Par François Jarraud
Cette fois-ci ils sont tous d’accord : syndicats (Sge, Fsu, Snes, Snuipp, Se-unsa, Cgt), parents (Fcpe), lycéens (Unl et Fidl) et étudiants (Unef) pour appeler à repousser la réforme de la formation des maîtres construite par V Pécresse et L Chatel. Pourquoi faut-il des profs bien formés ? Que penser de cette réforme et en quoi concernent-elles enseignants et parents ?
Si l’on écoute ces mouvements, trois reproches sont faits à la circulaire qui organise les nouveaux masters d’enseignement. La « formation professionnelle est réduite à portion congrue » , par exemple des étudiants pourront se retrouver face à une classe sans avoir jamais fait de stage pratique. Le moment où est placé le concours pénalise les étudiants et nuit à la formation car il oblige à mener sur une année trop de choses. Enfin les IUFM se voient ramenés à la portion congrue alors qu’ils ont un savoir faire précieux et évalué pour la formation des enseignants.
Mais est-ce important d’avoir un bon prof ? La question semble triviale. Tous les parents et tous les élèves peuvent répondre, par l’affirmative, à cette question. Pourtant on a souvent raison de se méfier de l’évidence. Est-on vraiment d’accord sur ce qu’est un bon prof ? Quelle perception les profs ont-ils de leur métier ? Et puisque le corps enseignant se renouvelle, quelles qualités exiger des nouveaux profs ?
Or peu de travaux ont mis en évidence les caractéristiques de l’effet professeur. On peut citer récemment la recherche de Pascal Bressoux, Francis Kramarz et Corinne Prost. Ils sont partis du principe que l’effet prof le plus sensible est l’efficacité scolaire. Analysant les résultats d’élèves de CE2, ils ont mis en évidence l’importance de la formation professionnelle et de la formation culturelle des enseignants. Ainsi les résultats en maths des élèves ayant un professeur formé sont supérieurs de 3 points à ceux des écoliers qui ont un enseignant non formés. De la même façon, les résultats en maths s’élèvent quand l’enseignant a un diplôme universitaire en sciences et cela même quand il n’a pas reçu de formation pédagogique. L’attitude professorale semble aussi déterminante à Olivier Maulini qui insiste sur la qualité relationnelle de l’enseignant et sur son ouverture au questionnement. Dans un article publié par le Café il explique : « ne pas attendre les questions, mais les demander explicitement. Ne pas les garder aux marges de la leçon, mais s’en servir pour régler la progression. Saluer peut-être l’élève curieux et entreprenant, mais impliquer surtout toute la classe dans le travail d’investigation. C’est comme cela que s’instaure, à l’école et par l’école, l’« union des travailleurs de la question » Le rapport au savoir se joue très visiblement autour de l’intérêt ou de l’indifférence que suscitent certaines questions ». On a tous en mémoire ces professeurs qui ont été compréhensifs et qui ont su éveiller des curiosités. Des qualités qui ne se reconnaissent pas dans un diplôme. D’autres travaux ont pu mettre en avant d’autres critères. Ainsi une chercheuse québécoise, Ginette Bousquet, a fait le lien entre les représentations que les professeurs ont de leurs élèves et les résultats scolaires. « Le professeur construit sa représentation de l’élève à partir de ses croyances, de ses valeurs et de ses attentes. Cette représentation influence ses pratiques et peut avoir une incidence sur la réussite des élèves » écrit-elle. Ainsi le « bon prof » serait celui qui croit en la réussite de tous ses élèves et globalement dans sa mission éducative.
Une formation déséquilibrée. C’est dire que le « bon » prof se situe au croisement de la formation disciplinaire, de la formation professionnelle y compris la pratique de la gestion de classe et de l’éthique professionnelle. Or seule la formation disciplinaire semble prise en charge dans le projet ministériel. L’éthique est assimilée au comportement du fonctionnaire, ce qui n’est pas exactement la même chose. Et la dimension professionnelle est largement sacrifié, les épreuves se contentant de vérifier les connaissances disciplinaires. Ce sont les parents de la FCPE qui se sont exprimés de la façon la plus claire sur ce sujet. » Alors qu’on allonge la durée d’études, aucune exigence réelle n’est posée en ce qui concerne la pédagogie et la psychologie de l’enfant. Une année d’études supplémentaire pour moins d’enseignement professionnel : telle est la proposition du ministère… Pour la FCPE, enseigner est un métier qui s’apprend. Les parents ne peuvent se satisfaire d’enseignants n’ayant qu’une vague idée de ce qu’est un enfant, un élève ! »
L’Ecole a connu d’autres périodes de recrutement massif où on envoyait en classe des enseignants non formés. C’est ce qu’ont connu sans doute les décideurs actuels « en leur temps ». Mais depuis les publics scolaires ont changé. L’enseignement secondaire, qui a tellement fait appel aux maitres auxiliaires dans les années 1970, accueillait deux millions de jeunes en 1970. C’est plus de cinq millions aujourd’hui, c’est-à-dire que l’Ecole accueille bien davantage de jeunes en difficulté scolaire et que les classes sont devenues bien plus hétérogènes. En même temps les compétences qu’il faut acquérir à l’Ecole ne sont plus les mêmes et demandent plus de professionnalité. C’est dire que, si la question intéresse évidemment les parents, elle touche obligatoirement tous les enseignants. Accepter une formation bâclée pour les bataillons de nouveaux maîtres c’est voir le problème se déplacer dans les établissements où les problèmes se multiplieront.
