Par Julie ANNE. Illustrations de Fred YVETOT.
Dans ce petit collège de ZEP (350 élèves au compteur), deux profs de discipline (par ailleurs professeurs principaux de 3ème) et moi-même, la prof-doc, sommes partis de ce constat simple : ne se préoccuper de l’orientation qu’à partir de la 3ème, comme il se faisait traditionnellement dans cet établissement, est bien souvent trop tardif, assez difficile à caser (dans leur emploi du temps et dans leur année, les deux très chargés), et relativement inefficace…
Alors nous nous sommes retroussés les manches, on s’est réunit au sommet pour l’occasion, et en se creusant un peu les méninges à 3, on s’est dit qu’on allait un peu bousculer tout cela.
D’autant plus que la COP…elle fait ce qu’elle peut ! Avec une journée de présence par semaine dans l’établissement, très souvent pris par des réunions diverses et variées, elle a du mal à pouvoir répondre aux demandes pressantes de tous ces petits : nous avons beau n’avoir que relativement peu d’élèves, pas facile de caser tout ce beau monde !
L’accent a donc été mis sur le niveau 4ème : suffisamment de maturité pour commencer à s’intéresser (voire se préoccuper) de leur avenir, mais encore suffisamment disponibles pour pouvoir leur proposer un programme de découverte et d’approfondissement sur toute l’année. Mais malheureusement, des collègues pas toujours au courant des enjeux ni véritablement armés pour les aider : et puis, leurs élèves ne sont « que » en 4ème…
La mise en place institutionnelle du PDMF n’aura finalement été que l’impulsion-prétexte d’un projet qui nous tenait à coeur. Nous sommes malheureusement trop souvent confrontés à la fois aux désirs parfois complètement surréalistes de nos élèves et aux dures réalités auxquelles ils sont au final confrontés. Aller en Seconde Générale : pour certains de nos élèves qui ont 5 de moyenne générale, il est difficile de leur faire comprendre que oui, ils pourront y aller – rien ne leur interdit-, mais à quel prix…Et, dans un autre style, voir certains « orientés » de force vers certaines filières pro, juste parce que les taux de pression sont « favorables »…
(Pour les non-initiés : le taux de pression est le rapport entre le nombre de places disponibles dans une formation et le nombre d’élèves qui demandent la formation. Plus le taux de pression est élevé, plus il est difficile d’obtenir la formation souhaitée.
Si le taux de pression est inférieur à 1, cela signifie qu’il y a moins de demandes que de places disponibles).
Voilà donc ce à quoi nous avons voulu remédier ! Vaste chantier…
Le début (automne 2009)
Un premier travail en amont a été fait avec la COP : quelles ressources garder, lesquelles jeter, lesquelles prolonger encore un peu (« infos un peu obsolètes, mais le reste n’est pas mal, et puis avec un peu d’accompagnement, ça passe… »), et lesquelles commander.
Comment organiser le kiosque aussi : le « beau » kiosque labellisé ONISEP n’est pas dans nos budgets, pas de panique! Nous allons en bricoler un, à partir d’un banal kiosque de presse, plus beau que le vrai !
A ses côtés, un poste informatique, exclusivement dédié à l’orientation, disposant de codes spécifiques permettant d’accéder à 4 logiciels installés dessus : GPO, « Planète Métier », « Les métiers de mon quartier » et « Atlas de la formation initiale ». GPO, contrairement aux autres, est aussi disponible sur le réseau de l’établissement : logiciel un peu vieillot d’aspect, il rend toutefois d’énormes services, en proposant notamment des questionnaires d’intérêt, permettant à chaque élève de découvrir un peu mieux ses goûts et ses possibles, et proposant des résultats sous forme de diagrammes des métiers possibles suivant les choix rentrés. Pour compléter, des CD et DVD-rom (ONISEP ou autres) sont mis en libre-service à côté de la machine, avec un casque-audio pour pouvoir les consulter librement.
Toujours, le plus important : la signalisation, claire et concise, dans un coin de l’espace du CDI clairement identifié. Un espace spécialement créé pour les « grands » du collège.
