Par François Jarraud
- L’essentiel du rapport
- Editorial : L’Ecole doit réussir son passage au numérique
- Analyse : Passer de l’intégration à l’acculturation
- Réactions : Un rapport accueilli positivement par la communauté éducative
Remis le 15 février, le rapport Fourgous est à la fois un plaidoyer pour l’intégration des TICE dans l’enseignement et un programme de 70 mesures pour faire basculer l’Ecole dans l’ère numérique. Plus important : l’intégration des TICE est mise au service d’une vision de l’Ecole : lutter contre l’échec scolaire, faire le lien entre les pratiques sociales et celles de l’Ecole, préparer l’économie de la connaissance. Un plan ambitieux qui pourrait amorcer un tournant pour l’Ecole.
« Le numérique représente une vraie chance pour l’école. Donnons-nous les moyens de réussir ». Député des Yvelines, Jean-Michel Fourgous avait reçu fin août 2009 du premier ministre une mission » de réflexion et de propositions pour la promotion des TIC dans l’enseignement scolaire ». La publication de son rapport est un événement majeur pour l’Ecole qu’il invite non seulement à s’équiper mais aussi à changer ses pratiques pédagogiques pour tirer le maximum de profit des TICE.
Le retard français. Le rapport s’ouvre sur une mise en parallèle de l’Ecole française avec celle des autres pays de l’OCDE. JM Fourgous montre le sous équipement du système éducatif français. Quand la France compte 8 ordinateurs pour 100 élèves au primaire, le Royaume-Uni en compte 17, la Finlande 17. Au secondaire les chiffres sont respectivement 16, 33 et 24. Quand 6% des classes sont équipées d’un tableau numérique interactif (TNI) c’est 78% des classes britanniques et 15 % des finlandaises. Encore les chiffres français évoluent-ils à la baisse : on est passé de 16 ordinateurs pour 100 élèves au collège en 2008 à 13 en 2009, de 25 à 24 au lycée. Face à ces chiffres, JM Fourgous aligne les résultats : en compréhension de l’écrit la France est 17ème quand la Finlande est 1ère et le R.U. 13ème; en culture scientifique on est 19ème et nos voisins 2d et 13ème.
Mais il y a pire encore : le système éducatif français est plus inégalitaire; il fabrique aussi davantage d’élèves manquant de confiance en soi et malheureux à l’Ecole. » L’école est aujourd’hui trop déconnectée de la société. A 15 ans, près de 90% des garçons et 87% des filles déclarent ne pas aimer l’école. Ce qu’ils apprennent leur semble totalement déconnecté à la fois de ce qu’ils vivent et de ce qui les attend dans leur vie d’adulte. Les élèves ont l’impression qu’« il y a des savoirs pour passer des examens, des savoirs qui seront rapidement oubliés, et il y a des savoirs intéressants ailleurs. L’articulation entre les apprentissages formels, informels et non formels est complètement ignorée par le système scolaire. Les nouveaux savoirs et les nouveaux rapports aux savoirs remettent en cause le choix et le découpage des disciplines scolaires issues de l’antiquité et des universités. » (citant ainsi Pierre Frackowiak dans le Café).
« L’arrivée des Tic dans la société requiert de l’école qu’elle forme des jeunes dotés de compétences et d’aptitudes nouvelles« . Pour JM Fourgous, » la révolution du numérique a déjà commencé. La question n’est plus de savoir si elle est pertinente ou pas. La question est plutôt de savoir comment rattraper notre retard et jouer un rôle indéniable dans la compétition mondiale. L’avenir de notre pays passe par la formation de nos enfants à l’outil numérique pour réussir ». Le premier levier pour faire changer l’Ecole est la demande de la société. Elle a besoin de salariés capables de collaborer et de travailler de façon plus autonome et maîtrisant l’anglais. Elle a aussi besoin de davantage de scientifiques. Enfin elle exige aussi plus de diplômés. Pour tous ces objectifs, le rapport épluche la littérature pédagogique pour montrer les apports des TICE.