Dossier documentaire Snuipp
http://www.snuipp.fr/spip.php?article6829
Positions diverses
http://www.snuipp.fr/spip.php?article6828
Position de la FCPE
http://www.fcpe.asso.fr/ewb_pages/a/actualite-fcpe-2327.php
Dossier Former les enseignants
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/ReformeForm[…]
Etude de P. Bressoux (en pdf)
http://www.u-bourgogne.fr/upload/site_120/agenda/se09056a.pdf
Article d’O. Maulini
http://cafepedagogique.net/lemensuel/larecherche/Pages/[…]
Parents et enseignants contre la réforme
La FCPE, le Snuipp, le Se-Unsa et le Sgen dénoncent une réforme néfaste pour la réussite des élèves.
« Les parents d’élèves refusent de confier leurs enfants à des enseignants qui n’auraient qu’une vague idée de ce que sont la pédagogie et la psychologie de l’enfant ». Cette mise en garde de Jean-Jacques Hazan, le président de la FCPE, association de parents d’élèves majoritaire dans le second degré, a le mérite de la clarté. Dans une lettre adressée à Luc Chatel le 19 novembre, il la justifie. » La FCPE conçoit les inquiétudes les plus fortes quant à la future formation des enseignants qui doit découler des récents arbitrages ministériels. La FCPE est convaincue qu’une formation professionnelle au métier d’enseignant comprenant une période par alternance est un élément déterminant dans la réussite des élèves. La réduction de cette formation professionnalisante, telle qu’elle est aujourd’hui prévue, ne peut correspondre aux défis de l’Ecole pour la réussite de tous ». La FCPE relève l’écart entre la réforme du lycée et celle dela formation. » La reforme du lycée telle que présentée la semaine dernière présente pour la FCPE des avancées en matière de pédagogie. Que deviendront-elles si les enseignants n’ont pas une formation pédagogique plus poussée, notamment au cours de leur formation initiale ? »
Le Snuipp, le SGen et le Se-Unsa écrivent aux enseignants pour demander que les conseils de maîtres votent des motions contre la réforme. « Nous dénonçons vigoureusement l’organisation de ces stages en responsabilité qui pourraient mettre les étudiants en difficulté dans le cadre d’une découverte brutale de la classe sans véritable formation professionnelle. Cette organisation va à l’encontre du bon fonctionnement de l’école et de la réussite des élèves. Nous dénonçons également l’utilisation des étudiants en stage comme moyens d’enseignement pour compenser les insuffisances de postes budgétaires (compensation des décharges de direction d’école, remplacement des maîtres absents, …) ».
Les IUFM consternés. « Le bureau de la CDIUFM affirme sa consternation face aux propositions des deux ministres en charge de la réforme de la formation et du recrutement des enseignants ». Dans un communiqué la Conférence des directeurs d’IUFM, les organismes chargés dela formation des enseignnats, estime que « dans l’état actuel des propositions, c’est la polyvalence des professeurs des écoles qui serait sacrifiée dans le nouveau dispositif. Il est implicitement prévu par la réforme que, même pour les professeurs des écoles, des masters généralistes mono disciplinaires (exceptionnellement bi disciplinaires) leur serviraient de formation. Or les professeurs des écoles enseignent non pas deux mais une dizaine de disciplines. Quand seront-ils formés aux huit autres, dont certaines n’ont pas été travaillées depuis le collège (éducation musicale, arts plastiques) ? » » Pour toutes ces raisons » conclue la CDIUFM, « cette réforme n’est pas acceptable et ne peut que susciter l’opposition de tous ceux qui restent attachés à la formation des enseignants ».
La FSU publie une lettre des directeurs de cabinet des ministres de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur qui défend les principes de la réforme.
Communiqué syndical
http://www.snuipp.fr/spip.php?article6745
Communiqué Cdiufm
http://www.iufm.fr/applis/actualites/spip.php?article640
Lettre fsu
http://www.univ-paris-diderot.fr/DocumentsFCK/fmaitres/Fi[…]
Dossier : Réforme de la formation
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/ReformeF[…]
Nimier : Une réforme qui ne change rien
« Bien des associations sont donc contre cette réforme mais elle risque de passer avec quelques petits aménagements! Pourquoi? Car elle ne change rien! » écrit Jacques Nimier à propos de la formation des enseignants. « La formation disciplinaire reste toujours le fondement de cette formation. Et beaucoup préfèrent que rien ne change sur ce point. C’est pourquoi les critiques se centrent sur la formation elle-même, ses structures, la date des concours etc.. alors que la formation est en réalité pilotée par le contenu des concours de recrutement ».
