Par François Jarraud
Sommaire
- La lecture du Café : Un cahier des charges irréaliste
- Expertise : Jean-Louis Auduc analyse le texte
- Les réactions
- Année de stage : les modalités sont connues
- Concours 2011 : les premières dates dans votre Café
Comment seront formés les futurs enseignants qui, de la petite section de maternelle à la terminale, formeront les jeunes Français ? Le ministère va publier à la fin du mois un arrêté définissant le cahier des charges de la formation des enseignants. Le Café s’est procuré le projet de texte et vous propose de le découvrir.
Le texte comprend l’arrêté proprement dit et son annexe qui constitue le cahier des charges de la formation des enseignants.
L’arrêté rappelle que les futurs maîtres seront formés en université et recevront une initiation à la recherche » qui fait partie du bagage du futur professionnel afin de lui donner les moyens d’analyser et de faire évoluer ses pratiques ». La formation professionnelle arrive à l’article 3 qui mentionne : « Les cursus de master intégrant une préparation aux concours de l’enseignement proposeront, dans ce cadre, aux étudiants outre un enseignement tel qu’il est défini à l’article 2 ci-dessus et portant plus particulièrement sur l’acquisition des compétences 1, 2, 3, 4 et 8 du référentiel de compétences précisé dans l’annexe du présent arrêté :
– un stage d’observation et de pratique accompagnée d’une durée ne pouvant excéder 40 jours et dans la limite de 108 heures ;
– un stage en responsabilité n’excédant pas 108 heures et rémunéré ». Dans cet article on retiendra l’emploi du verbe « proposer » qui ne rend pas les stages obligatoires et la réduction des enseignements dispensés à 5 points du référentiels, justement ceux qui ne relèvent pas des pratiques professionnelles. Les futurs enseignants devront être savants dans leur discipline, maîtriser l’orthographe et les TICE et agir en fonctionnaire.
Le cahier des charges définit les 10 compétences du futur enseignant:
– agir en fonctionnaire de l’État et de façon éthique et responsable ;
– maîtriser la langue française pour enseigner et communiquer ;
– maîtriser les disciplines et avoir une bonne culture générale ;
– concevoir et mettre en œuvre son enseignement ;
– organiser le travail de la classe ;
– prendre en compte la diversité des élèves ;
– évaluer les élèves ;
– maîtriser les technologies de l’information et de la communication ;
– travailler en équipe et coopérer avec les parents et les partenaires de l’école;
– se former et innover.
Le texte ne prévoit aucun cadrage national des formations. Il minimise la formation professionnelle, regroupée en fin de formation à un moment où le jeune enseignant est déjà en poste devant les élèves. C’est après la prise de fonction que la formation professionnelle commence. Et ce n’est pas par hasard.
Le projet d’arrêté
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Documents/docs[…]
Le dossier formation du Café
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/Reform[…]
La lecture du Café : Un cahier des charges irréaliste
« Enseigner est un métier qui s’apprend », affirme l’arrêté projeté accompagnant le cahier des charges de la formation des enseignants. « Faire cours et faire apprendre, conduire une classe et individualiser son enseignement, exiger des efforts et donner confiance, susciter l’intérêt, évaluer les aptitudes et percevoir les talents, aider à l’orientation. Tout cela nécessite une formation initiale et continue approfondie : rien ne doit être laissé aux aléas de la vocation pédagogique ou du hasard professionnel ». Le cahier des charges de la formation des enseignants reprend des formules que ses détracteurs ont opposé jusque là au projet gouvernemental. » Enseigner dans le cadre du service public d’éducation nationale est une mission » ajoute encore le texte dans un élan qui ne peut laisser insensible aucun enseignant. Mais ces belles phrases sont extraites de l’annexe de l’arrêté. Celui-ci est-il en accord avec cette vision de l’enseignant ?
Toutes les compétences ne se valent pas… Organiser le travail de la classe, évaluer les élèves ou diversifier son enseignement sont remis à plus tard. Précisément à la première année d’exercice durant laquelle les futurs enseignants feront cours à temps complet tout en étant suivis par un tuteur. C’est après avoir mené ses classes que le jeune enseignant apprendra à le faire. C’est après avoir posé son autorité en classe qu’on lui enseignera ce que c’est que l’autorité. Il est clair pour les rédacteurs du projet que l’obéissance du fonctionnaire et les savoirs disciplinaires passent avant la gestion d’une classe. Ou plutôt, il semble que pour eux, les compétences professionnelles relèvent si peu des choses qui s’apprennent qu’on s’en débarrasse en fin de parcours. Pour les rédacteurs du projet, enseigner n’est visiblement pas un métier qui s’apprend.
