Par Blandine Raoul-Réa
Un rapport de recherche sur la culture informationnelle et sa didactique par le GRCDI (Rennes) met en perspective sa construction, les étapes de la recherche et propose des pistes pour l’élaboration d’un curriculum info-documentaire.
Un rapport de recherche
Ce rapport de synthèse, élaboré dans le cadre plus général du bilan scientifique de l’ERTé, fait le point sur les problématiques de la culture informationnelle et de la didactique de l’information, en se fondant sur publications du GRCDI (Groupe de recherche sur la culture et la didactique de l’information) depuis 2007.
La lecture de ce rapport à ceci d’intéressant -entre autre- qu’il retrace un bout de l’histoire de la construction de la discipline et met en valeur l’évolution de certaines questions vives comme celle du rapport des sciences de l’information à la didactique. Vous vous souvenez lorsqu’on disait que la recherche documentaire se faisait en 5 étapes, ou en 7 ou en 10… en fonction des modèles développés, structurés et posés. On retrouve là, exposés et contextualisés, les différents modèles développés sur la didactique de l’information. On pourrait en avoir une « lecture à facettes »… et par exemple extraire les chiffres 3, 5, …
Trois est celui qui revient le plus souvent comme le modèle du triangle pédagogique de Jean Houssaye.
Trois, comme la synthèse des enjeux éducatifs (Ivana Ballarini-Santonocito) d’une nécessaire éducation à l’information qui doit comprendre : les enjeux intellectuels (eux aussi au nombre de 3 : de l’ordre du pédagogique, du cognitif, et du scientifique), les enjeux politiques (de citoyenneté, démocratique et laïque) et enfin les enjeux d’intégration (social, professionnel et économique, culturel et humaniste). Pourquoi développer une éducation à l’information chez l’élève ? Pour répondre à trois objectifs : la recherche d’une meilleure efficacité ou efficience (et on ne le constate que trop souvent dans leurs méthodes personnelles de recherche d’information), la recherche d’une meilleure intelligibilité qui requiert une maîtrise de connaissances dont on ne peut s’abstenir, enfin pour que l’élève puisse exercer sa responsabilité par « une prise de conscience, au sens étymologique de « savoir en commun », acquise par la connaissance des droits et des devoirs de l’information, de façon à permettre à l’usager de l’information d’engager sa responsabilité. Est alors visée la maîtrise des comportements, des attitudes allant dans ce sens. Cette prise de conscience comprend l’idée d’usages civils et civiques de l’information. Il s’agit enfin de développer une attitude distanciée et critique, dont le but est de déjouer les influences et de se prémunir contre les risques de désinformation ».
Un historique des revendications professionnelles (p. 28) avec avancées et embûches. Cela n’a pas empêché un travail de proposition d’outils didactiques dont les outils de définition du champ des sciences de l’information afin d’en structurer le champ disciplinaire.
C’est Jacques Kerneis qui, dans son texte, « Différentes facettes de la didactique de l’information », en développe les subtilités. Enjeux identifiés, savoirs identifiés et définis, il reste à construire la transposition didactique dont Kerneis, rappelle la transposition du modèle de la didactique du Français par Duplessis, structurant les savoirs dans une typologie à trois entrées : savoirs généralistes (sciences de l’éducation, sciences cognitives, épistémologie), savoirs spécifiques (sciences de l’information et de la documentation, disciplines techniques) et savoirs référentiels (experts – expertise des professionnels de l’information et de la documentation- et sociaux (usages domestiques), ainsi que les savoirs issus des pratiques scolaires). Il est « souhaitable de ne pas oublier la catégorie des savoirs informels » (p. 54).
