C’est un document riche
d’enseignements que vient de rendre public le Centre
d’Analyse Stratégique, sous la tutelle du Premier
Ministre de la France. Ce « tableau de bord de
l’emploi public » a pour vocation de situer la
France dans un ensemble de pays de l’Union
Européenne et de l’OCDE. L’ambition
affichée est claire dès l’introduction
du rapport : «
La France est-elle sur-administrée »
comme le répétent à l’envi
les thuriféraires de la baisse de la dépense
publique ? Le rapport fait donc une place importante aux deux grandes
fonctions publiques « les plus consommatrices de ressources
humaines » : l’éducation et la
santé.
Avant de regarder de
près la situation dans l’Education, il est tout
à fait intéressant de constater que le rapport
remet en cause quelques idées toutes faites,
selon lesquelles l’emploi public en France serait une charge
plus importante qu’ailleurs, et pour deux raisons :
–
d’abord, si on considère le nombre
d’emplois dans les services publics (APU,
intégrant la fonction pblique d’Etat, les
collectivités territoriales et les services de
santé, la France est certes dans la moitié
supérieure des pays comparés, mais largement
moins « administrée » que les pays du
Nord ou même le Canada
–
ensuite, parce que le coût moyen de chaque emploi
est comparativement moins élevé
qu’ailleurs, les salaires étant souvent moins
élevés (voir en fin d’article). Au total, la
statistique ci-dessous est édifiante : en dépense
réelle par habitant, le coût des emplois publics
français se situe dans une honnête moyenne.
En France, moins
d’enseignants qu’ailleurs…
Examinons maintenant de plus près la situation de
l’éducation. En terme de nombre total
d’emplois (public et privé) pour mille habitants,
la France n’a pas de quoi faire la bonne
élève puisqu’elle figure dans la
seconde moité de la classe. Fait aggravant, alors que la
plupart des pays (sauf l’Italie) tentent
d’augmenter leur nombre d’enseignants, la France
est à la baisse alors que, rappelons-le, son taux de
natalité est un des plus hauts des pays occidentaux.
Conséquence logique, le nombre de postes pour 100
élèves est, là aussi, bien bas : avec
un peu plus de six postes d’enseignants pour cent
élèves ou étudiants, la France
« régresse dans la hiérarchie
» comme l’indique avec euphémisme le
rapport…
Une situation
particulièrement défavorable au primaire
Mais c’est
quand on observe les écarts de situations entre les
différents degrés que la situation est la plus
saisissante : la France traite particulièrement mal le
primaire et le supérieur (ci-dessous). Le nombre de postes
pour 100 élèves est en France un des plus faibles
des pays observés, avec 5 enseignant pour 100
élèves, alors que le nombre oscille entre 6 et 10
dans la plupart des pays… Un enseignant de plus pour 5
classes, voilà qui ravirait bien des équipes
enseignantes confrontées à de multiples
difficultés quotidiennes, et qui leur permettrait
d’envisager totalement différemment la prise en
charge des situations d’apprentissages.
Pour mémoire, on retrouve également la difficile
situation de l’enseignement supérieur : seule la
Grèce est aussi mal lotie en terme de nombre de postes par
étudiants, la plupart des pays
développés investissant beaucoup plus massivement
dans ce qui est désormais une variable
déterminante de l’économie,
même dans la perspective de la compétition
internationale.
Et des salaires
à la traine…
Concernant le salaire des
enseignants, le rapport se livre à un
comparatif intéressant en rapportant le salaire des
enseignants à la richesse du pays (mesurée par le
PIB par habitant). Moralité : la France fait bien peu
d’effort pour ses enseignants…
Le calcul annoncé par le Président de la
République a la télévision en
déclarant vouloir « arrêter la
paupérisation des enseignants » – en leur
distribuant une part récupérées par
les économies de postes fermés – risque
donc d’être un effet d’annonce de plus.
Rappelons pour conclure que
malgré les difficultés, les résultats
de l’Education contribuent aussi à un indicateur
cité beaucoup moins souvent par les économistes
en cour que le déficit budgétaire : la France
reste toujours le pays du monde à la plus forte «
valeur ajoutée » du travail humain. Il
est évidemment peu probable que les actuels gouvernants en
tirent des leçons pour investir dans
l’éducation et remettre en question le dogme des
économies budgétaires contre lequel se mobilisent
depuis quelques semaines les enseignants et les parents
touchés par des fermetures de postes…
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