Un cahier des charges en contradiction avec l’arrêté. L’ensemble du cahier des charges annexé à l’arrêté met à égalité compétences professionnelles et disciplinaires. Par exemple, il affirme : » Des savoirs théoriques déconnectés de la pratique sont inefficaces dans une formation professionnelle et, symétriquement, les situations rencontrées sur le terrain par les futurs professeurs ne sont pleinement formatrices que si elles sont analysées à l’aide d’outils conceptuels et des apports de la recherche universitaire. Les stages se placent au cœur du dispositif de formation : ils doivent être préparés, accompagnés, exploités par des formateurs exerçant dans les écoles, les collèges ou les lycées associés à des formateurs des établissements d’enseignement supérieur ». Or on a vu que la place des stages est loin d’être centrale et que la formation professionnelle est relégué à la période où le stagiaire est déjà devant les élèves. Le cahier impose par contre un stage en entreprise, au motif qu’il » a besoin de comprendre le monde du travail, et notamment l’entreprise vers laquelle s’orientera la majorité des élèves ». Pour la voie professionnelle et technologique, on souhaite un stage de trois mois en entreprise.
L’amorce d’une éthique ? L’annexe de l’arrêté, qui constitue le cahier des charges proprement dit, propose une définition des compétences professionnelles. Elle est souvent touchante car elle amorce la définition d’une éthique du métier. » Agir de façon éthique et responsable conduit le professeur à faire comprendre et partager les valeurs de la République… ; à respecter dans sa pratique quotidienne les règles de déontologie liées à l’exercice du métier de professeur dans le cadre du service public d’éducation nationale ; à respecter les élèves et leurs parents ; à respecter et faire respecter le règlement intérieur, les chartes d’usage des ressources et des espaces communs ; à respecter et faire respecter les droits et devoirs en les usages du numérique dans la société de l’information; à collaborer à la réalisation d’actions de partenariat engagées entre l’établissement et son environnement économique, social et culturel ; à prendre en compte la dimension civique de son enseignement ». Une éthique professionnelle qu’on ne peut que ratifier mais qui ne constitue pas le code éthique dont la profession aurait peut-être besoin.
Que ne doit pas savoir le professeur ? Le cahier des charges énumère sur plusieurs pages tout ce que doit savoir faire ou connaître un bon enseignant. » Tout professeur possède les connaissances attendues d’un diplômé de l’enseignement supérieur, dans la maîtrise de la langue écrite et orale (vocabulaire, grammaire, conjugaison, ponctuation, orthographe)… Il connaît les mécanismes de l’apprentissage dont la connaissance a été récemment renouvelée, notamment par les apports de la psychologie cognitive et des neuro-sciences…. » Mieux encore. « Le professeur connaît l’état de la recherche dans sa discipline ; dans le domaine de la didactique, de la pédagogie et de la transmission de savoirs… Le professeur connaît la politique éducative de la France ». Mais qui lui apprendra tout cela ?
Le projet d’arrêté
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Documents/docsjo[…]
Le dossier formation du Café
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/ReformeF[…]
Lisez le commentaire de Jean-Louis Auduc
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/03/1[…]
La Suède réforme la formation des enseignants
Plus spécialisé et plus de sciences de l’éducation. Le gouvernement suédois a déposé un projet de loi modifiant la formation des enseignants et créant 4 diplômes professionnels. La nouvelle formation sépare celle des enseignants de maternelle, du primaire, du secondaire et de l’enseignement professionnel. Du primaire au secondaire le nombre de crédits de sciences de l’éducation diminue et les crédits disciplinaires augmentent. A l’intérieur de ces diplômes on se spécilaise par niveau. Ainsi un futur prof de maternelle suivra une année de formation en sciences de l’éducation et 6 mois en stage de terrain. Les futurs profs de l’école élémentaire se spécialiseront dans un niveau.
La réforme
http://www.sweden.gov.se/content/1/c6/14/09/51/1748713e.pdf
Expertise : Jean-Louis Auduc analyse le texte
« La reprise d’une partie très intéressante du texte de décembre 2006 ne fait pas de ce projet d’arrêté un bon texte. Il souligne les incohérences, les contradictions de la réforme en cours ». Jean-Louis Auduc, directeur adjoint d’IUFM, analyse pour nous le projet d’arrêté sur le cahier des charges de la formation des enseignants. Le texte devrait être publié fin mars.
