Par Françoise Solliec
En se déplaçant au groupe scolaire La Pie de Saint-Maur des Fossés, 94, avec Hélène Carrère d’Encausse, secrétaire perpétuel de l’académie française, et Alexandre Jardin, fondateur de l’association Lire et faire lire, Luc Chatel entendait saluer l’initiative de l’académie de Créteil et préciser le plan de lutte contre l’illettrisme annoncé au Salon du livre en mars dernier.
Depuis le mois d’octobre 2009, un dictionnaire d’environ 8 000 mots est élaboré par plus de 15 000 élèves dans près de 700 classes du 1er degré de l’académie de Créteil. Chaque classe a reçu mission d’élaborer la définition de 8 à 10 mots.
« C’est un travail qui va bien au-delà de l’acquisition du vocabulaire », précise à Luc Chatel une des enseignantes de CM2 engagée dans ce projet à l’école La Pie. A raison d’une séance de travail par semaine sur ce dictionnaire, les élèves ont peu à peu acquis une démarche par rapport au vocabulaire, sont beaucoup plus curieux des mots nouveaux et abordent très volontiers des activités de lecture et d’écriture. Ils ont aussi appris à travailler sur les concepts et les catégories. « Grâce à cette appropriation active et ludique, ils sont beaucoup plus disposés à aller à la recherche des mots ».
Ce dictionnaire, qui sera remis sous peu à l’académie française, devrait ensuite se prolonger avec une version numérique.
Le projet de dictionnaire est né de la volonté de Jean-Michel Blanquer, alors recteur de Créteil, de faire de la maîtrise de langue française une priorité absolue, en associant les élèves à une démarche d’acquisition du vocabulaire.
Le partenariat avec l’académie française, qui suit ce projet avec beaucoup d’attention, a permis aux conseillers pédagogiques de se familiariser avec le travail des académiciens et de pouvoir le transposer dans les classes, en donnant à la rédaction des articles une unité et une cohérence très fortes. Le partenariat donnera également lieu à des rencontres entre élèves et académiciens.
Selon Luc Chatel, l’illettrisme est « un fléau inadmissible » qui touche près de 3 millions de personnes, confrontées de ce fait à l’exclusion et à des difficultés d’insertion sociale. Il s’agit donc de mobiliser la totalité du système éducatif pour relever ce défi. Une centaine d’inspecteurs seront mobilisés dans le cadre de la lutte contre l’illettrisme, coordonnés dans chaque académie par un correspondant illettrisme, pour faire travailler plus particulièrement les élèves de maternelle, afin que la disparité actuelle des compétences en vocabulaire se réduise au minimum. Ainsi, Dominique Roure, IPR dans l’académie de Créteil, chargé de mission pour le 1er degré, est dès aujourd’hui le 1er correspondant académique nommé dans ce cadre.
Par ailleurs, différentes opérations vont être engagées avec le ministère de la culture pour favoriser l’accès des jeunes à la lecture.
Luc Chatel salue également le travail de l’association Lire et faire lire, fondée par l’écrivain Alexandre Jardin, dont les ateliers, animés dans les écoles par des bénévoles, permettent aux enfants de découvrir que la lecture peut être un plaisir et une porte sur l’imaginaire et le rêve.
Il souhaite que l’action de l’association, « qui fonctionne depuis 10 ans en totale complémentarité avec l’éducation nationale » puisse être étendue de manière importante, en passant de 12 000 volontaires bénévoles à 50 000 et de 250 000 élèves concernés à 1 million.
Pour Hélène Carrère d’Encausse et Alexandre Jardin, la langue est avant tout un outil d’intégration : « si on n’a pas la parole, on n’a que les poings ». Le travail sur le dictionnaire leur apparaît comme la meilleure politique antiviolence, l’augmentation du vocabulaire des jeunes et de leur capacité d’expression comme un enjeu fondamental. Ils souhaitent que ces actions se développent et soient relayées par de nombreuses mairies.