L’Europe à la disposition de tous
« Europe En Images » est une web Tv sur l’Union Européenne. Elle existe, en accès libre, depuis juillet 2007 et diffuse des films en VoD (Video on Demand ou vidéo à la demande). Chacun peut ainsi composer son propre programme en fonction de ses centres d’intérêt. En dehors de la première page, un système de recherche permet d’atteindre les films.
Parce qu’Internet est un média libre, les sites se comptent par centaines de millions dans le monde, du meilleur au pire. J’ai voulu que ma web Tv soit un support d’information. Il ne s’agit donc pas d’un site personnel spécifiquement construit pour l’enseignement. Il s’adresse au grand public, c’est-à-dire à tous les publics. Et je l’ai conçu délibérément à l’image d’un magazine. Schématiquement, le visiteur peut y trouver deux parties. L’une est constituée de films sur l’actualité et des documentaires, l’autre propose des films d’orientation plus « magazine », avec des rubriques comme « Cinéma » ou « Voyages » et, demain « Cuisines d’Europe et d’ailleurs ». C’est dire qu’ « Europe En Images » est destinée à tous.
Pourquoi se lancer dans un tel travail ? D’abord parce que l’Europe est notre quotidien. Il ne se passe pas une semaine, sinon une journée, sans qu’il ne soit question d’Europe. Et, pourtant, beaucoup de Français s’en désintéressent. Les chiffres de l’abstention aux dernières élections européennes en témoignent, 56% en Europe et 60% en France. On pourra toujours objecter que la meilleure façon de refuser l’Europe que nous avons sous les yeux est de ne pas y participer, mais alors pourquoi ne pas s’exprimer en faveur de ceux qui en proposent une autre.
Cela révèle plutôt qu’elle est mal connue, c’est-à-dire que les Français, et les Européens en général, ont un faible savoir sur l’Europe, mais sans doute aussi que ce qu’ils savent est imprécis ou incomplet.
Sans vouloir se lancer dans une querelle sur les chiffres, on sait que de nombreux textes législatifs votés au Parlement français sont une transposition de textes décidés au niveau européen dans des domaines très variés. Le poids de l’Europe est évident.
Ensuite, parce que l’Europe est constituée de vingt-sept états-membres, chacun avec sa culture, ses façons de vivre et son histoire, une histoire souvent commune tant les territoires d’aujourd’hui sont le résultat des conflits, alliances et négociations diverses qui ont eu lieu sur son sol. Ce paradoxe entre de réelles différences et des histoires imbriquées m’a conduit à prendre conscience du travail qu’il y avait à faire pour faire connaître et partager cette diversité.
Enfin, parce que, plus personnellement, né au début des années cinquante, j’ai grandi avec la construction européenne. Rétrospectivement, elle me parait une belle aventure humaine et politique. Que l’on soit pour cette Europe ou pour une autre ne change rien ! Ma passion pour l’audiovisuel et une petite expérience de la presse écrite ont fait le reste. Je me suis lancé seul dans cette aventure de la création d’un site tout en images, ou presque, sur Internet.
Déjà au XIXème siècle, on parlait d’Europe Unie. Qui ne connaît ce texte de Victor Hugo : «Un jour viendra où vous France, vous Russie, vous Italie, vous Angleterre, vous Allemagne, vous toutes, nations du continent, sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure, et vous constituerez la fraternité européenne, absolument comme la Normandie, la Bretagne, la Bourgogne, la Lorraine, l’Alsace, toutes nos provinces, se sont fondues dans la France » (extrait du discours prononcé le 21 août 1849 lors du Congrès de la paix) ? Mais, au sortir de la Seconde guerre mondiale, le rapprochement s’est concrétisé afin de ne plus revoir de conflits armés sur le sol européen. A l’initiative de Jean Monnet et de Robert Schuman, le Traité créant la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier est signé en 1951. Lors de la cérémonie de signature le 19 mars 1951, voici ce que déclarait Jean Monnet : « Mes collègues et moi nous tenons à attirer votre attention sur trois points essentiels qui caractérisent la transformation fondamentale que le Plan Schuman doit apporter à l’Europe de l’Ouest :
– d’abord, le caractère supranational de la Communauté européenne du charbon et de l’acier,
– ensuite, la création d’un marché de 150 millions de consommateurs et la mise en commun des ressources en charbon et en acier,
– enfin, l’élimination des pratiques restrictives des cartels et des concentrations excessives de puissance économique ». Manifestement, l’ambition est de créer une Europe politique. Jean Monnet souligne le caractère supranational de l’accord et puis, le charbon et l’acier était des matières premières stratégiques à l’époque.