L’efficacité des TICE. Le rapport rend compte des nombreux travaux qui ont démontré l’efficacité des TICE. Ainsi il évoque la récente étude de Jean Heutte. « En 2008, Jean Heutte publia les résultats d’une expérimentation qu’il a effectuée dans des classes de CM2 de l’académie de Lille. Il en ressort que « Les élèves habitués à l’usage de l’outil informatique ont de meilleurs résultats indépendamment du type de support mis à leur disposition pour réaliser un apprentissage ». Leur vitesse de lecture est plus rapide, ils comprennent mieux et plus rapidement ce qu’ils lisent. L’étude montre également que c’est surtout au niveau de l’expression écrite que l’impact se révèle le plus positif. Leurs connaissances scolaires globales sont plus importantes et à l’entrée en sixième, ils obtiennent de meilleurs résultats en français et en mathématiques ». Les TICE permettent aussi de lutter contre le décrochage car elles travaillent la motivation des élèves et améliorent leur confiance en eux. On est déjà dans une nouvelle perspective pour l’Ecole.
Des TICE pour changer l’Ecole. « Il est admis depuis 80 ans », écrit JM Fourgous, « qu’une pédagogie active et différenciée facilite la réussite de l’élève. Si jusqu’à présent ces pratiques enseignantes étaient difficiles, voire impossibles, à mettre en oeuvre, les Tice offrent aujourd’hui aux enseignants le moyen de les appliquer et donc de favoriser au mieux la réussite de tous leurs élèves ». Grâce aux TICE, JM Fourgous attend une évolution de l’Ecole : le passage à une école « active » qui réduirait sa part d’enseignement frontal au bénéfice de la mise en activité des élèves. « Les Tice facilitent l’évolution de différentes pratiques enseignantes. Les professeurs ne travaillent de manière isolée, mais mutualisent leurs ressources et collaborent pour la préparation de leur cours. Ils sont plus enclins à favoriser l’apprentissage individualisé, actif et collaboratif… Grâce à l’e-portfolio et à l’auto-évaluation, l’évaluation quitte son statut de « sanction ». Le métier d’enseignant évolue et n’est plus cantonné à un rôle d’« acteur » et de « transmetteur de savoirs ». L’enseignant imagine et crée des activités permettant à chaque élève de construire et de s’approprier ses propres connaissances. Il doit mettre en oeuvre les activités permettant à chaque élève de développer ses compétences. Il devient donc un « guide », un « metteur en scène », un « facilitateur d’apprentissage » et finalement, un ingénieur pédagogique ».
Mais tout cela nécessite de la formation. « Cependant, la pertinence des différents outils n’est réelle que par les usages qui en sont fait. Le TNI peut ainsi tout à fait être le support d’une pédagogie frontale et instructiviste ou au contraire, permettre aux élèves de construire leurs propres savoirs, grâce à des échanges et un travail collaboratif. La formation pédagogique des Tice est donc un préalable primordial à l’intégration des Tice dans les établissements scolaires ».
70 mesures. Si un tel changement est possible, il nécessite une série de mesures (70 exactement) concernant l’équipement des établissements, la formation des enseignants, la création de ressources numériques, l’éducation numérique et le pilotage du changement.
En ce qui concerne l’équipement des établissements, JM Fourgous nous a dit évaluer l’effort nécessaire à environ 1 milliard sur plusieurs années. Il demande la connexion au haut débit des écoles, la généralisation des TNI, la poursuite du plan ENR mais se garde bien de recommandations chiffrées. Un tableau fixe des seuils d’équipement des établissements mais rien n’indique comment les atteindre. Cependant le rapport appelle à généraliser la baladodiffusion et la visioconférence ainsi qu’à encourager le développement des outils pour l’enseignement des sciences (Exao par ex.).
