Olivier Burger : penser
l’enseignement des sciences dès la maternelleOlivier Burger
considère que «l’enseignement
des sciences est enjeu de formation des citoyens : il s’agit de faire
accéder les élèves à un
ensemble de
connaissances, de savoirs, scientifiques et technologiques. »
Pour construire ce regard particulier, ce décodage du monde,
l’entrée la plus souvent évoquée est
la manipulation.
Olivier Burger souligne que dès cette étape, la
précision de l’enseignant s’impose. Au cours de la phase de
manipulation, les intentions des élèves sont
variables :
avec des légos techniques, l’un aura des
préoccupations
esthétiques, l’autre ludiques, un autre avec de la chance
entrera dans le projet du maître et aura des intentions
scientifiques, le dernier aura ses propres intentions, que
nous
ne sommes même pas en mesure d’envisager, voire essaiera
juste de
faire « ce que la
maîtresse vient de me dire »…
Or le projet de l’enseignant est que tous les
élèves entrent dans l’intention scientifique.
Pour ce faire Olivier Burger souligne la
nécessité
d’inscrire explicitement en préalable la séance
dans le
domaine sciences. Il fait le lien avec Stéphane Bonnery et
son
appel à lever les malentendus (qui sont parfois plus que des
malentendus des non-dits), et invite l’auditoire à dire
pourquoi
on fait les choses en tant qu’enseignant. Deux précautions
lui
semblent cependant à prendre en compte :
– Focaliser :
afin d’aider les
élèves à s’inscrire dans
l’activité
scientifique, il faut accepter de fixer des contraintes. En situation
d’expériences, le choix du matériel n’est pas
laissé au hasard, il est restreint à son objectif
(les
figurines légos sont enlevées et ne restent
disponibles
que les roues dentées pour observer les engrenages…), le
parler professionnel se doit d’être précis lors de
la
passation de la consigne : « à l’aide de ce
matériel, observez…» et non « utilisez
ce que vous
voulez et nous en parlerons après… ». Lors du
déroulement de l’activité, la rigueur est
toujours de
mise pour inciter les enfants à respecter le protocole
proposé et à utiliser le vocabulaire
adéquat.
Dans une formule que n’aurait pas désavoué
Bruner, il précise : « Si
on veut que tous les élèves soient dans une
activité scientifique, il faut restreindre le champ de leurs
explorations à ce que l’on veut qu’effectivement tous
observent.
Ainsi il y aura de l’expérience commune sur laquelle on
pourra
revenir ensemble, schématiser, débattre. Un bilan
devra
être mené sur l’activité afin de
partager les
constats. »
– Déparasiter
: chaque
« objet » d’enseignement est aussi un «
objet du
monde », porteur d’expérience concrète, de
vécu
subjectif, de mots définissant des concepts incertains… Un
des
problèmes de l’enseignant va donc être de
dépasser
les registres familiers, personnels, pour accéder
progressivement aux concepts scientifiques. Pour passer de
l’expérience concrète (« ma maman, elle n’aime pas qu’on
abime les plantes qui décorent le salon.. » au
savoir scientifique (« une
plante est vivante parce qu’elle se reproduit par des graines, grandit
et meurt »),
la mise en mots, la mise en expérience communes est un
processus
à part entière, lent et exigeant. Avec des
enfants
jeunes, on peut partir de constats objectifs : « je vois une
graine, comment je peux m’organiser pour voir cette graine se
transformer ? qu’est ce que dois mettre en place pour continuer
à la voir même si je la mets dans la terre ?
».
Le débat s’engage
avec la salle
et les questions sont nombreuses : comment introduire des outils avec
les élèves ? comment annoncer à des
enfants de 3
ans ans que l’on va faire des sciences ? en quoi cela entre-t-il en
résonance avec leur propre compréhension du monde
? Les
inciter à respecter un cadre, un protocole, cela ne
serait-il
pas nuisible à leur propre démarche de recherche
?
Focaliser, est-ce pré-mâcher une tâche
qui n’aura
alors plus rien d’exploratoire ? Par des procédures ne
déconnecte-t-on pas les sciences de la vie ? Ne faut-il pas
considérer à l’inverse que
l’élève
expérimente dans de multiples expériences puis
construit
des concepts quand les expériences personnelles sont
mutualisées, sociabilisées ?
Olivier Burger module, et n’élude pas la
nécessaire
expérience personnelle préliminaire : avant de
s’engager
dans la séance de « sciences » avec son
matériel choisi rigoureusement et restreint,
l’élève aura été mis en
situation d’avoir
expérimenté un matériel plus large,
sans
contrainte autre que la découverte. En contexte de
séance
de sciences, la contrainte imposée peut être
libératoire si elle permet effectivement de construire du
sens
et si elle permet de porter un « regard insolite sur le monde
», qu’on va mettre en mot avec un « point de vue »
spécifique : la catégorie de classement « les
animaux qui
font peur » est reliée au registre des émotions,
« les
animaux qui volent » à celui du scientifique… .
Comme
Véronique Boiron le
matin, Olivier Burger conclut sur le rôle
spécifique de
l’espace de l’école :
– c’est un milieu aménagé pour vivre des
expériences ;
– on y apprend à défusionner l’affectif du
cognitif ;
– l’élève constate que a
seule expérience
cumulée ne lui apprend rien, mais que la formalisation est
déterminante : elle engage la nature des échanges
entre
les élèves. En faisant ensemble, en y
réfléchissant, on co-construit un point de vue
instruit
sur le monde.