Sophie Morlaix, de l’IREDU, tient à préciser par quelle entrée son laboratoire regarde les compétences, en relation avec d’autres équipes universitaires, notamment des psychologues, pour mieux comprendre les déterminants de la réussite scolaire. « C’est une approche empirique, à partir de résultats d’évaluations d’élèves, qui n’a pas l’ambition de donner des réponses toutes faites aux praticiens, mais plutôt de susciter des questionnements ».
Définitions multiples
La notion de compétence pose un grande nombre de questions, quant à sa définition, sa portée, ses conséquences pour mesurer ce que savent les élèves, mais aussi sur le fonctionnement quotidien de la classe et les pratiques concrètes d’enseignement. Elle paraît parfois si difficile à cerner qu’elle fait figure de « caverne d’Ali-Baba conceptuelle », comme le disait Marcel Crahay en 2006 : chacun met dans le concept des conceptions très différentes, qui ne permettent pas forcément d’en tirer des ressources opérationnelles pour l’action. A chacun, donc, de se faire sa propre définition de la compétence…
On peut entendre l’idée de compétence comme une capacité de mobiliser le trio savoir (connaissances), savoir-faire (capacités méthodologiques) et savoir-être (attitude). Dans ce cadre, nous appelons « compétences spécifiques » celles qui relèvent d’une discipline, et « compétences transversales » celles qui relèvent des savoirs-faire et des savoirs-être (certains pourraient dire des « qualités ». Le socle commun n’est pas très loin de cette définition lorsqu’il combine des connaissances, des aptitudes (nommées capacités) et des attitudes.
Mais quelles que soient les définitions, oelle insiste sur l’idée qu’une compétence « mobilise » plusieurs types de ressources internes au sujet (connaissances antérieures, capacités cognitives, vitesse de traitement de l’information, mémoire de travail…) et externes (aller à la recherche d’informations, consulter des données…), dans une situation donnée, particulière : non seulement reproduire ce qu’on sait, mais élaborer en s’adaptant à une situation nouvelle. En ce sens, c’est sans doute un enjeu essentiel pour réfléchir à ce que doit apprendre l’Ecole.
L’évaluation des compétences dans le système éducatif.
Jusqu’ici, les évaluations locales, réalisées par chaque enseignant dans sa classe, comme les évaluations nationales, évaluent plutôt des connaissances que des compétences, soit pour classer les élèves, soit pour organiser des remédiations. Les évaluations internationales, comme PISA, tentent d’évaluer des compétences « utiles dans la vie de tous les jours », et ont été parfois critiquées pour cela.
C’est pourquoi l’IREDU a chercher à comprendre ce qu’on pouvait faire des outils d’évaluation à notre disposition. « Comprenant que la « compétence » est difficilement mesurable, on a cherché à collecter, mesurer différents indicateurs qui aient quelque chose de statistiquement commun, qu’on pourrait appeler a postériori (et non a priori) compétence ».
L’IREDU a donc postulé qu’une compétence était définie par les liaisons qu’avaient entre eux les résultats à tel ou tel item, indépendamment de ce qu’il était censé évaluer…
« Nous avons fait ce travail de l’entrée au CP à la fin de la 5e. Nous avons mis à jour des « blocs d’items » qui avaient des liens entre eux, et identifié 63 compétences (qu’on pourrait appeler « variables ») à l’entrée au CE2. Nous les avons regoupées pour fabriquer des « blocs ». Au CE2, trois se distinguent : le calcul mental, les compétences attentionnelles et l’orthographe. A partir de cela, nous avons cherché à aller plus loin, dans une double perspective transversale (à un moment T) et longitudinale (en suivant l’évolution des élèves au cours du temps). »
» Dans la perspective transversale, nous avons constaté une logique pyramidale : certaines compétences semblent pouvoir être acquises que si on en maîtrise préalablement d’autres : attention, calcul mental, orthographe, soustraction… »
Quelles pratiques pédagogiques efficaces ?
Partant du principe (fortement discuté par Jean-Yves Rochex à la fin de l’intervention…) que les capacités cognitives des élèves sont « intrinsèques à chaque individu », S. Morlaix a demandé conseil aux psychologues cognitivistes pour savoir comment développer des activités d’enseignement qui permettent de « limiter l’influence des écarts de capacités cognitives entre élèves ». Par exemple :
– Faire le choix de développer les activités systématiques qui permettent de mobiliser les capacités cognitives et d’en réduire le coût (ex : apprendre les tables de multiplication) : en automatisant les procédures de base (connaître par cœur 7×3), on peut libérer de l’espace en mémoire de travail pour la résolution de problème.
– S’interroger sur les périodes les plus propices pour les apprentissages en intégrant le fait que tous les élèves n’apprennent pas au même rythme.