thierry vasse : « des temps de formationS communeS pour développer la professionnalisation de chacun-e »
Travailler ensemble pour comprendre le travail de l’autre…
Laurence Chartier, membre de l’équipe de l’Observatoire de l’Enfance qui a préparé les deux jours, introduit l’atelier : « S’il est communément admis qu’il faudrait mettre plus de lien et de cohérence, dans les dispositifs, entre les différentes institutions, partenaires et professionnels, il est plus difficile de construire les instruments qui pourraient permettre d’y parvenir ». L’idée de former ensemble les différents acteurs n’est pas neuve, mais les expériences ne sont encore que trop rares. Thierry Vasse, inspecteur de l’Education Nationale chargé en Vendée du dossier maternelle, mais aussi des politiques éducatives territoriales, cite l’exemple d’un projet d’accueil parents-enfants dans un quartier d’éducation populaires, en précisant que cela passe par une « déconstruction » de son propre métier, qu’on soit enseignant de maternelle, auxiliaire de puériculture, ATSEM ou médecin de PMI… « Personnellement, le fait de travailler avec d’autres professionnels m’a amener à changer le regard sur l’enfant, sur les priorités professionnelles, comme un déclencheur pour construire ma propre professionalité ». Dans le même ordre d’idée, il cite les expériences de formations communes pour clarifier les rôles entre les enseignants et les ATSEM, mieux comprendre les difficultés et les urgences de chacune, revenir sur des automatismes, se dire les choses, au service des élèves et des familles accueillies. « Jamais on n’avait imaginé qu’on pouvait faire un stage avec les enseignants. Maintenant, je trouve que ça devrait être obligatoire » témoigne une ATSEM.
Ces expériences ont aidé Thierry Vaysse à construire des formations nouvelles dans le cadre de ses missions, en travaillant avec plusieurs institutions. « On ne peut pas faire l’économie de partir des valeurs partagées, pour comprendre les complémentarités entre les différents acteurs. « Se connaître pour mieux se comprendre, sortir des représentations des uns sur les autres, comprendre dans le détail les conditions de travail. Pour un éducateur de jeunes enfants, venir dans l’école aide à comprendre que l’Ecole maternelle ne « broie » pas les enfants, savoir ce qui va se passer pour les enfants après son propre travail, mais peut aussi permettre aux professionnels qui lui succèdent d’éviter les retour en arrière : entre les compétences et l’autonomie d’un « grand » de la crèche, et celles d’un « petit » de la maternelle, ou le GS qui devient CP, combien de régressions incroyables ! »
… et pour se fabriquer des objets communs
Pour T. Vasse, il faut donc identifier un objet, et savoir qu’il va donner lieu à une foule de conséquences. Il cite l’expérience de Lille, avec le travail commun des orthophonistes et des enseignants, mais aussi les classes-lecture/ecriture en relation avec les bibliothécaires, les synergies indispensables en réseau d’éducation prioritaire, l’appel de Rennes pour des politiques de petite enfance territorialisées, et l’investissement de la ville de Nantes dans une politique cohérente de la petite enfance… « Mais les expériences communes ne se construisent pas d’en haut, et doivent s’appuyer sur la volonté et l’expérience des acteurs ». Parfois, on peut apprendre incidemment que deux stages se déroulent en parallèle entre des enseignants de cycle 1 et de cycle 2, au même endroit, sans que la question de la liaison soit posée… « Or, traiter de la liaison GS-CP sans faire travailler ensemble les enseignants me paraît inconcevable. »
Des chantiers lui semblent donc encore largement à ouvrir : formations communes AVS-enseignants autour de la scolarisation des élèves handicapés, liaisons écoles-collège… « Parfois, on ne se pose même pas la question de savoir si d’autres professionnels peuvent être concernés par le problème qu’on va traiter, alors même qu’il suffirait d’ouvrir les formations aux autres pour que la nature de la formation change… »
Mais pour que les formations soient véritablement efficaces, il appelle à ce qu’elles débouchent sur des outils concrets communs : un référentiel partagé qui permette de savoir si un enfant est prêt à entrée à l’école peut être un levier pour éclairer les enseignants, les parents, pour une entrée en douceur dans la nouvelle structure. Il peut déboucher sur une plaquette qui va présenter aux familles chaque lieu, les modalités de fonctionnement, les règles à suivre… Certaines formations donnent lieu à un inventaire explicite de la manière dont on utilise les lieux, pour comprendre comment le mobilier aménage l’espace, et comment l’autre fait autrement que soi…
Obstacles et leviers ?
Evidemment, l’auto-centration des institutions est souvent l’ordinaire, avec des logiques d’ignorance. Elle demande d’imaginer de nouvelles modalités de formation : pas facile de se faire rencontrer le mercredi matin des personnes qui ne travaillent pas sur les mêmes horaires… T. Vaysse envisage malgré tout des leviers, en s’appuyant sur le nouveau référentiel 2009 des enseignants de maternelle, qui pose noir sur blanc la question des parternariats. De même, des conventions régissent le CNFPT (qui forme les agents territoriaux) et le Ministère, et l’article 34 de la loi Fillon autorise les expérimentations.
Assumant son propos « militant », l’inspecteur conclut sur la nécessité de construire les cohérences sur le parcours de l’enfant.
De la salle, on l’interroge sur le rôle des collectivités locales dans le pilotage de dispositifs cohérents. S’il acquiesce, il pointe également le sentiment que peuvent parfois avoir les collectivités locales que l’Education Nationale est une « forteresse imprenable ». Mais il se veut optimiste : « Toutes les institutions travaillent actuellement à ce changement de culture inévitable pour construire ensemble, dans les territoires, le pilotage des actions communes. » Mais dans une période où les moyens deviennent plus rares, les priorités multiples se réduisent aux priorités essentielles : l’évaluation, le lire-écrire…
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