Pour la formation des enseignants, « La pertinence des différents outils n’est réelle que par les usages qui en sont fait. Le TNI peut ainsi tout à fait être le support d’une pédagogie frontale et instructiviste ou au contraire, permettre aux élèves de construire leurs propres savoirs, grâce à des échanges et un travail collaboratif ». La formation pédagogique aux Tice est donc un préalable primordial à l’intégration des Tice dans les établissements scolaires. JM Fourgous fait appel à la fois au volontariat et à la formation continue de l’éducation nationale. Des universités d’été pourrait former jusqu’à 6 000 « ambassadeurs du numérique » par an , accompagnés ensuite en ligne et chargés d’accompagner le changement en établissement. Chaque établissement aurait un enseignant « chargé de mission au développement des services numériques ». 20% des crédits de formation de l’éducation nationale seraient fléchés pour la formation TICE. Une plateforme « Aidotice » assisterait les enseignants dans leur formation. Enfin le rapport n’oublie pas les communautés d’enseignants qui seraient accompagnées pour développer les échanges entre pairs. Chaque établissement pourra bénéficier d’une labellisation « éducation numérique » en fonction de son intégration des TICE. A noter que programmes et examens devraient être revus pour intégrer les TICE.
La création de ressources numériques serait stimulée par un abaissement du taux de TVA, le développement de l’exception pédagogique dans le droit français, la création d’un « chèque ressources numériques » pour les établissements scolaires. Enfin dès 2011, les éditeurs auraient l’obligation de publier au format numérique leurs manuels. Un effort serait fait pour intégrer les jeux sérieux dans l’enseignement. Dans les établissements, dès la rentrée 2010, chaque établissement devrait ouvrir « un espace partagé de communication ». Il devra aussi ouvrir un « réseau social de coéducation et d’aide de pair à pair pour les lycéens ».
Le développement de la culture numérique des élèves est un autre point d’intérêt du rapport. Il compte beaucoup sur l’autoformation à travers l’installation de postes « luditic » au primaire pour l’apprentissage du clavier. Au collège et au lycée il compte développer des « parcours de formation en ligne collaboratifs et participatifs ». Il veut aussi généraliser des espaces de création numérique dans les établissements et ouvrir des espaces ouverts en libre accès et encourager les pratiques collaboratives chez les élèves. Il préconise aussi la création de modules facultatifs « informatique et société du numérique » du collège au lycée.
Le pilotage du changement se fera à travers une Agence nationale pour l’accompagnement au développement du numérique dans l’éducation (ADNE) ouverte aux différents partenaires (collectivités locales, éducation nationale, associations). Elle créera un observatoire de l’équipement et des pratiques numériques pédagogiques dans les établissements et impulsera la mise en œuvre du numérique. Elle aidera à renforcer la place du numérique dans les programmes scolaires et à mettre en place des épreuves numériques dans les examens. Un laboratoire financera des recherches sur l’éducation numérique.
Le rapport Fourgous
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Documents/docsj[…]
Les 70 mesures
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Documents/do[…]c
Mission Fourgous : aller plus vite vers l’école numérique
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2009/09[…]
Mission Fourgous : Les TICE vont-elles changer la pédagogie ?
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/[…]
Rapport Fourgous : Luc Chatel annonce un plan numérique dans quelques semaines
Lors de la remise du rapport Fourgous sur l’école numérique, le 15 février, Luc Chatel a annoncé la communication, dans les prochaines semaines, d’un plan de numérisation de l’école, qui fera une large place à la question de l’égalité de chances, en réduisant les inégalités sociales et territoriales, en particulier grâce à une stratégie nationale de pilotage. Il fera appel aux opportunités dégagées par le grand emprunt et portera notamment sur les équipements, la formation des enseignants et le développement de ressources respectant leur liberté pédagogique et leur permettant de révolutionner leurs méthodes pédagogiques.
