Par Rémi Boyer de l’association Aide aux Profs
Depuis début 2009, les pré-bilans réalisés par des enseignants de tous niveaux auprès de notre association démontrent une nouvelle évolution en matière d’approche de la seconde carrière par les personnels administratifs chargés de la mettre en œuvre :
– les métiers de « seconde carrière » privilégiés par les Rectorats concernent les fonctions qui répondent à leurs besoins immédiats: chef d’établissement, inspecteur (IEN, IA-IPR car le concours attire de moins en moins, la sélectivité y diminue d’année en année), professeur des écoles, professeur de collège, de lycée. C’est sûr, l’Education nationale va devoir recruter de nombreux cadres dans les années à venir. Pourquoi tenter d’orienter un enseignant vers les fonctions de chef d’établissement s’il n’en a pas envie ? (relire en début de rubrique le témoignage de Eric Larcher sur le mode de recrutement). Pourquoi ne pas saisir cette chance historique de la seconde carrière pour réellement accueillir positivement tout projet de mobilité, quel qu’il soit, et enfin instaurer la fluidité des emplois et des mobilités dans notre système éducatif ? Pourquoi cette crainte de l’avenir, d’une pénurie des vocations par exemple ? Le métier d’enseignant devient difficile à exercer toute une vie, pourquoi ne pas saisir cette opportunité des décrets qui se multiplient sur la mobilité pour dynamiser les parcours de carrières des professeurs autrement qu’en leur proposant toujours les mêmes fonctions ?
– les cellules de seconde carrière font « patienter » les enseignants qui espèrent un poste, en constituant des « viviers de compétences » (des attentes risquent d’être déçues…puisque 300 000 professeurs sont potentiellement éligibles à ce dispositif…) : à un moment, il se produira un engorgement. Que va-t-il se passer ? Quelle forme de sélection adopter pour des milliers de candidatures annuelles, et si peu de postes à proposer ?
– les bilans de compétence, même quand l’ancienneté requise (10 ans) est présente, ne sont pas tous acceptés, ce qui en frustre plus d’un. Nous comprenons néanmoins que cette technique vise à « tester » la motivation de l’enseignant, mais à partir de quel moment celui-ci va-t-il ensuite se démotiver ? Où doit se situer le « juste milieu » ?
– Les CV sont adressés par les DRH aux structures susceptibles de recruter (Crdp et Cddp par exemple, alors que la disparition de ce réseau est régulièrement pressentie, faute de crédits pour les faire fonctionner), accompagnées de lettres de « candidature spontanées », alors que l’on sait très bien pourtant que les candidats qui seront éventuellement recrutés sont ceux qui auront adressé leur lettre durant le laps de temps du recrutement, après la publication d’un poste,
– les délais pour obtenir un entretien au sein d’une DRH sont souvent longs : un à deux mois…
– alors que l’on garantit aux candidats au dispositif de seconde carrière la confidentialité de leur démarche, il est curieux qu’il leur faille adresser leur demande sous couvert de leur chef d’établissement…Tous les chefs d’établissement considèrent-ils comme positif que leurs enseignants aient envie d’une autre carrière, de partir ? Cela n’est pas sûr, et le risque d’être « catalogué » directement sur son lieu de travail comme « en difficulté » n’est pas négligeable, puisque c’est souvent la première approche réalisée par les cellules d’aide aux enseignants : quitter son métier, non, ce n’est pas forcément être en difficulté.
Dans les années qui viennent, nos travaux de recherches universitaires analyseront plus en détail ces freins, ces lenteurs à la mobilité, afin de proposer de nouvelles approches, de nouvelles méthodes. Nous sommes très satisfaits que le MEN se soit en partie inspiré des documents et des idées que nous lui avions présentés en 2007 et adressé en 2008, preuve que notre dispositif associatif est bien d’utilité publique.
Depuis 2006, nous avions anticipé ce mouvement de mobilité, et il est curieux que notre association ne soit jamais associée à des travaux de réflexion, alors que nous accueillons chaque année à distance plus de 500 professeurs de toutes les académies, l’équivalent des contacts que reçoit en une année une grande académie, ce qui nous apporte régulièrement une vision globale et précise de ce qui se passe à ce niveau dans le système éducatif.
Nous ne comprenons pas non plus qu’un travail d’approche par les compétences n’ait pas conduit à élaborer, dès le départ, un véritable référentiel des compétences transférables pour identifier tous les types de métiers où l’enseignant possède déjà des pré-requis pour se reconvertir. C’est pour cette raison que nous approfondissons nos recherches sur cette problématique, à travers le recueil de ceux qui ont réalisé, bien avant la mise en place de la MISECA, leur seconde carrière. Les secondes carrières existent en effet depuis longtemps, via le détachement, mais le ministère ne communiquait pas sur ce point, car la mobilité externe des enseignants est toujours « taboue » (cf thèse de François Quinson : « quitter la classe », en 2004). Quand va-t-on se libérer de l’idée que tous les enseignants ont choisi ce métier par vocation et qu’ils ne sont pas capables de faire autre chose en dehors de ce qui leur est proposé dans l’Education nationale ?
Les futurs Masters de l’enseignement intègrent cette dimension, heureusement, afin d’ouvrir le champ des possibles, des différentes fonctions accessibles dans les métiers des sciences de l’éducation et de la formation.