Par François Jarraud
Les filles ont-elles intérêt à faire des études ? Bien meilleures que les garçons à l’école, les filles sont victimes d’inégalités en retour. Si les inégalités scolaires des filles et des garçons sont bien connues, la dernière édition des Regards sur l’éducation de l’OCDE apporte des éléments surprenants à ce vieux thème.
Bien loin de la parité, le système éducatif français développe une fracture sexuée qui est en passe de devancer la fracture sociale. Les filles réussissent mieux que les garçons e cela quelque soit le niveau scolaire. C’est le cas dès le primaire où les filles comptent 70% de lecteurs efficaces contre 60% chez les garçons. Cet écart se retrouve au collège : 85% des filles ont leur brevet contre 79% des garçons. Il se creuse au bac : 70% des filles l’obtiennent contre 59% des garçons (41 et 28% pour le bac général). En fin de parcours, 47% des filles obtiendront un diplôme du supérieur contre 37% des garçons. Ajoutons que, quelque soit le milieu social, les filles redoublent toujours moins que les garçons. Comme a pu le dire J.-L. Auduc dans un article publié par le Café, » Toutes ces statistiques montrent que la « fracture sexuée » a atteint de tels écarts (entre 10 et 14 points) pour certains indicateurs (compétences en lecture, % d’une classe d’âge réussissant le baccalauréat) qu’elle apparaît pour ces items aussi, voire plus importante que la fracture sociale. Ainsi, les filles issues de catégories sociales classées comme défavorisées réussissent nationalement aussi bien ou mieux en lecture ou au baccalauréat que des garçons issus de catégories sociales caractérisées comme favorisées ».
Les filières prennent un certain genre. Parallèlement à cette évolution, on assiste à une spécialisation sexuée des filières. Aux 93% de filles de la filière SMS-ST2S, répond les 94% de garçons de la filière ISP. On trouve 79% de filles en L, 49% en S , seulement 10% en STI. Des écarts aussi forts se constatent entre branches du bac professionnel (en gros opposition tertiaire – production). Dans le post bac, les filles fournissent 80% des étudiants des formations sociales, 72% des étudiants en IUFM mais seulement 26% des futurs ingénieurs et 24% des étudiants en université de technologie.
Les révélations de l’OCDE. On savait aussi que les filles ont plus de mal à s’insérer socialement. Elles sont moins nombreuses à travailler et moins représentées dans les emplois d’encadrement. Ce que montre l’OCDE c’est l’énorme écart des filles et des garçons en ce qui concerne le bénéfice des études supérieures pour la société. Quand ces études rapportent 52 000 $ pour les garçons, elles n’apportent que 27 000 $ pour les filles. Payées moins cher, les filles s’acquittent de taxes et d’impôts moins élevés. Parfois l’écart de revenus entre filles et garçons est tel que la retombée des études des filles est négative pour la société.
Vous n’y gagnerez rien ! Mais le chiffre le plus intéressant concerne la valeur ajoutée des études supérieures pour une personne. Certes faire des études supérieures « rapporte » 82 000 $ de plus-value à un garçon (par rapport à un bachelier) et 52 000 $ à une fille. L’écart provient principalement des revenus; inférieurs pour une femme, et des prélèvements sociaux. Pour tous les pays les études se chiffrent par des gains plus ou moins substantiels pour les femmes (130 000 $ en Corée du Sud , 123 000 au Portugal, des pays où les écarts de revenus par rapport aux bachelières sont importants et les écarts entre les sexes faibles). La France se distingue : c’est le seul pays de l’OCDE où faire des études supérieures se traduit négativement en terme de revenu pour les femmes (- 1 908 $), alors même que cela rapporte 40 000 euros aux garçons.. Ce qui explique cette situation c’est à la fois l’écart de salaire entre les sexes et les transferts sociaux. Si faire des études supérieures permet aux femmes de mieux lutter contre le chômage, la société française leur adresse ce message absolument unique : vous n’y gagnerez pas.
Regards sur l’éducation
http://www.oecd.org/document/62/0,3343,fr_2649_[…]
JL AUduc la fracture sexuée
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/[…]
Pas de parité dans les métiers des TIC
Un grand nombre de filles ne poursuivent pas leurs études dans le domaine des TIC malgré leurs résultats. Une étude d’EUN Schoolnet montre que les filles sont autant capables que les garçons à s’orienter vers cette voie en fin de secondaire. Mais la majorité ne finit pas son cursus, alors même que l’Europe manque de travailleurs qualifiés en ce domaine. Résultat : seulement 25% des diplômés du secteur sont des filles.
Etude
http://blog.eun.org/insightblog/2009/06/ict_ge[…]
Comment se fabrique le genre
» Ils aiment comme nous mais ils le cachent « . Elles nous confient : » Les garçons, ils ont un coeur mais ils le montrent pas » Marine (8 ans) ; » Les garçons, c’est des faux durs au coeur tendre » Adeline (9 ans). Comment les écoliers de 6 à 11 ans vivent le sentiment amoureux? Sophie Ruel a étudié cette question auprès de 4 écoles élémentaires normandes.
Dans la revue Recherches en éducation, elle rend compte de ses travaux. »L’amour n’est pas le privilège exclusif des adolescents et des adultes. Bien que les enfants se lient facilement entre pairs du même genre, cela leur permettant de vivre une complicité et une solidarité qui les protègent du rejet et de la crainte de l’autre, les histoires d’amours enfantines existent bel et bien même si parfois elles sont habilement déguisées ». Ces moments contribuent fortement à la constitution du genre.
Or les enfants sont influencés par leurs pairs mais aussi beaucoup par les séries télévisées. » Certes, les enfants n’échappent pas aux pesanteurs sociales. Par le patrimoine propre à la différence des genres que l’entourage socio-culturel lègue aux filles et aux garçons, les logiques du genre préexistent aux enfants et les déterminent en partie » conclue Sophie Ruel. « Néanmoins, les enfants vont s’y inscrire activement en s’appropriant ces logiques et en leur donnant une signification qui leur est propre. Il convient donc de ne pas négliger la réception active des enfants dans le cadre de la construction de leur identité de genre. »
Recherches en éducation