Par Joëlle Gonthier
La Grande Lessive® vient de se déployer pour la cinquième fois en deux ans et demi. Elle a débuté en Polynésie et en Nouvelle Calédonie pour s’achever au Mexique. Une fois encore, ce fut un grand succès. Elle a rassemblé les générations, investi de nouveaux lieux et interrogé à sa manière la place de la pratique artistique dans notre société.
Cette installation artistique éphémère est une œuvre parce qu’elle est collective. Chaque réalisation vaut par le côtoiement d’autres et le souffle qui les traverse. Seule, elle ne serait pas là entre ciel et terre, suspendue entre ce que le quotidien impose et ce que l’art découvre. Regardée une à une, ces réalisations semblent souvent bien fragiles et sans rapport évident à la collection mentale constituée au gré de nos expériences pour définir ce qu’est l’art. L’influence de l’école se lit dans les perforations d’une pochette plastique ou dans le modèle commun à un groupe. Plus encore, l’enfance très présente donne parfois, à ce qui demande un engagement effectif, l’apparence d’une activité ludique dont l’adulte pourrait se dispenser. Pour que l’art soit tangible aux yeux de tous, n’avons-nous pas tendance à oublier l’apprentissage qu’il requiert et à attendre d’une œuvre une improbable évidence dans le lieu légitime qu’est le musée ? La Grande Lessive® offre l’occasion de chercher une voie pour aller vers l’art, mais comment y parvenir sans apprendre à le faire ? Certains s’élancent en retrouvant parfois l’imitation, la répétition, les tâtonnements et les tentatives de plus en plus hardies de la petite enfance. Tout petit, pour ne pas risquer d’écorcher les mots et la grammaire, fallait-il se taire ou apprendre ? Dans le domaine de l’art nous avons aussi le droit d’inventer des stratégies pour (nous) grandir et pour rêver ! Faudrait-il laisser l’art aux artistes, sans explorer leur démarche en associant réflexion et pratique ? Et l’artiste qui connaît les exigences de son travail, ne peut-il dialoguer avec d’autres personnes sans imaginer qu’elles tentent ainsi d’usurper son statut ?
La Grande lessive® ne fait pas de tous des artistes et de tout une œuvre. Elle autorise simplement à évoluer sur un territoire qui, comme celui du langage, demande à être partagé. En choisissant de faire des arts plastiques une pratique, elle propose d’autres manières de penser ce qui arrive. La Grande lessive® accueille nos singularités et nos ressemblances pour que nous vivions dans un monde où la création et l’enseignement artistique ne se réduisent pas à une peau de chagrin ou à des vestiges du passé. L’art est un bien commun. Que ceux qui enseignent comprennent, comme ceux qui font vivre une cité, une association, un lieu ou leur famille, qu’il s’agit d’un dispositif qui déplace des lignes pour promouvoir la pratique artistique et développer le lien social. Merci aux dizaines de milliers de personnes qui font, peu à peu, de ce projet une réalité…et pourquoi pas une œuvre : la leur !
Sur le Café :
La Grande lessive tend ses fils à travers la ville
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2008/10/LaGr[…]
La Grande lessive 2007
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/GrandeLessive07_index.aspx
Le site de la Grande lessive