Par François Jarraud
« On ne peut prétendre lutter contre l’échec scolaire et saboter la formation des professeurs. On ne peut vouloir rétablir les conditions du « vivre ensemble » et « enseigner à tous les fondamentaux de la citoyenneté » en réduisant au minimum la formation pédagogique des maîtres ». Les propos sont à la hauteur du risque. Il se passe une chose simple : à travers la masterisation l’Etat abandonne la formation des enseignants au bon plaisir des universités. « J’imagine qu’elles recruteront les enseignants des IUFM » lache X. Darcos en conférence de presse. C’est vrai sur un sujet comme celui-là le ministre peut juste « imaginer »…
Xavier Darcos et Valérie Pécresse ont présenté le 2 juillet devant le conseil des ministres une communication sur la réforme du recrutement des enseignants.
« Le principe de concours nationaux est réaffirmé… La distinction entre le Capes et l’agrégation est maintenue » ont annoncé les ministres. Le concours aura lieu après l’obtention d’un master. » Tout étudiant inscrit en deuxième année de master ou ayant déjà validé celui-ci pourra donc se présenter aux nouveaux concours de recrutement ».
S’agissant de la professionnalisation, un sujet qui mobilise les formateurs, les ministres ont défini le contenu du concours et de la formation. « Les nouveaux concours comprendront trois types d’épreuves destinées à évaluer la culture disciplinaire, la capacité à planifier et organiser un enseignement et la connaissance du système éducatif…. Pour préparer les étudiants à leur futur métier, les universités proposeront des parcours de master qui devront comporter une prise de contact progressive et cohérente avec les métiers de l’enseignement. Elle pourra commencer au cours des études de licence et comprendre des stages d’observation et de pratique accompagnée en école, en collège et en lycée. Dès leur première année d’exercice, les lauréats des nouveaux concours seront mis en situation d’enseignement à temps plein avec l’aide et le soutien de professeurs expérimentés. Des actions de formation spécifiques leur seront offertes en dehors du temps scolaire. A l’issue de cette année, le professeur fonctionnaire stagiaire pourra être titularisé après avoir été inspecté ». On notera que les IUFM, réformés il y a un an seulement, n’apparaissent plus. Rayés du vocabulaire…
Enfin les ministres ont confirmé le calendrier : la première session du concours aura lieu en 2010.
Communiqué
http://www.premier-ministre.gouv.fr/chantiers/education_863/co[…]
L’avis de Philippe Meirieu
« Les épreuves des concours de recrutement seront organisées autour de trois types d’épreuves « destinées à évaluer la culture disciplinaire, la capacité à planifier et organiser un enseignement et la connaissance du système éducatif ». Où est la pédagogie là dedans ? Que fait-on des connaissances indispensables de psychologie de l’enfant et de l’adolescent, des apports de la sociologie qui permettent de comprendre certains aspects des difficultés scolaires des élèves ? Où est l’histoire des doctrines pédagogiques sans laquelle nous sommes condamnés à réinventer perpétuellement l’eau tiède ? Où est la philosophie de l’éducation et la réflexion éthique, le travail en équipe et avec les familles ? » Ancien directeur de l’IUFM de Lyon, co-auteur, avec Xavier Darcos, d’un ouvrage sur l’Ecole, Philippe Meirieu est un expert reconnu du système éducatif. Il livre ses impressions aux lecteurs du Café pédagogique.
Lire la tribune de P. Meirieu
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2008/07/PhilippeMe[…]
Les réactions syndicales
Les syndicats ont pris position sur cette déclaration gouvernementale. Le Sgen Cfdt » note, avec satisfaction, que les concours ne porteront pas sur la seule culture des disciplines » mais exprime son désaccord » sur les deux points suivants : la possibilité d’un prérecrutement au niveau licence n’est pas retenue ; l’entrée dans le métier à « temps plein » ne laisse aucune place à la poursuite de la formation ».
Le Snuipp est plus critique. Il y voit « la volonté du ministère de l’ Education Nationale de se désinvestir de la formation initiale des enseignants. Elles conduisent à supprimer une année de formation professionnelle rémunérée et surtout à économiser environ 11000 postes de professeurs d’école stagiaires ». Mais pour le Snuipp, ce projet met en danger la formation professionnelle. « L’existence des IUFM, le rôle des IMF (maitres formateurs) comme la dimension professionnelle de la formation sont complètement absents du projet gouvernemental. Dans ces conditions,… les critiques et les insuffisances de la formation actuelle risquent d’ être amplifiées par une « mastérisation » menée au pas de charge et qui privilégierait les connaissances académiques… Le SNUipp rappelle qu’enseigner est un véritable métier qui s’apprend. Une bonne formation d’enseignant doit conjuguer la maîtrise des savoirs disciplinaires et professionnels en s’appuyant sur la recherche ».
