Par François Jarraud
Jeune professeur des écoles, directeur d’école à Saint-Jean-de-Védas (Hérault), Bastien Cazals est devenu un des leaders du mouvement des « désobéisseurs ». Il s’exprime ici sur son combat.
Où en êtes vous des menaces de sanction qui pèsent sur vous ?
Je prépare un recours gracieux contre les retenues sur salaire qui ont été décidées. L’administration m’a informé qu’une procédure pour sanction disciplinaire était ouverte contre moi mais je n’ai pas encore vu le dossier et je n’en connais pas le motif. Est-ce parce que je désobéis ?
Justement pour certains il est logique, puisque vous désobéissez, que vous soyez puni. Ce n’est pas difficile à vivre cette situation ?
Bien sur il y a la pression de la hiérarchie. Mais dès le début c’était un acte réfléchi. Je n’étais pas le premier à désobéir et aujourd’hui on doit être un millier. Rien qu’aujourd’hui (le 17 décembre), 380 collègues ont remis à l’inspection académique de Montpellier une lettre où ils se déclarent en désobéissance. Je ne me sens pas seul. L’inspecteur d’académie de l’Hérault, qui s’acharne sur moi, va-t-il pouvoir contrôler et poursuivre 380 personnes ? Devra-t-il faire 380 visites pour constater les faits ? Ca me paraît difficile !
Vous ne vous sentez pas seul ?
Je suis bien entouré. Beaucoup me soutiennent et ça aide à tenir. Mon inquiétude est plutôt pour l’Ecole. Par rapport aux décisions de 2008 et surtout pour ce qui se prépare : la disparition de la carte scolaire, l’évaluation des écoles avec publication des résultats, l’autonomie des écoles, les EPEP, une offre éducative rendue attrayante aux yeux de parents-clients. Une école à coup sur moins égalitaire.
Vous craignez la marchandisation de l’école ?
Je me méfie des formules toutes faites. Et je sais bien que l’école actuelle ne marche pas parfaitement. Mais j’ai du mal à considérer que la mise en concurrence des écoles garantira un meilleur accès à l’éducation , surtout pour les plus démunis. Contre cela je désobéis.
Comment en êtes-vous arrivé à franchir ce pas ?
On est à peu près un millier dans ce cas. Jusque là on s’arrangeait en enseignant à notre façon dans notre coin, sans rien dire. Mais quand on a vu que quand on fait grève on n’est pas pris au sérieux, qu’on est méprisé même par le président de la République…
Quelle issue voyez-vous à votre affaire ?
L’idéal ce serait que le ministre nous écoute. Mais j’ai peu d’espoir. Je suis fidèle à mes convictions, à un métier que j’ai choisi. Je ne peux pas laisser faire. Il y a quelques mois je souhaitais démissionner. Ca aurait fait un acte fort. Mais j’ai préféré faire autre chose.
Votre acte est désespéré ?
Oui c’est un acte désespéré mais avec le secret espoir que les choses bougent. Face à moi il y a toute une administration avec une idéologie que je connais bien. C’est elle qui nous pousse à une course perpétuelle à la croissance. Je l’ai découverte durant mes études d’ingénieur. Si je suis devenu enseignant c’est justement contre elle…
Propos recueillis par François Jarraud