Publié le 28 janvier, le rapport de l’ONS a mis en cause le triste état des toilettes scolaires, responsable de stress et de maladies urinaires chez de nombreux élèves. Le problème est ancien. Les parents de la FCPE, les pédagogues comme Philippe Meirieu ont déjà dénoncé la situation. Sylvain Grandserre, professeur des écoles, montre très concrètement que des solutions existent et aussi que la question interroge l’Ecole plus globalement.
Ces jours-ci, ont été rendues publiques les conclusions d’une enquête de l’ONS (Observatoire National de la Sécurité) sur l’utilisation des toilettes dans les écoles élémentaires. Le constat est alarmant, parfois même accablant : toilettes sales, sans papier, nauséabondes, difficiles d’accès, lieux inquiétants, mal éclairés et mal équipés où l’intimité n’est jamais garantie. Du coup, la moitié des élèves affirment se retenir inutilement, ce qui n’est pas sans conséquence sur le plan médical : constipation, mal-être, énurésie, mais aussi infections urinaires touchant un enfant sur cinq !
Si l’aspect purement matériel de cette question concerne au premier chef les communes chargées de la construction, de la rénovation et de l’entretien de ces toilettes, il faut bien reconnaître qu’une autre dimension insuffisamment traitée se retrouve ainsi mise en exergue, celle plus générale de la libre circulation des élèves.
S’agissant du libre accès aux toilettes, on peut penser que la principale crainte des enseignants concerne les possibilités d’accidents. Effectivement, le rapport nous apprend que le risque n’est pas nul mais n’a représenté en tout que 340 cas l’an dernier. Plus intéressant encore, on s’aperçoit que ceux-ci diminuent avec l’âge et qu’ils ont de toute façon lieu en grande majorité aux heures autorisées d’accès. Ce sont les portes qui provoquent le plus de blessures dans des locaux parfois étroits, glissants, où l’on peut facilement se bousculer. Dans 15 cas, il a tout de même fallu recourir à une hospitalisation de l’élève. Mais on le voit, ce seul aspect des choses ne suffit pas à expliquer la mauvaise gestion de cet accès pourtant bien nécessaire.
En réalité, l’autre grande crainte des enseignants concerne le risque supposé d’abus d’utilisation de ces toilettes. Bien entendu, il semble évident qu’il est moins grave de voir un élève aller une fois de trop (?) aux toilettes plutôt que de lui provoquer une infection urinaire ou une fuite en public. D’ailleurs, peut-on parler « d’accident de culotte » quand c’est le règlement qui est inadapté aux besoins des enfants ? Et puis, on pourrait étendre la réflexion en se demandant ce qui pousse alors tant d’élèves à préférer flâner dans les couloirs plutôt qu’à suivre leurs cours… Visiblement, de la vessie à la tête, elle est grande la nécessité de faire le vide dans la journée !
Pour ma part, et dans une structure marginale il est vrai d’une école à une seule classe, j’ai opté depuis longtemps pour le libre accès aux toilettes. Toutefois, quand cela risquait de dégénérer (classe de trente élèves de 8 à 11 ans l’an dernier), j’ai simplement ajouté une liste des élèves sur la porte et demandé, à chaque fois qu’un élève allait aux toilettes pendant la classe, qu’il mette une croix devant son prénom. Il n’y avait ni sanction ni interdiction, simplement la prise de conscience par chacun de la nécessité d’essayer de se rendre aux toilettes aux moments prévus pour ça. Cela permet aussi de rappeler discrètement à un enfant qui n’anticipe pas suffisamment qu’il doit penser à se rendre autant que possible aux sanitaires sur le temps de récréation tel que le veut l’usage mais aussi le bon déroulement de l’activité scolaire. Notons au passage que sur certaines plages horaires (plan de travail ou travail individualisé), un élève se rendant aux toilettes ne dérange personne.
La question était d’autant plus importante que j’ai par le passé accueilli pendant deux ans une élève qui souffrait d’une malformation et d’incontinence et qui devait justement apprendre à gérer ce problème. Cela lui a été d’une grande utilité avant l’entrée au collège et elle n’a rapidement plus eu besoin de personne pour se débrouiller. D’une manière générale, on observera qu’Il suffit parfois de savoir qu’on aura le droit d’aller aux toilettes pour ne plus être stressé par cette question… et donc ne plus en avoir envie !
Il semble donc que cette question de l’accès aux sanitaires doit d’urgence attirer l’attention des enseignants et des équipes de direction mais devrait s’inscrire dans une réflexion plus globale sur la circulation des élèves dans les établissements. Depuis longtemps, diverses pratiques pédagogiques organisent progressivement celle-ci sans risque : « passeports », « permis à points », « ceintures de comportement » et autres outils qui permettent l’exercice de la liberté, de la responsabilité et de l’autonomie. Tout ceci ne pouvant se généraliser sans une évolution de la législation dans les écoles, espérons que le bon usage de ce droit légitime provoquera des réactions jusque dans les cabinets du Ministère.
Sylvain Grandserre
Sylvain Grandserre est professeur des écoles. Son dernier livre « Ecole : droit de réponse(s) » a obtenu le prix Louis Cros.
Sur l’ouvrage :
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lemensuel/laclasse/Pages/200[…]
Liens :
Sur le Café, l’enquête de l’ONS
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Sur le Café, « Derniers jours de l’enquête sur les sanitaires scolaires »
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/0606200[…]
Sur le Café , « L’humiliation au quotidien »
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Surle Café , « La santé à l’école »
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