Un projet d’arrêté du ministre de l’éducation nationale et de la ministre de l’enseignement supérieur visant à modifier l’arrêté du 19 décembre 2006 relatif au cahier des charges de la formation des maîtres est en cours de concertation avant publication fin mars 2010.
Ce projet d’arrêté reprend avec quelques modifications relatives aux réseaux numériques de travail et aux technologies numériques éducatives, les dix compétences jugées indispensables pour exercer le métier d’enseignant.
Mais, dans ce nouvel arrêté, ce discours sonne creux, car ont été supprimées toutes les dispositions visant à former réellement les futurs enseignants aux gestes professionnels du métier.
Toute référence aux IUFM a été gommée dans le nouveau texte. Le mot n’apparaît a aucun moment, comme si pour le ministère il ne s’agissait pas d’une intégration dans une université comme école interne, mais d’une disparition-dilution. Tous les paragraphes précisant un tant soit peu les éléments d’un cadrage national ont été supprimés.
La partie qui figurait dans l’arrêté du 19 décembre 2006 concernant les formateurs d’enseignants, leur formation et leurs compétences a disparu, preuve si l’en est du refus présent dans la note de cadrage du 25 février de considérer que cette fonction puisse exister et être indispensable à professionnaliser les futurs enseignants.
Alors que l’arrêté du 19 décembre 2006 insistait sur la progressivité de l’acquisition de ces dix compétences liées entre elles, le texte mis en concertation comporte le risque d’un émiettement, d’un fractionnement de ces compétences qui peut permettre de justifier, notamment pour les CAPES, l’abandon de toute approche professionnelle dans les concours et la non-obligation des stages.
En effet, deux articles cadrent précisément l’acquisition des compétences :
– l’article 3 qui indique que prioritairement « le cursus de master portera plus particulièrement sur les compétences 1,2,3,4 et 8 » : Agir en fonctionnaire…., maîtriser la langue française…., maîtriser les disciplines…., concevoir et mettre en œuvre son enseignement…, maîtriser les T.I.C …..
– l’article 5 qui indiquent que « pendant l’année de stage » seront prioritairement travaillées les autres compétences : conduite de la classe…, individualisation de l’enseignement, évaluation des élèves…, travail en équipe et coopération avec les parents.
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Il est curieux de penser qu’on ne juge qu’en année de stage « obligatoire » de travailler ces dernières compétences, pourtant indispensables pour exercer de manière satisfaisante durant son stage en responsabilité de quatre semaines durant le master.
Mais le texte n’en est pas à une contradiction près.
La reprise d’une partie très intéressante du texte de décembre 2006 ne fait pas de ce projet d’arrêté un bon texte. Il souligne les incohérences, les contradictions de la réforme en cours, l’absence de cadrage en terme d’horaires….et le risque que l’alternance régulièrement prônée ne soit qu’un mot sans véritablement « de groupe d’analyse de situations et d’exercices professionnels » . D’ailleurs cette phrase qui figurait dans le texte de décembre 2006 a disparu du projet actuel !
Jean-Louis Auduc
Le projet d’arrêté
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Documents/docsjo[…]
Le dossier formation du Café
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/ReformeF[…]
Dernier article de JL Auduc dans le Café
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2009/For[…]
Pour les syndicats, ce projet d’arrêté n’est pas acceptable.
Un arrêté inacceptable pour le Sgen Cfdt
« Le projet d’arrêté portant cahier des charges de la formation des maîtres, soumis le 16 mars aux organisations syndicales par la Dgesco et la DGRH, ne fait qu’entériner les très mauvaises décisions qui se suivent, en se ressemblant toutes, pour transformer la formation des enseignants en un vague compagnonnage peu coûteux », estime le Sgen Cfdt. Le Sgen-CFDT rappelle « son opposition totale à la réforme en cours et à ses conséquences inacceptables sur l’entrée dans le métier. Recrutés par des concours qui ne prennent pratiquement pas en compte la dimension pédagogique du métier, les professeurs stagiaires pourront se retrouver du jour au lendemain en responsabilité d’une ou plusieurs classes sans avoir jamais vu un élève depuis leur propre scolarité ».