Le reportage du Café
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/02[…]
Editorial : L’Ecole doit réussir son passage au numérique
Pour tous ceux qui soutiennent depuis des années l’intégration des TICE parce qu’elles bousculent l’Ecole et l’obligent à changer, le rapport Fourgous apporte une confirmation officielle de leurs thèses et un motif d’espérer. Cela ne rend pas moins difficile le pilotage du changement.
Trois raisons nous semblent militer en faveur de ce rapport.
La force de la raison. L’imposant rapport de JM Fourgous (plus de 300 pages) s’appuie sur une copieuse bibliographie et fait constamment appel à la raison et à l’intelligence du lecteur. C’est sans doute la meilleure recension de travaux sur l’impact des TICE sur les résultats des élèves. C’est aussi la meilleure enquête sur l’usage des TICE dans les autres pays de l’OCDE comme la Finlande, le Danemark; le Royaume-Uni, Singapour ou la Corée du Sud. C’est en comparant les méthodes et les résultats de ces pays que JM Fourgous fonde son exigence d’intégration des TICE. Il peut établir que les TICE sont efficaces sur le plan scolaire. Ainsi, s’il met en évidence que le redoublement coûte environ 3 milliards par an à la collectivité, il peut mettre en avant que cette somme pourrait être ramenée à 1 milliard grâce aux TICE. C’est une approche du même genre qui est menée pour montrer que les TICE correspondent aux attentes de la société. Ainsi il peut chiffrer le gain en termes d’emplois du développement des TIC à l’école.
Un autre point fort est le lien établi entre TICE et changement pédagogique. Pour pouvoir vraiment tirer parti des TICE il faut que l’Ecole change les relations entre enseignants et élèves, le mode d’enseignement et même les compétences recherchées. Pour poser ces exigences JM Fourgous s’appuie sur des travaux de recherche. Il n’empêche que ces propos, le souci permanent qu’il a de montrer l’importance des TICE pour améliorer l’estime de soi des élèves, faire le lien entre culture scolaire et pratiques sociales des jeunes mérite d’être salué.
La force de la conviction. Parce qu’il s’appuie sur une argumentation très forte, le rapport entend appuyer le pilotage de l’intégration des TICE sur le volontariat des acteurs. Et il le fait sans écarter, invitant collectivités locales, éducation nationale, association d’enseignants, entreprises à participer à l’opération.
Mais bien des rapports ont précédé celui de JM Fourgous et sont allés remplir les armoires de la rue de Grenelle. Le changement culturel, que les autres pays de l’OCDE connaissent et que JM Fourgous appelle de ses vœux, est justement celui qui est rejeté par de puissants lobbys en France. Certaines orientations du programme Fourgous peuvent aussi sembler dangereuses, comme celle d’instituer des modules « informatique et société » qui peuvent enfermer les TICE dans les mains de quelques « spécialistes » comme on l’a vu dans les deux dernières décennies du siècle précédent. On se rappelle, sous un certain F Fillion, comment il a fallu batailler pour sauver les TPE. On a vu comment la formation des enseignants a été ramenée à quelque chose de strictement disciplinaire. Comment les nouveaux programmes du lycée s’inscrivent parfois en opposition à la réforme générale du lycée et découragent les partisans de la réforme. Comment ceux du primaire ont ramené l’Ecole en arrière et démobilisé les enseignants. On ne sait rien des appuis financiers que JM Fourgous peut mobiliser pour soutenir un programme qui reste d’ailleurs à chiffrer. Tous ces points faibles imposent aux partisans d’un changement profond de l’Ecole un soutien lucide au rapport Fourgous. Il en reste un dernier de poids : une évolution de cette ampleur nécessite qui une école en paix. Est-ce envisageable si l’austérité vient chaque année dégrader la situation scolaire ?
