Par François Jarraud
Championne du monde du redoublement avec 38% d’élèves ayant au moins redoublé une fois, la France sera-t-elle capable un jour de s’occuper efficacement des élèves en difficulté ?
Alors que les conseils de classe rendent leur verdict, la question du redoublement est revenue sur le devant de la scène le 29 mai. Selon RTL, l’éducation nationale demanderait aux chefs d’établissement de diminuer le taux de redoublement de façon à récupérer des moyens. La radio cite des exemples précis où des taux sont assignés à des établissements niveau par niveau. Des exemples guère surprenants : depuis des années les académies et les établissements ont inscrit dans leurs objectifs officiels la réduction du taux de redoublement et il est assez logique que l’inspection académique suive de près les évolutions. Cette politique marque des points puisque le taux a effectivement beaucoup baissé.
D’autant plus remarquable est la réaction de Xavier Darcos. Il a aussitôt démenti ces propos affirmant que « aucune consigne n’a été donnée aux chefs d’établissement concernant le redoublement ». Ce faisant il a formidablement renforcé cet étonnant tabou de notre système éducatif.
Car la question de l’inefficacité du redoublement ne se pose plus. De nombreuses études l’attestent. Ainsi T. Troncin établit que » à niveau initial égal, les élèves faibles qui passent en CE1 progressent mieux que les élèves faibles qui sont maintenus au CP. Les redoublants de CP vont progresser la deuxième année, certes, mais restent fragiles dans les domaines où ils étaient fragiles, et ne rattrapent pas la moyenne de la classe ». Pour D. Meuret, « en règle générale, à l’école et au collège, le redoublement s’avère peu équitable et inefficace du point de vue des progrès individuels des élèves. Il affecte négativement la motivation, le sentiment de performance et les comportements d’apprentissage de ceux-ci et les stigmatise : à niveau égal en fin de troisième, les élèves « en retard » obtiennent de moins bonnes notes que les élèves « à l’heure », sont moins ambitieux que ceux-ci et sont plus souvent orientés en filière professionnelle. En outre, les comparaisons internationales montrent que le redoublement est inefficace du point de vue des résultats d’ensemble des systèmes éducatifs ».Pour lui le redoublement ne peut se justifier qu’en classe d’examen ou dans le cas d’élève momentanément perturbé. En tous cas, les pays qui n’utilisent pas le redoublement ont souvent de meilleurs résultats scolaires.
Malgré tout le redoublement perdure. Il est très coûteux. Et pourtant ceux –là même qui proclament la chasse aux économies, ne font rien pour en réduire le poids. Alors même que son efficacité est contestée, il semble ne pas en être affecté. Comment expliquer ce paradoxe ? Hugues Drealants (Girsef) a avancé plusieurs hypothèses. Pour lui le redoublement serait défendu par les enseignants car il permettrait de « réguler l’ordre dans la classe ». Il serait un des derniers pouvoirs d’une profession qui revendique une certaine autonomie par rapport au monde extérieur. Il permettrait également d’exercer un tri social, parfois très tôt.
Il y a pourtant urgence à le remplacer. Son inefficacité se lit dans les résultats des enquêtes internationales PISA. Elles montrent que le score médiocre de la France est du au faible niveau des redoublants. Entre ces 15% d’élèves très faibles et les autres, plutôt bons, le fossé ne cesse de se creuser. La faiblesse du système éducatif français c’est qu’il n’arrive pas à proposer une autre solution à ses élèves.
Quels obstacles empêchent d’en finir avec le redoublement ? Visiblement la réactivité ministérielle montre que le problème est d’abord politique. Alors qu’il est abandonné avec profit dans les pays développés, le redoublement est défendu par les milieux réactionnaires qui y voient un outil efficace de sélection sociale ou plutôt de reproduction sociale. Très influents dans l’UMP ils viennent d’obtenir de Darcos des programmes du primaire qui méprisent les cycles et le maintiennent. Mais la question est aussi pédagogique. Si le redoublement ne règle généralement pas les difficultés des élèves, le supprimer ne les fait pas pour autant disparaître. Il faudrait donc être capable d’accompagner individuellement les élèves, comme on le fait en Finlande par exemple, dès qu’un problème est détecté. Et là on retrouve l’incapacité des gouvernements à mettre en place une réelle politique prioritaire qui pourtant pourrait trouver dans la suppression du redoublement les moyens financiers qui lui manquent.
Bienheureux redoublement ! Tu es celui qui arrête le char du progrès éducatif. Tu es celui qui maintient les inégalités sociales qui fondent la société. Tu sépares les « de souche » des autres. Tu es la colonne qui soutient le système élitiste. Tu fais finalement les ministres. Bref, tu es néfaste aux petits mais ô combien utile.
Le démenti
http://www.education.gouv.fr/cid21370/dementi-sur-le-red[…]
Sur RTL
http://www.rtl.fr/fiche/125506/limitation-des-redoub[…]
Le redoublement contesté par l’OCDE
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2006[…]
Sur le Café, le redoublement utile ?
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/05042007Redou[…]