Communiqué
http://www.cfdt.fr/rewrite/article/25223/actualites/un-ar[…]
Le cahier des charges critiqué par le Snes et la Fcpe
La publication par le Café pédagogique, mercredi 17 mars, du projet d’arrêté sur la formation des enseignants, amène les organisations à manifester leur sentiment. Ce texte « anéantit définitivement toute formation professionnelle des enseignants avant leur recrutement », écrit la Fcpe. « La FCPE ne peut que rejeter totalement ce texte et ses conséquences pour les élèves et l’Ecole toute entière ». Pour l’association de parents d’élèves, » Ce qui se joue maintenant, c’est purement et simplement de décider si les futurs enseignants ont ou non besoin pour enseigner de connaître les enfants et les adolescents, de savoir ce qui se joue dans les relations d’apprentissage, les pratiques d’évaluation, la conduite de classe, la gestion de l’hétérogénéité. Il serait bien vain d’introduire des dispositifs numériques ou un accompagnement personnalisé si les enseignants n’ont aucune notion de pédagogie ! »
Le Snes, le Snep, le Snuipp, le Snesup et le Snuep sont également en désaccord avec ce texte. » Le projet… illustre toutes les impasses dans lesquelles se trouve le projet dit de « mastérisation » tel que conçu par le gouvernement » écrivent-ils. « Le modèle de formation avancé persiste à présenter une véritable dichotomie entre les aspects disciplinaires et professionnels, les premiers relevant du seul master et les seconds de l’accompagnement sur le terrain. Ce qui non seulement est artificiel, mais inopérant et contraire à une formation en alternance ». Les syndicats dénoncent également l’absence de cadrage national. » Il est inconcevable que le ministère s’entête à publier un nouveau texte alors que tous les acteurs concernés demande l’abandon de la réforme et sa totale remise à plat ».
Communiqué snes , Snep etc.
http://www.snes.edu/Formation-des-enseignants-abandon.html
Année de stage : les modalités sont connues.
C’est une très importante note d’information aux recteurs et aux inspecteurs d’académie qui vient d’être publiée par le ministère. Elle organise l’année de stage des nouveaux recrutés en juin 2010 par les concours de professeurs d’école, de collège, de lycée et de lycée professionnel, les CPE…
L’essentiel de l’organisation de la formation sera organisé sur le terrain, dans les départements et les académies, à partir de consignes qui laissent de grandes marges d’ajustements locaux…
Les syndicats crient au scandale
« La catastrophe va se transformer en cataclysme » estime le SGEN-CFDT, pour qui le gouvernement transforme les débuts de carrière en bizutage. Le SE-UNSA déplore que le ministère abandonne la formation à l’échelon local qui organisera la formation à sa guise, ce qui serait une « régression historique ». Le SNUipp « dénonce vigoureusement l’utilisation d’étudiants comme moyens de remplacement. Le SNES évoque des « montages ubuesques ».
L’essentiel de la circulaire
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2010/For[…]
Communiqué SGEN
http://www.cfdt.fr/rewrite/article/24827/actualites/le-g[…]
Communiqué Se-Unsa
http://www.se-unsa.org/spip.php?article2002
Communiqué SNUipp
http://www.snuipp.fr/spip.php?article6980
Communiqué SNES-SNEP
http://www.snes.edu/Formation-des-maitres-l.html
Un texte qui tourne le dos aux besoins du système éducatif pour Jean-Louis Auduc
« Un ersatz de formation » c’est ainsi que Jean-Luis Auduc, directeur adjoint d’IUFM, juge la formation des futurs enseignants définie par la dernière circulaire de cadrage du 25 février. » Le stagiaire va le plus souvent, en fait, se retrouver seul face aux difficultés de gestion de la classe », une situation qui pénalisera les enseignants mais aussi les jeunes qui recevront ces débutants. Ce sera particulièrement le cas dans les départements déjà défavorisés, introduisant ainsi plus d’inégalité dans le système éducatif.
Lire l’article de JL Auduc
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/03/Formati[…]
Concours 2011 : les premières dates dans votre Café
Les inscriptions aux concours d’enseignement 2011 auraient lieu du 10 mai au 18 juin 2010, apprend-on de source non officielle. Les épreuves des concours de professeurs des écoles auraient lieu les 28 et 29 septembre 2010; celles des concours du second degré (hors agrégation) en novembre 2010 pour l’externe, du 25 janvier au 4 février 2011 pour l’interne.
Sur le site du Café
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