Dans le Café : La question de la culture numérique dépasse celle de la culture informatique
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2008/99[…]
Analyse : Passer de l’intégration à l’acculturation
» Les enseignants attendent de ce rapport qu’il ouvre des portes vers une acculturation. Ils y trouvent de quoi espérer, mais presque trop, parfois ». Docteur en sciences de l’éducation, formateur-chercheur au CEPEC, Bruno Devauchelle connaît remarquablement les rapports difficiles entre les TICE et l’Ecole. Il réagit, pour les lecteurs du Café, au rapport Fourgous.
Le rapport parlementaire remis par M Fourgous au ministre de l’Education est pétri de bonnes intentions et d’idées intéressantes. Malheureusement à vouloir tout couvrir, il risque la dispersion. Mais surtout c’est l’impression d’a peu près et de pas fini que l’on ressent à la lecture du rapport complet.
Premier constat, la variété des sources consultées est riche, et l’on ne peut que féliciter les rédacteurs de cette volonté de « citer » tant de références. Mais citer ne suffit pas. La ligne directrice sous jacente est restée la même qu’au départ. Autrement dit les auteurs du rapport ont souffert de ne pas écouter l’Ecole et de trop écouter les TIC dont a priori ils rêvent de leur pouvoir magique de transformation de l’école (et parfois à court terme). Beaucoup de survol ne fait pas la justesse de l’analyse, malheureusement et encore moins l’utilisation d’extraits « choisis » de ces sources si riches et si nombreuses.
Mais surtout il y a une croyance aveugle en un modèle de l’apprentissage qui n’est pas du suffisamment analysé et une idée de la toute puissance des TIC (et des avatars) qui demande toujours à être vérifiée au delà des seules pseudo-efficacités des TIC prises ici ou là dans des discours de pionniers. Vivre au contact quotidien des équipes enseignantes ramènerait sûrement les auteurs à certaines réalités que la formation (sans préciser laquelle) ne peut suffire à s’approprier pour mieux les faire évoluer. Saluons cependant la volonté de renverser le modèle équipement/formation pour le modèle formation/équipement, déplorons l’absence d’une réflexion sur le « système » scolaire.
Plusieurs remarques me semblent nécessaires pour accompagner et élargir les conclusions de ce rapport :
1 – Mieux connaître le quotidien de l’établissement et les TIC : un environnement fiable et un accompagnement de proximité
La lecture du rapport ne peut que renforcer les nombreuses observations des enseignants et en particulier celle concernant le besoin de formation. Mais au delà de cette formation, il faut mieux en définir les contours : ainsi le développement de personnes ressources dans les établissements (ce qui existe déjà dans certaines académies comme celle de Poitiers) est un élément essentiel. Associant l’aide pédagogique à la formation, ces personnes, formées non pas seulement sur un modèle technicien mais surtout sur une base pédagogique, ont un rôle de proximité sans lequel rien ne peut se faire. La fiabilité de l’environnement numérique du travail des enseignants reste encore trop souvent un facteur de mécontentement et freine souvent les enthousiasmes. Renforcer la souplesse et la qualité des outils est un gage de réussite dans un environnement traditionnel (programmes, emplois du temps…) qui n’incite pas « naturellement » à utiliser les technologies
2 – Accompagner les évolutions de la culture des enseignants
Comme le souligne justement le rapport, les enseignants ont, pour la plupart adopté l’utilisation des TIC pour leur travail personnel. Mais souvent, comme les élèves, (incluant bien évidemment les connaissances indispensables) leurs compétences sont souvent parcellaires, incomplètes. Ainsi la maîtrise de la veille informationnelle dans le domaine de spécialité est bien souvent défaillante chez la grande majorité. Ce sont ces mêmes enseignants qui déplorent l’incapacité des élèves dans leur recherche d’information et leur facilité à copier coller, alors qu’eux mêmes sont souvent déstabilisés par ces environnements. Les TIC et en particulier les ENT sont une opportunité formidable pour que ces évolutions se fassent de manière sereine. Mais il faudra sûrement expliquer, partager, expérimenter, et autoriser les essais pour que peu à peu l’appropriation personnelle des TIC devienne professionnelle. Ainsi qu’on peut l’observer dans le cas de l’ordinateur portable dans les Landes, il faut du temps et de l’obstination pour le changement, souvent lent en éducation. Or les changements culturels demandent du temps, encore faut-il qu’on ne veuille pas qu’ils se réalisent à la vitesse des changements technologiques.
