Par François Jarraud
Est-ce le bon moment pour lancer un débat sur la notation au primaire ?
La proposition de l’Afev de supprimer les notes dans l’enseignement primaire semble pleine de bon sens. L’Afev elle même a donné d’excellents arguments pour l’effectuer. Elle cite la perte d’estime de soi, la démotivation et l’encouragement à l’échec. Dans cet Expresso, Nathalie Mons souligne qu’une bonne partie de nos voisins, aussi bien au Nord qu’au sud de l’Europe, ont déjà abandonné la notation traditionnelle, parfois depuis longtemps, et s’en portent bien et même, disons-le, mieux que nous. Enfin nombre d’enseignants français ne sont satisfaits ni des évaluations nationales, ni des évaluations répétitives qu’ils sont amenés à pratiquer. Même si d’autres sujets auraient pu interpeller également l’Afev (les devoirs à la maison et l’inégalité sociale qui en découle, le redoublement etc.), la question des notes et légitime.
Pourtant cette proposition est accueillie avec une certaine froideur. Le ministre a fait connaître son opposition. Le Snuipp publie un communiqué qui élargit tellement la question qu’elle semble perdue. Les autres organisations semblent un peu embarrassées pour répondre.
C’est que ce projet va à contre-courant d’une tendance lourde des systèmes éducatifs, comme le souligne Nathalie Mons. Dans tous les pays développés, les systèmes éducatifs se dotent d’un appareil d’évaluation et de contrôle des résultats du système scolaire. En France, au primaire, cela se traduit par des évaluations nationales qui ont déjà largement fait parler d’elles. Si ni le moment, ni le contenu, ni la forme de ces évaluations ne semblent satisfaisantes, leur principe même n’est pas remis en question. Car il correspond à une volonté forte, mais pas forcément identique, des parents et des gestionnaires du système. Une proportion importante des parents a perdu confiance dans l’école et veut contrôler et comparer ses résultats.
Cela montre que la question des notes est politique. C’est même un sujet politiquement dangereux. Ainsi, en Suisse, dans deux cantons, c’est sur le retour de l’évaluation classique que la droite a fait campagne. Et elle a réussi à imposer sa vision de l’école et à progresser politiquement. Alors que la campagne présidentielle est lancée, à quelques jours de la publication des résultats de Pisa, la campagne de l’Afev met donc les politiques au pied du mur sur une question particulièrement brûlante. A droite , la réponse est déjà construite. A gauche, le projet reste à établir. Faut-il commencer par le toit pour construire la maison commune ?
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