Et puis il y a des inquiétudes immédiates : « La disparition de l’année de formation professionnelle à l’IUFM se traduira-t-elle par une forte baisse du nombre de postes au concours 2009 des professeurs des écoles? Comment les stages de Formation continue et les décharges de direction actuellement effectués par les stagiaires seront-ils assurés à partir de 2010 ? Quel avenir pour les maîtres-formateurs ? » En conséquence, le Snuipp demande un débat public et un moratoire sur cette mesure.
Le Snes n’avait pas fait connaître son opinion mercredi soir.
Sur le Café le dossier formation des enseignants
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/ReformeFormation.aspx
La Saint-Barthélémy des pédagogues
» On ne peut prétendre lutter contre l’échec scolaire et saboter la formation des professeurs. On ne peut vouloir rétablir les conditions du « vivre ensemble » et « enseigner à tous les fondamentaux de la citoyenneté » en réduisant au minimum la formation pédagogique des maîtres. On ne peut préparer l’avenir en ignorant l’héritage du passé et les acteurs du présent ! Le risque est grand de payer nos errances d’aujourd’hui par des convulsions et des explosions scolaires incontrôlables ». Jean-Louis Auduc, Rémi Brissiaud, Sylvain Grandserre, Philippe Meirieu et André Ouzoulias, bien connus de nos lecteurs, signent dans Le Monde une tribune au titre effrayant.
C’est qu’il y a de quoi se faire du souci : pour eux la réforme de la formation des enseignants, en supprimant la formation professionnelle, va envoyer au casse-pipe de jeune sprofs.. et leurs élèves. « Comment peut-on imaginer envoyer ainsi des professeurs débutants, sans préparation sérieuse, dans des collèges où les élèves, chauffés à blanc par la frénésie consommatrice, ont de plus en plus de mal à fixer leur attention… ou même dans des lycées qui exigent, aujourd’hui, une vraie formation pour faire face à des adolescents et de jeunes adultes qui n’entrent pas de plein gré dans les contraintes scolaires ? Et comment formera-t-on les étudiants qui se destinent à l’enseignement primaire ? S’agira-t-il d’un approfondissement dans la discipline de la licence, de compléments de formation dans les autres disciplines ou d’un cursus centré sur la pédagogie ? Imagine-t-on laisser différentes formations coexister ? Si c’est le cas, nous nous retrouverons devant un corps enseignant émietté et une école sans unité ».
Pour eux, « le recrutement par concours cinq années après le baccalauréat interdit la mise en place d’une véritable formation en alternance. Au moment où cette dernière est plébiscitée dans de nombreux domaines, l’éducation nationale, toujours à la pointe du progrès, la supprime. Quelques modules de pré-professionnalisation au cours des études suffiront : réfléchir sur ses pratiques, alterner modèles théoriques et réflexion sur la prise de décision, inscrire l’entrée en fonction dans une dynamique professionnelle : voilà qui est bon pour les mécaniciens, les ingénieurs, les médecins… mais pas pour les professeurs ! » Ils dénoncent dans la suppression des IUFM » l’affirmation implicite que le métier d’enseignant n’a nul besoin d’être nourri par la recherche ».
Article du Monde
http://www.lemonde.fr/opinions/article/2008/07/03/une-saint-bart[…]
Sur le Café, le dossier formation
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/ReformeFormation.aspx
Formation des maîtres : Pour Jean-Louis Auduc, on tourne le dos aux besoins
« La communication au conseil des ministres du 2 juillet 2008 concernant le recrutement et la formation des enseignants est surtout révélatrice par ses silences des logiques choisies dans ce domaine » nous confie Jean-Louis Auduc, directeur adjoint de l’IUFM de Créteil, en réaction à l’annonce faite au conseil des ministres le 2 juillet.
« Les IUFM ne sont pas cités, ce qui semble signifier que toute une série de compétences professionnelles portées par les formateurs de ces écoles professionnelles sont totalement niées pour la construction des conditions de formation des futurs enseignants.
Les stages en établissement ne sont pas présentés comme obligatoires et évalués, ce qui pose clairement la possibilité que des enseignants puissent être recrutés sans jamais s’être confrontés aux réalités de l’exercice de ce métier.
La présentation des épreuves du concours ne comporte pas l’annonce d’épreuves orales professionnelles. Cela semble clairement indiquer que, globalement, les concours de recrutement continueront d’être tournés vers l’amont, c’est-à-dire vers la vérification de savoirs déjà validés à l’Université, et non vers l’aval , c’est-à-dire vers le métier qu’on veut exercer.
Ce projet de recrutement et de formation des enseignants est contraire à tous les modèles européens de formation des enseignants basés sur une véritable alternance entre l’exercice sur le terrain, les apports disciplinaires et des moments d’analyse des pratiques professionnelles.
En refusant de se poser la question de la préparation des enseignants à la diversité des situations d’exercice et des publics scolaires, ce projet tourne le dos aux besoins de notre système éducatif qui doit se fixer comme horizon la réussite de tous les élèves ».