3 – L’importance des questions didactiques
On est un peu surpris de ne pas voir davantage figurer dans le rapport la place des contenus des disciplines comme vecteur pour encourager les pratiques. Il suffit d’observer ce qui se passe en mathématique avec l’épreuve du baccalauréat ou encore en physique pour les TP au baccalauréat pour se rendre compte qu’il y a des changements réels qui s’opèrent en ce moment qui sont au cœur de l’identité enseignante constituée par les contenus d’enseignement et donc la didactique. Certes l’hypothèse constructiviste est intéressante, mais elle n’est rien si elle n’est pas associée à des démarches comme celles de la main à la pâte, ou encore aux démarches d’investigation au collège, ou encore à la démarche de problématisation en histoire géographie… Regardons l’importance des TIC pour le croquis en géographie pour se rendre compte que c’est aussi (et probablement avant tout) par cette entrée que les TIC prennent place dans les pratiques réelles.
4 – La nécessité de visée et de stratégie organisationnelle
On ne peut concevoir un établissement qui utilise régulièrement les TIC sans réfléchir au fonctionnement quotidien de celui-ci. Locaux, horaires, circulations etc. sont la base d’une organisation qui a été conçue bien avant que les TIC n’émergent. On a peu profité des retours d’expérience comme le lycée des Ponts de Cée jadis ou encore d’autres établissements dont certains avaient, par exemple, mis en place des espaces d’autoformation multimédia en lien avec les CDI. Donner à voir le cahier de texte de la classe sur Internet est un bouleversement qui dépasse la simple question de l’ouverture au parent. Permettre à l’élève de poursuivre son travail au delà des murs de l’établissement est une « bonne intention », mais qui a des conséquences importantes sur le management pédagogique de l’établissement. La formation des cadres, et l’ESEN s’en est déjà emparé avec son master à distance qui intègre des modules sur les TIC, est indispensable mais elle doit être liée à une réflexion sur la « réorganisation » du monde scolaire. Peut-on imaginer, à la suite de ce rapport que les prochaines architectures de nouveaux établissements soient pensées en lien avec de telles organisations nouvelles.
5 – Prendre en compte le cadre réel imposé par l’organisation scolaire
On peut être surpris que le rapport n’ait pas davantage repéré les freins propres à la forme scolaire, à l’institution scolaire. La contrainte imposée par les programmes et les examens, l’organisation dans des classes (souvent nombreuses et trop petites), le découpage disciplinaire rigide etc. sont autant d’éléments auxquels les TIC se heurtent. Reconnaissons la nécessité d’un équipement et d’une formation des acteurs, mais encore faut-il que le cadre de l’organisation puisse gagner en souplesse et adaptation. Chaque enseignant qui a recours à Internet dans sa classe pestera bien évidemment de tous les freins que pourra mettre l’établissement à cet usage : cela va de la gestion des salles spécialisées à la gestion des accès sécurisé, voire au simple filtrage d’adresse rendant impossible un usage raisonnable en classe.
On ressent bien évidemment en filigrane de ce rapport qu’il s’agit aussi de ne pas trop déstabiliser une institution alors que ses auteurs en perçoivent bien l’urgence, au risque d’une mise à l’écart du système éducatif dans l’accès à la culture numérique. Mais encore faudrait-il que les responsables du cadre de l’activité scolaire osent prendre en compte les changements déjà observés dans d’autres milieux professionnels pour repenser les établissements de demain, dans leur fonctionnement, mais aussi dans leurs programmes d’enseignement, leur organisation dans le temps, dans leurs modalités d’évaluation. Le développement, par ailleurs, des livrets de compétences et autres portfolio ou livret de suivi d’orientation vont dans le bon sens sur le principe mais ils sont indépendants des propositions, identiques (ou presque) de ce rapport. Il faudrait encourager davantage une convergence qui est prometteuse de changements dans l’ensemble de l’organisation scolaire dans ce qu’elle a d’essentiel : la mesure de ses effets.