A lire sur le site de J Nimier
Un rapport européen demande plus d’efforts pour la formation professionnelle des enseignants
« Le perfectionnement professionnel fait partie intégrante de la vie des enseignants » affirme une enquête européenne basée sur l’enquête TALIS. « Or les enseignants estiment que leur horaire de travail est un obstacle important à leur participation à des formations professionnelles, ce qui suggère qu’il serait utile d’adopter des mesures visant à intégrer plus efficacement le perfectionnement professionnel des enseignants dans leur charge de travail globale et dans l’organisation des écoles ».
Dans l’ensemble, les résultats indiquent une corrélation étroite entre, d’une part, le fait que les enseignants soient informés de l’évaluation qui est faite de leur travail et, d’autre part, leur perfectionnement professionnel et l’idée qu’ils se font de son efficacité. Le cadre de travail joue également un rôle important. Les enseignants qui se sentent bien dans leur fonction et dans leur école croient en leur perfectionnement professionnel. Ces conclusions incitent les décideurs politiques à mettre davantage l’accent sur l’évaluation des enseignants et le suivi de leur travail, ainsi que sur l’amélioration de l’environnement scolaire, l’objectif étant de contribuer à ce que les écoles deviennent de meilleurs «lieux d’apprentissage», en favorisant la formation professionnelle continue des enseignants et, partant, en améliorant la qualité de l’enseignement.
L’étude
http://ec.europa.eu/education/school-education/doc1962_en.htm
15 décembre : Quelques milliers de manifestants pour une autre formation des enseignants
Derrière une banderole « Non à la démolition de la formation », ils étaient quelques milliers à défiler à Paris contre la réforme de la formation des enseignants.
Il en fallait de la conviction pour manifester, de nuit, dans le froid, au milieu des rues pavoisées pour Noël. A Paris ils étaient près de 3 000. Le cortège paraissait presque saugrenu entre les badauds pressés et chargés de paquets. Derrière un lampion ou un drapeau, des étudiants d’IUFM, des formateurs, des enseignants demandaient une autre formation. Il y avait aussi des parents, brandissant une pancarte « On veut des profs formés pas des mal appris ». Dans les régions, on signale 500 personnes à Toulouse, moins ailleurs où des réunions, voire un concert, ont remplacé les cortèges.
A l’appel syndicats de syndicats (Sgen, Fep, Fsu, Snes, Snuipp, Se-unsa, Cgt), d’une association de parents (Fcpe), de lycéens (Unl et Fidl) et d’étudiants (Unef), les manifestants demandaient « une évolution du contenu des épreuves des concours…, de revenir sur la place des épreuves d’admissibilité…., la mise en place de dispositifs d’accompagnement financier renforcés et pérennes pour les étudiants ».
Dans un communiqué, Jacques Auxiette, président de la région Pays de la Loire et responsable éducation de l’ARF, a présenté les raisons profondes de cette manifestation qui réunit parents, enseignants et étudiants. « Cette réforme de la formation des enseignants… en supprimant les périodes de stage et les temps consacrés à la pédagogie, va déstabiliser les jeunes enseignants lors de leur accès à cette profession, accès qui sera d’ailleurs rendu beaucoup plus difficile par le choix de poser le recrutement au niveau du master 2. Etre enseignant aujourd’hui nécessite de nombreuses qualités et si certes la maîtrise des enseignements est indispensable, c’est surtout la qualité pédagogique et humaine qui est fondamentale. Celle-ci a besoin pour se développer, de temps, d’échanges avec des formateurs expérimentés, d’aller retours entre des périodes de stages et d’acquisition de connaissances. Les enjeux sont fondamentaux car il s’agit bien là de la réussite de tous les élèves qui est conditionnée par la qualité de l’enseignement ».
Interrogé par l’AFP, Luc Chatel annonce qu’il va « tenir le cap d’une réforme qui améliore la formation des enseignants… Les textes seront publiés dans les meilleurs délais ».
Tract intersyndical
http://www.snuipp.fr/spip.php?article6786
Chatel AFP
http://www.vousnousils.fr/page.php?P=data/autour_de_nous/l_a[…]
Recrutement : De moins en moins de candidats enseignants pour des postes en déclin
« Au regard des 404 226 personnels enseignants du second degré public recensés en janvier 2008, les besoins de recrutement estimés ont conduit à l’ouverture de 9 950 postes au recrutement 2008 d’enseignants du second degré public, soit 1 700 de moins que l’année précédente (- 14,6 %). Également en recul (- 13,1 %), le nombre d’inscriptions s’élève à 122 154, soit 89 068 candidats ». Cette Note d’information du ministère fait le point sur les difficultés de recrutement pour les candidats 2009. Elle signale aussi les très fortes inégalités entre disciplines lors des concours.
Note d’information
http://www.education.gouv.fr/cid49784/les-concours-de-recru[…]