« L’enseignement secondaire traverse depuis plus d’un demi-siècle une crise grave qui n’est pas encore, il s’en faut, parvenue à son dénouement. Tout le monde sent qu’il ne peut pas rester ce qu’il est, mais sans qu’on voie encore avec clarté ce qu’il est appelé à devenir ». C’est ce qu’écrivait Durkheim en 1904. Mais ces phrases ont une étonnante actualité.
Certes c’est au nom de cette nécessité de réforme que le gouvernement fait passer des textes qui parfois, comme les programmes du primaire, sentent bon la contre-réforme. Mais à coup sûr rien ne serait pire que ne pas entendre les enseignants, les parents et les élèves qui appellent à une refonte de l’Ecole.
C’est dans cette perspective que nous avons cru nécessaire de faire ce dossier sur le jeu. D’abord pour réaffirmer l’importance de la motivation, et même du plaisir, en éducation. Nous ne croyons pas au Café aux saintes vertus de l’ennui, chantées par au moins un ministre, à la valeur formatrice de l’obéissance passive, à la supériorité du zombie sur l’homme libre.
Ensuite parce que, à certaines conditions, le jeu peut s’avérer un bel auxiliaire d’enseignement. C’est vrai de jeux traditionnels, par exemple de plateau. C’est aussi vrai pour certains jeux vidéo comme Julian Alvarez l’explique dans ce numéro. Il nous montre les conditions pédagogiques à mettre en œuvre et particulièrement l’importance de l’enseignant. C’est sa participation qui va faire la valeur pédagogique du jeu.
Le jeu vidéo a une autre qualité rare c’est sa capacité à captiver les jeunes. Idriss Aberkane en analyse précisément les ingrédients. Sa leçon nous fait découvrir des fonctionnements du cerveau qui peuvent être utilisés dans des situations plus classiques d’enseignement. Le jeu vidéo a aussi de la valeur parce qu’il nous apprend de nous.
Mais je lui trouve un dernier avantage. Les jeux vidéos sont bâtis sur des scénarios où la difficulté va croissant. Pourtant ils sont aussi conçus pour que tous les joueurs puissent les terminer. C’est à sa façon un rappel du primat de l’éducabilité.
Il faut le rappeler parce que le système éducatif français est plutôt construit sur l’affirmation du contraire. Si davantage de candidats passent le bac avec succès automatiquement on pense que le niveau du bac baisse. Les débats ici tournent vers la nécessité de « remonter le niveau », de filtrer et d’orienter de plus en plus tôt. On se soucie du niveau en orthographe de nos élites et on leur inflige des dictées. A vrai dire là aussi ce n’est pas un phénomène nouveau. Pourtant les préoccupations devraient être inversées. Les seules qui tiennent c’est comment permettre à plus de jeunes d’avoir un bac, comment augmenter le pourcentage de jeunes très qualifiés.
Peut-être que cette recherche d’efficacité passe par un usage éclairé du jeu en classe. L’équipe du Café vous en offre des exemples dans de nombreuses disciplines. Faites vous plaisir !
François Jarraud