Directeur d’IUFM, Jean-Louis Auduc analyse les dernières décisions gouvernementales concernant la formation des enseignants.
Comme on pouvait s’y attendre et comme je l’avais indiqué dès mes premières réactions début juin 2008, la « mastérisation » voulue par le gouvernement risque au vu des derniers développements de déboucher sur un monstre hybride : ni vraie master universitaire de plein exercice ; ni vraie formation professionnelle des enseignants correspondant aux besoins de notre système éducatif aujourd’hui.
La seule finalité de la « mastérisation » semble être la destruction des écoles professionnelles destinées à l’acquisition des gestes indispensables à l’exercice du métier enseignant, qui serait ainsi la seule profession à ne pas en avoir et, des économies importantes réalisées avec la suppression de l’année rémunérée de stage en alternance.
Les derniers développements de ce dossier semblent totalement ignorer les spécificités de l’exercice du métier enseignant. Les discussions semblent se focaliser sur 30% des futurs enseignants, ceux recrutés par un CAPES, alors que la « mastérisation » et la suppression des écoles professionnelles posent bien plus de question pour les 70% restants qui sont les professeurs des écoles, les professeurs des lycées technologiques. Le gouvernement semble ignorer que la moitié des élèves après le collège sont des formations professionnelles et technologiques.
Les spécificités de l’exercice du métier aux différents niveaux de notre système éducatif ne sont absolument pas pris en compte dans les réflexions actuelles ce qui particulièrement dommageables alors que notamment on s’interroge sur l’école maternelle, sur le bac professionnel en trois ans, sur la place des filières technologiques dans la réforme du lycée.
Ces oublis sont révélateurs d’une réforme mise en place sans avoir mené la nécessaire réflexion sur les différentes spécificités de l’exercice du métier enseignant .
Révélateur de cette absence de réflexion, les modifications intervenues sans aucune justification sur les barèmes des projets de concours de recrutement à l’occasion d’un document mis en ligne sur le site du ministère appelé « vade-mecum de la réforme ». Preuve d’une absence sérieuse de pilotage, le fait que par rapport à un concours 2010 modifié, sans doute pour de nombreuses années, on pourrait mettre en œuvre des « maquettes expérimentales » en 2009, modifiables en 2010, ce qui signifie traiter comme des cobayes d’une réforme hasardeuse, les étudiants qui prépareraient les concours en 2010.
Ce n’est pas ainsi qu’on préparera les futurs enseignants à un bon exercice de leurs responsabilités……
Révélateur , le récit publié sur le site de S.L.U. fait par la Coordination Concours Lettres regroupant sept sociétés savantes de sa rencontre le 23 février au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Qu’on en juge par ces extraits qui montre ce que le ministère appelle « master d’enseignement » :
« La solutions selon laquelle un professeur certifié, titulaire d’un master enseignement ; pourrait s’inscrire par la suite en master recherche et faire un second M2 assimilable à un DEA a encore été proposée par nos deux interlocuteurs ( du ministère de l’enseignement supérieur) .Ils ont admis l’impossibilité de faire en même temps un master enseignement et une véritable recherche. D’où la solution qu’ils proposent : exclure la recherche du master enseignement ( puisque selon nos interlocuteurs la recherche n’est pas réellement nécessaire aux candidats au CAPES) et maintenir le master recherche comme propédeutique à l’agrégation et au doctorat »
Un master enseignement, impasse … Il fallait nous dire que c’était cela la mastérisation !!!!
Enseigner, faut-il le répéter, est un métier qui s’apprend.
On ne peut faire l’économie de ce principe qui avait amené en décembre 2006 le ministère à définir dix compétences fondamentales pour l’exercice du métier enseignant :
– Agir en fonctionnaire de façon éthique et responsable
– Maîtriser la langue française pour enseigner et communiquer
– Maîtriser les disciplines et avoir une bonne culture générale
– Concevoir et mettre en œuvre son enseignement
– Organiser le travail de la classe
– Prendre en compte la diversité des élèves
– Evaluer les élèves
– Maîtriser les techniques d’information et de communication
– Travailler en équipe et coopérer avec les parents et les partenaires de l’école
– Se former et innover
Où est la réflexion sur l’acquisition de ces dix compétences dans les projets actuels ?
Il n’en est plus question dans les expressions gouvernementales.
Oui, il peut être intéressant de mettre en place une formation des enseignants digne de ce nom au niveau master.
Mais cela ne peut pas se faire sans une réflexion sérieuse sur :
– les contenus de la formation disciplinaire
– les modalités du concours de recrutement
– l’année de stage en alternance. L’alternance étant une démarche entre la pratique et l’analyse de ces pratiques dans une structure de formation professionnelle et non une simple « formation complémentaire ».
Jean-Louis AUDUC
Directeur-adjoint IUFM de Créteil /PARIS 12
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