La mise en bouche (janvier 2010)
Avec un peu de retard sur nos prévisions, c’est le début des grandes manoeuvres : deux présentations en parallèle (en dédoublant chaque classe), d’une heure à chaque fois.
Le collègue de discipline présente à son groupe les voies générales d’orientation : explication des enjeux de l’après-collège, des différentes voies de formations possibles, avec les débouchés, les contraintes, etc…(« comment ça, il faut faire 10 ans encore après le Bac pour faire médecin ? », « et pour gagner le plus en étudiant le moins, c’est quoi? »…).
La prof-doc, pendant la même heure, s’est occupée de présenter et faire manipuler à l’autre groupe les ressources du CDI : le kiosque ONISEP (avec le système de casiers par domaine), d’autres ressources papier (un cahier de RDV avec la COPsy, des documentaires généralistes, tel « quel métier pour plus tard? » collection Hydrogène chez les éditions De La Martinière), et le poste « orientation ». Enfin la prof-doc fait une présentation de la page « orientation » du site du collège, pensée pour être consultée depuis l’extérieur et à tout moment. Elle offre aux élèves quelques liens utiles vers des sites plus ou moins généralistes, chacun permettant d’offrir au moins une possible recherche par métier ou par domaine.
La séance se termine à chaque fois sur le rappel que l’heure n’aura été qu’une présentation/initiation aux ressources, et que celles-ci sont mises à la libre-disposition des élèves (en insistant sur leur autonomie et leur responsabilité dans leur démarche de projet personnel)…et que de nombreux adultes sont à leur disposition dans l’établissement pour répondre à leurs questions !
On approfondit…(mars-avril 2010)
La séance suivante se passe également par classe divisée en deux. On distribue aux élèves une fiche-métier à remplir (version papier). La consigne : chacun doit choisir un métier (si possible un qui leur parle, mais ce n’est pas obligé), et doit compléter les cases : activités, qualités requises, salaires de départ, accès au métier et établissements (deux dans leur région, et en leur demandant, dans le cas d’un passage par un lycée général, de choisir parmi ceux proposant des options en 2nde pouvant être intéressantes pour la filière ou la formation post-bac).
On s’est rapidement aperçu que certaines choses apparemment évidentes ne l’étaient pas pour eux. Le profil (ou qualités requises) par exemple, voire même toutes les étapes d’accès au métier : nous leur avions demandé d’y indiquer toutes les voies de formation possible, le but était de leur faire comprendre qu’on peut accéder de différentes manières à un même métier.
Pour cette séance, le collègue de discipline, pendant une ½ hr, travaille à partir des sites répertoriés sur la page du collège, tandis que je les fais travailler à partir des documents. La ½ hr d’après, on change de groupe. Tous les élèves auront alors pu jouer de tous les supports pour remplir leur grille.
Expérimentation du webclasseur (mai-juin 2010)
Une dernière séance avec les 4è aura été l’occasion de leur faire découvrir le webclasseur (et à l’équipe de professeurs aussi!). Divisé en 2 groupes (non pas là pour faire deux choses complémentaires, mais par manque de place dans la salle informatique du collège), l’un est avec le prof de discipline dans cette salle, tandis que l’autre est au CDI, chaque élève devant un poste informatique.
Pendant l’heure, ils doivent faire un certain nombre de manipulations leur permettant la prise en main de l’outil : explorer ce nouvel environnement numérique (avec ses différents « espaces » : personnel, classe), lire le message envoyé par leur professeur, mettre en ligne leur fiche-métier produite précédemment, et envoyer un message au professeur pour le leur signifier.
L’outil, intuitif et clair, permet une prise en main très simple pour nos élèves habitués des portails et autres environnements. La principale difficulté n’aura été que…de se loguer (quelques bugs au moment où nous avons travaillé dessus!).
Et les autres classes ?
Hormis ponctuellement pour les élèves de DP3 ou pour des remédiations individuelles, les 3èmes de l’année 2009-2010 n’auront pas bénéficié spécialement d’intervention (ayant eu une formation un peu similaire l’année précédente, sauf le travail sur le webclasseur). Ils bénéficient par contre de l’entretien personnalisé d’orientation (avec le professeur principal, la COP, la direction…).