Ces premiers textes de cadrage pourraient laisser penser que l’on est près d’être prêt. Pourtant il reste encore au moins six questions vives (Alexandre Serres, Florence Thiault) qui peuvent être des champs ouverts de recherche, des obstacles, les limites. Comme pour l’élaboration de beaucoup de politiques, la question des territoires reste première. Sur quel territoire se construit l’éducation à l’information ? Culture info-documentaire ? Culture et éducation aux médias ? Informatique ? … On est obligé de faire appel à la « transliteracy » comme concept intégrateur. Car information est un mot pluriel qu’Alexandre Serres ouvre sur deux champs : l’information-data et l’information sociale (information news et information knowledge de la documentation). Quel sens alors donner à cette éducation ? Celle des trois R (tiens, encore le chiffre 3) d’Alexandre Serres : Réalisation, Réflexion, Résistance ou Recul (p. 61). Après cette réflexion qui retrace un pan de la recherche, les proposions, au nombre de 12, appuient sur la nécessité de dépasser la maîtrise des techniques et des usages en insufflant des savoirs et connaissances dans ce curriculum… ce qui impliquerait donc une relation avec la formation professionnelle y compris initiale.
Douze propositions
La synthèse des travaux de recherche s’accompagne de 12 propositions du groupe pour l’élaboration d’un curriculum info-documentaire, visant à préciser les conditions préalables et les objectifs d’un tel curriculum.
Proposition n° 1 : Refonder une matrice disciplinaire, en cohérence avec le nouveau paradigme de la culture informationnelle. « La matrice disciplinaire met ainsi en cohérence des connaissances de différents types (connaissances déclaratives, procédurales, stratégiques), des objets et des phénomènes supports de l’apprentissage, ainsi qu’un ensemble de tâches et d’activités à proposer aux élèves afin qu’ils puissent construire leurs savoirs. »
Proposition n° 2 : Mettre au premier plan les finalités éducatives d’une formation à la culture informationnelle qu’il conviendrait d’engager la réflexion sur les trois axes de la construction des connaissances, de la construction du jugement et de la construction de la responsabilité, partout où les usages de l’information entrent en relation avec la problématique de l’apprentissage.
Proposition n° 3 : Définir les buts de la formation à la culture informationnelle
Proposition n° 4 : Intégrer l’éducation aux médias, l’enseignement info-documentaire et la maîtrise des TIC dans le cadre d’une culture informationnelle globale
Proposition n° 5 : Identifier les connaissances et les compétences à enseigner et (re)donner la première place aux savoirs et à la culture
Proposition n° 6 : Veiller à la dimension temporelle des apprentissages de la maternelle à l’université. « La distribution des volumes horaires consacrés à l’enseignement : La détermination du nombre d’heures allouées annuellement à l’enseignement devrait chercher à réaliser le meilleur équilibre entre la prise en compte de la valeur attribuée à la matière et la pression que cette matière exerce sur l’emploi du temps de l’élève. Ce volume horaire peut varier d’une année à l’autre, d’un cycle à l’autre. Les arbitrages à fournir dépendent encore du niveau d’intégration attribué à la matière dans les examens de fin de cycle (brevet des collèges, bac). »
Proposition n° 7 : Proposer aux enseignants et aux formateurs des démarches pédagogiques adaptées aux élèves et aux types de connaissances à enseigner
Proposition n°8 : Proposer aux enseignants et aux formateurs des exemples d’activités et de tâches favorisant les apprentissages
Proposition n°9 : Identifier différents types d’objets appropriés aux apprentissages. « Il y a ici un enjeu politique et économique d’importance afin d’éviter des processus de délégation technologique qui ne servirait que des intérêts privés. Ce rapport aux objets didactisés de la culture de l’information va donc bien au-delà de simples usages mais vise à décrire et analyser les fondements mêmes de ces objets, afin que l’élève et l’étudiant deviennent « majeurs » vis-à-vis de l’objet technique, comme le recommandait le philosophe Gilbert Simondon. »
Proposition n° 10 : Favoriser les articulations avec les autres disciplines et promouvoir les différentes formes d’interdisciplinarité
Proposition n° 11 : S’appuyer sur les différentes fonctions de l’évaluation pour concevoir, accompagner, sanctionner et valider les apprentissages
Proposition n°12 : Former les enseignants et les formateurs responsables de l’éducation à l’information et développer la recherche didactique de l’information-documentation.
Groupe de Recherche sur la Culture et la Didactique de l’Information (GRCDI) le blog