Le 25 mars 1957, le Traité de Rome (ou les traités) instituant deux communautés européennes a été signé. Il a créé la Communauté Economique Européenne et la Communauté Européenne de l’Energie Atomique (ou EURATOM).
L’ambition de supranationalité a été largement tempérée dans les années qui ont suivi. La réponse du général de Gaule lors d’un entretien télévisé le 14 décembre 1965 est restée célèbre : « On ne fait pas de politique autrement que sur des réalités. Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant l’Europe ! l’Europe ! l’Europe ! mais cela n’aboutit à rien et cela ne signifie rien ».
Au fond, on n’a jamais choisi entre une simple coopération entre les pays et une véritable intégration. Au contraire, tout a été fait pour doter l’Europe d’institutions politiques et d’une organisation économique communes sans jamais tomber dans une véritable supranationalité. Les états-membres sont à la fois souverains et solidaires. Un peu comme l’équilibriste sur son fil qui reste debout grâce à un balancier habilement manié !
Résultat, l’Europe a bien changé, de Communauté Economique Européenne, elle est devenue Union Européenne. Les six pays du début sont aujourd’hui vingt-sept, le Parlement Européen est élu au suffrage universel et le Traité de Lisbonne lui accorde des pouvoirs plus étendus, ainsi qu’au Conseil où plus de décisions sont prises à la majorité qualifiée.
Dès lors, comment s’étonner que cette Union ait un fonctionnement complexe et qu’elle soit souvent lointaine et mal connue.
« Europe En Images » est née de ce constat. Elle a l’ambition de rendre concret, et pour tout le monde, l’Union Européenne à laquelle nous appartenons. Elle veut donc montrer la réalité de l’Europe, à commencer par la vie de ses institutions. Les visiteurs peuvent donc trouver de nombreux films sur le Parlement Européen, des débats et interventions dans l’hémicycle de Strasbourg ou de Bruxelles, mais aussi des déclarations, des entretiens avec des eurodéputés de toute tendance ou encore des reportages. On peut également visionner des documentaires sur de très nombreux sujets : la sciences et l’espace, l’économie, le social, les relations internationales, … mais aussi le cinéma (les sorties en salles en France et un magazine où sont disponibles des entretiens avec des professionnels de l’industrie du film en Europe) et les voyages (plusieurs dizaines de films permettent de découvrir des villes, des régions ou des itinéraires remarquables d’Europe et du monde). Les thèmes abordés sont nombreux : les Roms, la crise, le handicap, la santé, … Les reportages et documentaires réalisés sur le terrain montrent l’Europe dans sa diversité (27 états et 500 millions d’habitants). Un outil de recherche permet de faire le tri et d’atteindre les films que l’on souhaite. Chacun peut ainsi composer son programme en fonction de ses centres d’intérêt ou de l’utilisation qu’il fera des films.
Les enseignants trouveront dans cet ensemble de films de véritables ressources pédagogiques. « Europe En Images » est un outil à plusieurs titres.
En premier lieu, « Europe En Images » peut servir à apprendre. Les films sont souvent de courte durée (de 1’ à 20’ environ), une durée favorable à une utilisation en classe, en histoire, en économie, en sciences, en commerce, en éducation civique, juridique et sociale (ECJS), … et dans l’apprentissage du français langue étrangère (FLE) à l’étranger (le site est en français). Car l’Europe s’intéresse à tout dans des proportions plus ou moins importantes car les Traités laissent des secteurs à la responsabilité des états (l’éducation, le social par exemple). Néanmoins, les institutions européennes essaient d’aider les états dans leurs politiques.
En deuxième lieu, c’est un instrument d’éducation. Un projet bien ambitieux mais qui vaut la peine d’être mené ! L’Union Européenne a une vie institutionnelle et les Européens une vie personnelle et collective dans un contexte précis. Alors, pourquoi ne pas profiter de cette occasion pour développer, chez les jeunes Français et les francophones, la citoyenneté, mais aussi sensibiliser à l’égalité des genres et au respect de l’autre.