6 – Passer de l’intégration à l’acculturation
Les enseignants attendent de ce rapport qu’il ouvre des portes vers une acculturation. Ils y trouvent de quoi espérer, mais presque trop, parfois. En voulant faire trop bien, embrasser trop large, les auteurs pourraient égarer les praticiens ordinaires que nous sommes : encore un rapport de plus et pendant ce temps là nos élèves continuent de s’envoyer des SMS en classe et parfois rechercher aussi des éléments pour enrichir le cours sur leur terminal mobile (Smartphone). Mais surtout nous voyons les jeunes en train de changer de culture alors que nous même sommes sur un chemin que notre cadre actuel de travail ne nous permet pas de faire évoluer rapidement.
L’accompagnement de terrain, le développement et le soutien aux communautés de pratiques, en particulier en ligne sont des voies, parmi d’autres, que l’on peut espérer voir se développer dans les années à venir. Il me semble qu’elles sont bien plus urgentes que le soutien aux producteurs de ressources soutenues depuis si longtemps. En ne réduisant pas le problème à la seule pédagogie constructiviste dont on connaît certaines des limites mais en y intégrant la question des contenus disciplinaires et interdisciplinaires il y a aussi de quoi faire. Enfin en allant vers un « nouvel établissement scolaire numérique » encore à inventer on pourrait espérer que nombre des propositions de ce rapport soient mises en action.
Conclusion
Il nous semble nécessaire d’abandonner le paradigme de l’intégration si souvent utilisé pour évoqué la place à donner aux TIC en éducation. En effet intégrer c’est obliger le corps étranger à s’adapter au milieu dans lequel il va vivre, sans que celui-ci soit modifié. Le chemin à suivre est plutôt celui du paradigme du métissage. Cela signifie que pour que les TIC aient une place dans le monde scolaire, il ne suffit pas qu’elles s’adaptent à l’univers scolaire, mais il faut absolument qu’il se modifie et profite des potentiels apportés par les possibilités d’usage propre aux TIC. Le paradigme du métissage est avant tout une visée culturelle avant d’être un visée technicienne ou seulement scolaire. Aller vers l’acculturation c’est bien évidemment aller vers le métissage porteur d’identité nouvelle.
Ce sont là quelques uns des points d’accentuation sur la base desquels, il me semble, il faudrait trier les propositions si diverses et si intéressantes de ce rapport. On peut espérer que Luc Chatel et ses conseillers sauront ne pas se contenter de l’apparat des annonces (dont le rapport rappelle avec justesse celles qui ont précédé) si souvent utilisé et préférer sélectionner les axes les plus pertinents dans un véritable souci de la place du numérique dans le système éducatif. On regrettera simplement que ce rapport n’ait pas osé aller sur le terrain plus éloigné des finalités pour proposer enfin une vision de la société de demain vers laquelle de telles mesures pourraient permettre de conduire. On saluera le courage des auteurs et la qualité du travail fourni qui fera sûrement référence dans les prochaines années.
Bruno Devauchelle
Réactions : Un rapport accueilli positivement par la communauté éducative
Peu de critiques, des inquiétudes. Intégrer les Tice dans l’enseignement fait largement l’unanimité aussi bien du coté des parents que chez les syndicats. Mais tous attendent des actes. Et les collectivités locales posent la question du financement…
» Pour le SE-UNSA, il est indispensable que notre pays définisse et finance une politique extrêmement ambitieuse et volontariste pour rattraper son retard », a déclaré Christian Chevalier, secrétaire général du Se-Unsa, le 15 février, en réponse à la publication du rapport Fourgous sur l’école numérique. « Une telle orientation politique devra associer étroitement les collectivités territoriales et l’Etat. Un plan pluriannuel s’impose, faute de quoi la fracture numérique pourrait bien exclure un peu plus dans un système éducatif déjà bien trop inégalitaire ».