Concernant le niveau 5ème, nous avons fait une initiation très légère, en partant du jeu de plateau « Quizz métiers » de l’ONISEP : si la dimension ludique est très présente (et le fait de mettre les élèves par équipe renforçant l’émulation), les différentes questions (portant soit sur un métier ou un domaine, soit travaillant sur des préjugés liés) ont permis d’amorcer un début d’intérêt pour tout ce qui touche à l’univers des métiers et des formations.
Perspectives pour 2010-2011
Le travail à faire avec les 4èmes sera sensiblement le même, sauf que nous avons décidé de l’amorcer plus tôt dans l’année (dès l’automne 2010), afin de laisser aux élèves le temps de revenir sur le webclasseur et de s’en servir…notamment en classe et pour le rapport de stage (mise en ligne et transmission au professeur et au reste de la classe). L’idée d’une présentation orale un peu solennisée (avec travail sur la prestation et jury) de leur rapport de stage est également à l’agenda pour cette année.
Pour le niveau 5è, il est toujours prévu d’utiliser le jeu « Quizz métiers » pour entrer dans la découverte des champs professionnels. Mais nous avons prévu une autre réunion en cours d’année pour étoffer ou modifier ce programme, et en trouver un plus satisfaisant.
Une formation « webclasseur » est prévue en novembre 2010 pour tous les professeurs principaux : une heure où l’équipe « orientation » va guider ses collègues dans la prise en main de l’outil, en leur faisant réaliser des manipulations un peu similaires à celles de leurs élèves (en y ajoutant la découverte de l’ « espace équipe »), et en leur montrant également les ressources papier et numériques disponibles (pas forcément très connues des professeurs…). L’idée serait que la partie prise en main du webclasseur par les élèves (lors de la mise en ligne de l’exercice « fiche-métier ») soit faite par le professeur-documentaliste et le professeur principal de la classe en question, afin d’initier le contact en ligne entre celui-ci et sa classe, pour toute question concernant l’orientation.
Bilan
Tout d’abord, très grandes implication, enthousiasme et motivation des élèves sont à noter !
Des élèves qui reviennent d’ailleurs très volontairement et en toute autonomie au CDI pour approfondir leurs recherches, en ne délaissant pas le papier pour le numérique, comme on aurait pu le penser. Au contraire ! Le papier a peut-être un côté plus rassurant, ou plus abordable…GPO a aussi un très grand succès.
Certains élèves ont semblé avoir eu une petite révélation sur le sens de leur scolarité au collège : s’améliorer dans telle matière (qu’ils ont découvert être importante pour leur future formation souhaitée), ou creuser davantage telle piste (avec la latitude d’avoir encore l’année de 3è pour réfléchir)…Une certaine prise de maturité, en somme.
Une meilleure appréhension de l’orientation, même par les élèves à priori peu motivés au départ. Et des collègues (en particulier les professeurs principaux) demandeurs de nos retours d’activités et des impressions des élèves, et motivés pour prendre en main le Webclasseur.
Nous nous sommes toutefois volontairement écartés de certaines préconisations du PDMF. Nous avons par exemple instauré le stage au niveau 4è, toujours dans l’idée que cette année-là est plus libre et propice pour eux, et que les élèves demandeurs pourront toujours en faire un autre en 3è.
Il n’est également toujours pas prévu que les élèves de 4ème aillent en visite dans un lycée ou un CFA. Ayant des doutes sur l’utilité réelle de la chose, nous préférons réfléchir à un autre moyen de se faire rencontrer les deux : une piste pourrait être notamment de faire venir en classe de 3è des professeurs de lycée (notamment de lycées généraux), qui leur feraient cours…et leur feraient toucher du doigt ce qu’ils ont parfois du mal à comprendre : oui, tout le monde peut légalement aller en filière générale, mais en ont-ils vraiment la capacité et/ou l’envie ?
En bref : un travail plus que satisfaisant sur l’année, où les activités ont vraiment porté leurs fruits.
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Françoise Solliec a recensé quelques exemples qui mettent en valeur les relations entre profs et professionnels de l’orientation, dans des activités de classe ordinaires, d’heure de vie de classe ou du module de découverte professionnelle DP3.
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