Sur le Café, JL Auduc sur la formation
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/formation_auduc.aspx
Sur le Café, L’Expresso du 3 juillet
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2008/07/03072008Acc[…]
Les IUFM veulent des masters nouveaux et adaptés au métier d’enseignant
Pour la Conférence des directeurs d’IUFM (CDIUFM) la précipitation avec laquelle est réformée la formation des enseignants est mauvaise conseillère. Dans un communiqué, la CDIUFM pose la question de l’avenir des candidats aux concours de 2010. Surtout, elle craint de voir reçus au nouveau master des professeurs des écoles « à qui l’on confie des élèves, sans aucune réelle formation professionnelle et plus encore sans avoir eu, au préalable, aucun contact avec des élèves dans une classe ».
Elle propose « la création de masters visant les professions enseignantes, respectant pleinement le référentiel des dix compétences produit par l’employeur, tout en satisfaisant l’impératif d’un adossement à la recherche. Certains de ces masters pourront être des adaptations, ou des spécialités nouvelles de masters existants. Mais les plus nombreux d’entre eux ne pourront être que des masters radicalement nouveaux, tant il est vrai que les masters existants peuvent être mis en relation avec quelques disciplines enseignées dans le secondaire mais que la grande partie des enseignants du primaire, de l’enseignement technologique, de l’enseignement professionnel, des documentalistes, des conseillers principaux d’éducation,… ne trouvent pas aujourd’hui leur place dans ces masters existants ».
Pour finir, la Conférence des directeurs d’IUFM rappelle « que les IUFM ont capitalisé et peuvent mobiliser de nombreuses compétences en matière de formation professionnelle des enseignants. Ainsi les IUFM entendent prendre toute leur place dans les futurs masters à construire et mettre tout en œuvre pour que cette réforme soit un réel progrès dans la formation initiale des enseignants ».
De nouveaux IUFM ont adopté des motions sur la réforme. Ainsi à Lyon, le Conseil d’Ecole de l’IUFM se réjouit du soutien de l’Université Clade Bernard Lyon 1 et demande une formation professionnelle des enseignants. Un thème qui sera aussi abordé lors de la table ronde organisée par l’IUFM de la Charente le 4 juillet.
Communiqué
http://www.iufm.fr/portail/lettre-information/lettre23-special.html
Sur le Café, le dossier formation
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29 organisations demandent une véritable formation professionnelle des enseignants
» Enseigner est un métier qui s’apprend, il nécessite une formation, initiale et continue, disciplinaire et professionnelle de haut-niveau, en lien avec la recherche. Elle doit se dérouler dans le cadre d’une véritable alternance théorie-pratique, en relation avec les établissements scolaires. L’entrée dans le métier doit être progressive, accompagnée par des équipes de formateurs qualifiés ». 29 organisations représentant les enseignants du secondaire et du supérieur, les chefs d’établissement, les inspecteurs, les lycéens et les étudiants (FERC/CGT – FSU – SGEN/CFDT – UNEF – UNL – UNSA Éducation SNEP/FAEN – SNCL/FAEN – UNSENCGT – FERC SUP/CGT – SNPEFP/CGT – SNTRS/CGT – SEPIDOP/CGT – A&I/UNSA – SEA – SE/UNSA, SIEN, SNPDEN, SNPTES/UNSA – SUP’RECHERCHE – SNASUB/FSU – SNES/FSU – SNEP/FSU – SNESUP/FSU – SNETAP/FSU – SNPI/FSU – SNUIPP/FSU – SNUEP/FSU – SNUPDEN/FSU) « dénoncent la disparition des IUFM » et la masterisation.
« La « mastérisation » annoncée ne saurait servir de prétexte à des dégradations des contenus de formation » déclarent-elles. « Les organisations considèrent comme une régression l’annonce d’une formation professionnelle réduite à un simple compagnonnage ». Elles demandent « une véritable concertation ».
Communiqué
http://www.snuipp.fr/spip.php?article5654
Sur le Café, dossier formation
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/ReformeFormation.aspx
34 organisations appellent à des Etats généraux de la formation le 4 octobre
34 organisations (CEMEA, Ligue de l’Enseignement, CRAP Cahiers Pédagogiques, ICEM pédagogie Freinet, Jeunesse au Plein Air, FOEVEN, GFEN, FCPE, FSU, UNSA Education, SGEN CFDT, FERC CGT, UGICT, Sud Education – UNEF, etc.), des personnalités (Jean Louis Auduc – Stéphane Bonnery – Rémi Brissiaud – Jacques Fijalkow – Philippe Joutard – Claude Lelièvre – Philippe Meirieu – André Ouzoulias etc.) appellent à des Etats Généraux sur la formation des enseignants le 4 octobre à Paris.
Elles proposent « d’organiser des Etats Généraux de la formation des enseignants samedi 4 Octobre à la Sorbonne pour faire émerger des propositions ».
L’appel