Le Snuipp accueille lui aussi positivement le rapport. « Ce rapport appelle des mesures d’urgence de la part du ministère de l’Education Nationale… Il propose que le ministère mette rapidement un groupe de travail associant l?Education nationale, les représentants des collectivités territoriales et les enseignants pour que les propositions de ce rapport se transforment en actions concrètes ». Et le syndicat indique déjà des pistes de travail : « la mise en place d?un référentiel national de formation aux usages TICE qui déclinerait un contenu de formation et des modalités d’accompagnement des enseignants; l’élaboration d »une convention état-communes qui définit la hauteur des financements pour l »achat du matériel mais aussi clarifie les responsabilités de l »état et des communes pour l’entretien et la maintenance; la création d?un observatoire de l »équipement et des pratiques numériques pédagogiques dans les écoles (reprise de la mesure 58 de JM Fourgous). La balle est dans le camp du ministre ».
Les parents de la Fcpe saluent « un rapport très documenté ». L’association « accueille avec satisfaction d’y retrouver le point de vue qu’elle a défendu dans son audition, en particulier sa dimension pédagogique et le fait qu’il ne se borne pas à une vision administrative des ENT, mais qu’il concerne les élèves dans leurs classes ». Elle aussi « appelle le ministre de l’Education nationale à utiliser le levier de l’Ecole numérique comme un outil de cette transformation de l’Ecole dont les élèves ont besoin ». Mais la Fcpe juge que « pour atteindre cet objectif, il faudra au préalable ramener la sérénité dans les écoles et les établissements et cesser d’utiliser chaque réforme comme un moyen de supprimer des postes et de faire des économies de bouts de chandelle. Le développement du numérique à l’Ecole ne pourra jamais être un prétexte à la réduction des dépenses de l’Etat ».
Communiqué Se Unsa
http://www.se-unsa.org/spip.php?article2006
Note de presse du Snuipp
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Documents/d[…]
Une mise en garde régionale
La région Ile-de-France a installé plus de 140 000 ordinateurs dans les lycées franciliens. Elle lance « Lilie », son ENT qui sera présent dans tous les lycées en 2012. C’est dire qu’elle accueille favorablement un grand plan numérique. Mais elle met aussi en garde le pouvoir. » Dans un contexte de rigueur budgétaire, de suppressions massives de postes et de remise en cause de la formation initiale des enseignants, avec quels moyens Luc Chatel mettra-t-il en oeuvre les préconisations, forcément coûteuses, du rapport ? Comment remplira-t-il ses obligations en matière de formation, d’assistance et de gestion informatiques? Le gouvernement ne doit pas, une fois encore, se défausser sur les collectivités locales de ses responsabilités régaliennes, sous prétexte qu’il n’a plus les moyens de les assumer ».
Communiqué
http://www.iledefrance.fr/fileadmin/contrib_folder/Commu[…]
Avec le REPTA, des TNI pour l’Afrique
« Il m’est insupportable de penser que cet outil que je trouve fantastique ne soit pas disponible en Afrique ». Sur Afrik.com, G Cohn-Bendit, infatigable animateur du Repta, raconte l’arrivée des premiers TNI (tableaux numériques interactifs appelés aussi tableaux blancs interactifs) et les difficultés. » « C’est plus difficile qu’on ne le croyait. Les gens ne savent pas tous manier l’ordinateur comme en France. Le problème des connexions Internet pas toujours assurées n’est en revanche pas très important. On peut vraiment mettre beaucoup de choses sur un disque dur ».
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