circulaire décrit précisément le rôle répressif que doivent tenir les différents acteurs : CPE, chef d’établissement, inspecteur d ‘académie. On ne trouvera dans ce texte aucune information et encore moins de politique éducative de lutte contre le décrochage scolaire alors même que l’inefficacité des politiques répressives est démontrée. Très clairement ce texte fait honte à l’institution éducative.
Lutte contre l’absentéisme : La France contredite par Bruxelles
Alors que le gouvernement français engage l’application de la loi Ciotti qui répond à l’absentéisme par la répression sur les familles, le Conseil européen recommande des mesures pédagogiques. » Actuellement, environ six millions de jeunes dans l’UE quittent l’école à la fin du premier cycle de l’enseignement secondaire, voire avant. Nous ne pouvons nous permettre de laisser perdurer cette situation. La prévention de l’abandon scolaire est particulièrement importante, non seulement pour lutter contre les conséquences négatives de la pauvreté et de l’exclusion sociale sur le développement de l’enfant, mais également pour mieux armer les enfants et briser le cycle de la transmission intergénérationnelle de l’inégalité », affirme le Conseil européen dans un document du 31 janvier 2011Il rappelle que l’Europe s’est fixé comme objectif de réduire à 10% le taux de décrochage d’ici 2020.
Des mesures pédagogiques. Comment faire ? Le Conseil européen recommande plusieurs méthodes. Et d’abord des politiques de prévention comme « le fait d’augmenter l’offre pédagogique en prolongeant la durée de l’enseignement obligatoire ou en prévoyant des garanties d’éducation et de formation au-delà de l’âge auquel l’enseignement est obligatoire » et « la mise en oeuvre de politiques de déségrégation actives ». Le Conseil souhaite aussi des interventions individuelles comme » les mesures de soutien financier comme les allocations d’études luttent contre l’abandon scolaire motivé par des raisons financières. Ce soutien pourrait être subordonné à une présence régulière ou avoir un lien avec les prestations sociales familiales ».
http://www.education.gouv.fr/cid54846/mene1102847c.html
Le vote au CSE
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2011/01/2801[…]
L’Ecole prise au piège de la démagogie
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lemensuel/leleve/Pages/2010[…]
Le communiqué européen
http://ec.europa.eu/education/school-education/doc/earlyrec_fr.pdf
Sur le site du Café
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