Par Jeanne – Claire Fumet
Un Club Unesco ? Pour quoi faire ? L’assemblée générale des Clubs Unesco, organisée samedi 12 décembre dans les locaux de l’Unesco à l’initiative de la Fédération française (FFCU), m’a permis de découvrir ces petites structures d’initiative locale, engagées dans un projet d’ensemble : « Renforcer, par l’éducation, la culture et la paix ».
Après une matinée consacrée à la présentation de réalisations des Clubs, les délégués de Fédérations d’Europe et d’Afrique (Mali) se sont succédé en séance plénière pour affirmer l’importance d’un mouvement porteur de réflexion et d’idéal, dans un monde parfois oublieux des valeurs de la culture humaniste. L’anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (10 décembre 1948) et les 20 ans de la Convention internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) signée le 20 novembre 1989 à l’ONU, invitaient à s’interroger sur l’application de ces textes.
La vice-présidente de la FFCU, Marie-Claude Angot, a d’abord rappelé la vocation générale des Clubs : s’engager pour les valeurs universelles de l’éducation, de la culture, de la science et de la communication, dans des réalisations locales qui apprennent aux jeunes à devenir des citoyens du monde responsables et conscients. Le représentant d’Irina Bokava (DG de l’Unesco) a souligné l’importance du droit à l’éducation pour tous et tout au long de la vie, mais pas à n’importe quelle éducation – rappel implicite à la nécessité d’une vigilance exigeante sur la qualité des contenus éducatifs. Lionel Virnou, responsable de la Fédération européenne (FEACU), a clairement souligné les carences des États européens dans l’application des Droits universels, citant la récente suppression du poste de Défenseur des enfants, ou les conditions d’ incarcération des mineurs en France, contraires notamment aux articles 4 et 37 de la DICE. Évoquant aussi la dégradation programmée des conditions de formation des enseignants, il conclut par un proverbe indien : « Ce ne sont pas les pierres qui font la maison, ce sont les hôtes. »
Une chanson du groupe de slam de Douai On a slamé sur la Lune (SOS enfants de la Terre) apporte un écho inattendu aux discours des représentants officiels (« …Enfants soldats de l’Occident, Qui mettent en joue leurs ennemis virtuels, Sur leur Wii… »). Comme le remarquait Lionel Virnou, en matière de droits des enfants, rien n’est jamais acquis, pas plus en Europe qu’ailleurs dans le monde. .
Entretien – Marie-Claude Angot, vice-présidente de la FFCU, précise les modalités d’existence des Clubs Unesco en France.
Comment ce mouvement est-il né?
La Fédération française a été créée dans les années 50 par un Inspecteur Général d’Histoire Géographie, Louis François, soucieux d’ouvrir « une fenêtre sur le monde » au sein de lycées encore très marqués par le modèle napoléonien, fermé et rigide. Le mouvement s’est construit à la fois sous l’égide de l’école, de l’éducation populaire et de l’Unesco. Il a permis de développer des espaces de réflexion libre et de débats, dans le cadre d’activités éducatives extra scolaire.
Quand j’enseignais, j’ai pu proposer à mes élèves de réfléchir plus longuement dans ce cadre aux questions que soulève souvent le cours d’Histoire-Géographie : en particulier, au moment de la Guerre du Golfe, alors que l’institution exigeait de limiter les débats sur le sujet, de nombreuses questions ont pu être examinées dans le cadre du Club.
Quel genre d’activité les Clubs développent-ils en France?
Des années 80 aux années 2000, les Clubs soutenaient essentiellement des projets internationaux, de partenariat Nord/Sud, beaucoup avec l’Afrique Occidentale et d’autres pays du monde. Aujourd’hui, on parle davantage de développement durable, d’environnement ; nous avons été le premier grand groupe associatif à travailler sur le projet de l’éducation au développement, que le ministère avait lancé. Ce qui permettait à la fois une sensibilisation aux problèmes des pays du Sud et une réflexion sur notre propre développement : comment vivons-nous, qu’en est-il de notre propre développement, peut-on parler d’un « modèle »?
Le discours du président de la FEACU est assez critique sur le « modèle » français…
Il est vrai qu’à l’heure actuelle, nous vivons dans une société de plus en plus ultra-libérale où des pans entiers d’acquis s’effondrent. Il est très important que nous tenions un discours clair, sans langue de bois. Il nous semble essentiel, dans le cadre éducatif qui est le nôtre, d’être très vigilants et d’alerter les jeunes sur la défense et le respect des droits universels, aussi dans notre propre pays.
Pour avoir enseigné au lycée, je sais que le cadre du cours ne permet pas toujours d’approfondir les questions qu’il suscite. Ce que d’ailleurs la suppression des cours d’HG en terminale S ne peut qu’aggraver : il est évident qu’on ne fait pas le même travail en première et en terminale, la maturité n’est pas la même, et on ne peut pas aborder les mêmes questions. Les élèves de terminale (surtout en S), s’interrogent vraiment ; le cours est un lieu de questionnement, de mise en perspective des grands problèmes du monde contemporain, qu’aucune information ne peut remplacer. Au contraire, l’animation d’un Club Unesco permet d’ouvrir un temps supplémentaire pour la réflexion, que le respect des programmes ne laisse pas en classe.
Comment s’y prendre concrètement pour mettre en place un Club Unesco?
Dès lors qu’un enseignant à un projet et la volonté de le mettre en œuvre, il lui suffit de nous contacter pour que nous en discutions ensemble. L’intérêt est d’abord de recevoir l’aval d’une institution reconnue, mais aussi, si l’activité est conforme au projet d’établissement, la possibilité d’obtenir des heures pour le réaliser, puisque nous sommes homologués par le Ministère de l’Éducation nationale. Nous pourrons lui apporter de l’aide et des conseils d’organisation, mais aussi les contacts et les informations de notre réseau sur la France et le monde. Nous ne disposons pas de moyens financiers, mais dans le cas d’un projet important, nous pouvons aider les Clubs à en trouver. On peut aussi faire appel aux intervenants spécialistes de l’Unesco, par exemple pour des conférences dans les établissements. Le champ d’activité des Clubs est très vaste, nous sommes là surtout pour les fédérer et les aider rapprocher.
Les Clubs en action.
« Jeu de la régularisation »
Le Club de l’enseignant grenoblois Joël Morlighem propose aux participants de vivre le parcours administratif d’un candidat à la régularisation. Doté d’un profil tiré au sort, il va subir les files d’attente, l’imbroglio des demandes administratives, mais aussi les aides associatives ou juridiques pas toujours faciles à maîtriser. Mis en œuvre à l’occasion du rassemblement, ce jeu a provoqué une petite fronde des participants qui ont manifesté leur mécontentement par l’ajout d’un commentaire sur le portique d’accueil.
« Graines d’artistes » du Centre Unesco Louis François de Troyes
Des œuvres primées au concours international d’arts plastiques 2009.
Dossier par Jeanne – Claire Fumet