Par François Jarraud
La question de l’utilité des nouveaux techniciens de l’éducation (médiateurs, assistants d’éducation, etc.) se pose au moment où filtre un rapport de l’Inspection générale sur les médiateurs. Et c’est aussi cette question qui est abordée dans l’ouvrage de Maurice Tardif et Louis Levasseur » La division du travail éducatif ».
Le rapport de l’Inspection sur les médiateurs a filtré dans la presse. On sait que X Darcos avait décidé fin janvier 2009 le recrutement de 5 000 « médiateurs », recrutés sur des termes précaires, censés lutter contre l’absentéisme dans les établissements où il est le plus fort. Il avait fixé l’objectif d’une réduction de 30% du taux d’absentéisme. Or ce qu’on sait du rapport de l’Inspection, c’est qu’il met en doute l’efficacité du dispositif. son impact » reste à démontrer », écrivent les inspecteurs. Ils citent l’exemple d’un collège de l’académie de Versailles où le taux d’absentéisme est tellement élevé qu’il reste approximatif (entre 7 et 12%) malgré la présence de trois médiateurs. D’une façon générale, les médiateurs auraient été mal accueillis par les assistants d’éducation.
Maurice Tardif et Louis Levasseur, dans leur ouvrage » La division du travail éducatif », élargissent le débat à l’ensemble des intervenants non-enseignants chargés maintenant de missions d’enseignement. Ils sont amenés à encadrer les élèves les plus en difficulté. Pour les auteurs cela conduit à diviser le système éducatif en deux. « Une partie des élèves (près du tiers en fait) est de plus en plus encadrée par du personnel technique », écrivent-ils. « En ce sens, on peut soutenir que les populations défavorisées le sont doublement : par leur origine et par le traitement scolaire qu’elles reçoivent ».
A l’appui de leur thèse, on peut également citer une étude, publiée en 2009, sur les Teaching Assistants anglais, ces aides recrutés pour assister les enseignants dans le suivi des élèves en difficulté. Elle a montré que leur arrivée aurait amélioré le climat scolaire mais aussi élargi l’écart entre les élèves. Les enseignants leur aurait délégué l’encadrement des élèves faibles alors qu’ils sont moins bien formés pour enseigner.
Car ce n’est pas l’engagement de ces personnels qui est en question. Il est réel et va bien au-delà de la rémunération vraiment minime qu’ils reçoivent. Le statut de ces aides est toujours précaire, la rémunération basse, la formation quasi absente. Le travail fourni est à la hauteur de la qualité humaine de ces personnes. Il est très supérieur à l’attention et à la rémunération accordés par l’institution.
Ce qui pose problème c’est l’organisation du travail scolaire. Cela avait été démontré déjà pour les Teaching Assistants. Les enseignants auraient profité de leur présence pour leur déléguer l’encadrement en petits groupes des élèves faibles. Cela leur a permis d’aller plus vite et plus loin avec les « bons » élèves. Quant aux élèves en difficulté, ils se sont retrouvés avec des personnels peu formés à enseigner. Dans le cas des médiateurs, l’Inspection met aussi en cause le fonctionnement des établissements. » On a, une fois de plus, segmenté la vie scolaire pour mettre l’accent sur une mission, certes prioritaire, de lutte contre l’absentéisme, mais sans l’intégrer dans un projet global de politique éducative de l’établissement et sans lui conférer sa pleine dimension ». Et le résultat est faible. Ainsi fonctionne le système éducatif qui veut qu’on supprime les Rased chargés d’aider les enfants les plus en difficulté pour les remplacer par des enseignants qui savent juste faire de l’accompagnement pédagogique et qu’on confie les jeunes les plus en difficulté aux enseignants les moins expérimentés et à des personnels non formés.
Le risque d’une école à deux vitesses. La conclusion de M Tardif et L Levasseur, dans l’entretien qu’ils ont accordé au Café, mérite qu’on s’y arrête. Ils dénoncent » l’instauration d’une école à deux vitesses » y compris à l’intérieur de l’école publique. « Comment faire en sorte que la différenciation (des établissements, des pédagogies, des personnels, etc.) n’engendre pas de l’inégalité? », interroge Maurice Tardif. « Nous ne le savons pas. Cependant, ce que nous savons, c’est que les évolutions scolaires actuelles ne vont pas vers davantage d’égalité : il faut donc leur résister. »
Le rapport de l’inspection
http://education.weka.fr/flash-education/les_inspections_[…]
Les médiateurs
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lemensuel/leleve/Pages/200[…]
Sur les Teaching Assistants
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2009/09/070[…]
L’entretien avec M Tardif
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2010/11/12[…]
Sur le site du Café
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