Concrètement, les enseignants peuvent se servir des films en introduction ou en illustration d’une séquence de cours. Par exemple, deux films d’animation d’une minute trente portent sur la fixation des prix (pétrole et électricité) ou encore des films traitent de la chute du mur de Berlin. On peut aussi les utiliser dans le cadre d’une préparation ou d’une séance de travaux dirigés, à condition de disposer du matériel nécessaire. Plus généralement, « Europe En Images » peut être laissée à la disposition des élèves dans un CDI, dans un « kiosque Europe » ou pour des sections européennes. L’éventail est large et « Europe En Images » est utilisable, dans l’enseignement, bien autrement que pour faire des cours sur l’Europe, elle-même.
En outre, la web Tv est dotée d’un « espace membres » qui offre aux visiteurs la possibilité de s’inscrire gratuitement et sans aucun engagement (ce n’est ni un club ni une association) pour créer des listes de lecture, dix pour chaque inscrit, afin de « marquer » les films avec lesquels ils souhaitent travailler et, ainsi, les retrouver facilement, sans passer par la recherche.
La web Tv, que les visiteurs voient, est le fruit d’une longue histoire. L’idée m’est venue en 2004 et ce n’est qu’en avril 2005 que la première mouture a été rendue publique. Il s’agissait alors d’une web Tv par abonnement destinée aux établissements d’enseignement secondaire et supérieur. Elle a été lancée après une rapide étude qui donnait des résultats encourageants. Elle était hébergée par une entreprise qui proposait un produit accueillant des films mais permettant également le « rich média », c’est-à-dire la possibilité de visualiser des textes, des schémas ou des diapositives ainsi que du son à des moments précis des films, par un système d’indexation. Sous cette forme, la web Tv n’a pas marché. Très peu d’établissements se sont en fait abonnés. Les études commerciales ont leurs limites ! J’ai dû renoncer à cette façon de faire et revoir ma copie. En septembre 2007, j’ai choisi de rendre « Europe En Images » entièrement publique, avec un accès libre, sans login, ni mot de passe… et de faire héberger le site de manière plus traditionnelle par une entreprise différente. Un système de requêtes a été mis au point pour visualiser les films stockés.
Le démarrage fut donc assez difficile. Je n’avais que peu de films et j’ai du avoir recours à un informaticien extérieur pour la programmation. Et j’ai continué à réaliser des films.
Mais aucun visiteur ne fréquente un site s’il n’est pas connu. Je me suis donc lancé dans un long travail de référencement dans des annuaires et de communication auprès du monde de l’Education. Le nombre de visiteurs a grandi, le nombre de films aussi et les visualisations encore plus (près de 70 000 par mois, aujourd’hui)… ce qui pose des problèmes techniques car les serveurs ont des capacités différentes. J’ai donc fait évoluer la technique avec le développement de la fréquentation et une nouvelle présentation du site, publiée en février 2010, a été particulièrement bien reçue.
Plus de 1000 films, reportages ou documentaires, plus de 2000 fiches sur des films sont disponibles avec de nombreuses bandes annonces, sont à la disposition de tous les visiteurs originaires de 60 pays du monde. Je réalise quelques reportages, les autres proviennent de partenaires, institutionnels ou non, qui me les fournissent.
Mon objectif, aujourd’hui, est double. Le premier est de donner une plus grande originalité à « Europe En Images » notamment en faisant réaliser des films, sur commande. Le deuxième est de la faire fonctionner sur un modèle économique viable et permettant un développement futur. Tout a un coût et ma web Tv ne rapporte rien. Pour tenter de financer « Europe En Images », j’ai réservé un espace spécifique pour les organisations qui veulent m’aider et soutenir financièrement mon travail. Je l’ai intitulé « Acteurs de l’Europe » et il est ouvert aux entreprises, aux établissements d’enseignement supérieur et post bac, aux équipements culturels (musées, parcs à thèmes, …) et d’autres participations sont possibles. Par contre, je ne souhaite pas utiliser la publicité traditionnelle (bannières et autres pop up) qui polluent les pages et déplaisent à beaucoup.
Jusqu’à maintenant, j’ai noué des partenariats pour obtenir des films et, si des écoles de journalisme, d’information et de communication de France et de l’étranger sont intéressées, je peux héberger des films d’étudiants sur le thème de l’Europe, à la seule condition qu’ils soient en français ou sous-titrés en français. « Europe En Images » peut également accueillir gratuitement des films réalisés par des élèves ou des étudiants sur les villes et régions d’Europe. A vos caméras !
Europe En Images : http://www.europeenimages.net
Pierre Hachet