FASPE, Genève
Dans
les années 80, praticiens et chercheurs divergent. Fouchambert et
Charmeux sont le modèle dominant chez les formateurs.
« Pourtant, on sait depuis 80 que l’influence du contexte est faible
chez les bons lecteurs en 4e année de curriculum, que l’identification
de tous les mots est très importante, que la conscience phonologique
est positivement corrélée avec l’apprentissage de la lecture ».
Dès
cette époque, L. Rieben sent qu’il faut essayer de faire connaître ces
recherches (publication de l’apprenti lecteur en 1989), et aider les
enseignants à travailler à la fois sur le sens et le code, y compris
dans des situations complexes, en refusant de jeter le bébé avec l’eau
du bain : les acquis positifs de Charmeux et Foucambert). C’est ainsi
qu’elle adapte, dans l’école avec qui elle travaille, une démarche
inspirée des pratiques d’une enseignante française, Christiane Clesse.
Le « texte de référence » est une séquence en plusieurs phases :
expression orale et hypothèses à partir de l’album illustré, puis
lecture par l’enseignante, élaboration du «texte écrit de référence»
(dictée collective à l’adulte de l’histoire revue par la classe, y
compris en intégrant les informations des images), dessin individuel
d’un épisode, puis écriture du commentaire du dessin à partir d’outils
(texte de référence, listes…).
Mais
de cette époque, elle se souvient que les enseignantes sont encore très
réservées sur le passage précoce à l’écriture…
Dans
les années 90, les deux secteurs se rapprochent : ce qu’on peut lire
chez les chercheurs se rapproche des pratiques pédagogiques : « les dogmatismes tombent, on
peut s’intéresser au décodage dans être accusé de revenir en arrière »
écrit Gombert. On différencie l’adulte lecteur et l’apprenant, on
réfléchit sur la place de la langue orale, on s’intéresse aux
situations réelles de classe, aux relations entre lecture et écriture :
doit-on d’abord apprendre à lire pour écrire, ou au contraire les deux
apprentissages sont-ils concommitants ? «
Nous avons mieux mesuré que la production d’écrit permettait à l’enfant
de réaliser que l’écrit code l’oral, mais aussi de prendre conscience
de la segmentation, ou de motiver l’apprentissage par la production ».
Mais
on commence aussi à travailler sur les différences interindividuelles :
au-delà des moyennes, l’écart entre les performances des élèves devient
sujet de réflexion, certains élèves qui ne progressant que
très
marginalement au cours de leur cycle d’apprentissage… « On s’est
intéressé aux différentes « manières de faire » des élèves en train
d’apprendre à écrire les mots en s’appuyant sur un texte de référence :
copie aveugle, localisation dans le titre ou dans le texte, indices
grapho-phonémiques, copies voulues. Ce sont autant d’étapes dans un
cheminement évolutif au cours du temps. »
Mais qu’est-ce qu’une méthode ?
Début
2000, on commence à disposer de méta-analyses permettant de comparer
les résultats des différentes méthodes, ou de mieux savoir ce que les
élèves comprennent réellement… «
On
a montré, essentiellement dans les études anglophones, l’effet positif
de l’enseignement de la conscience phonémique (ou phonique) sur la
lecture, l’orthographe et la compréhension. Mais les récentes études
randomisées (dans lesquelles on tire au sort les classes sans tenir
compte du volontariat ou de l’engagement de l’enseignant) ont cependant
montré qu’il y avait pas d’effet de supériorité des méthodes phoniques
sur la compréhension, ni d’écart significatif entre les méthodes
phoniques synthétiques et les méthodes phoniques analytiques… »
Pour
la chercheuse suisse, un champ est donc encore à défricher… ne
serait-ce que pour définir exactement ce que sont les « méthodes »,
au-delà des oppositions binaires qui ne veulent rien dire. «
C’est à dire en regardant toutes les composantes de ce qui se passe
dans les classes sous l’angle de plusieurs dimensions : relation
oral/écrit, sens du traitement de l’information (analyse/syntaxe),
poids qu’on done au travail sur les graphèmes, situations didactiques
(exercices/complexes), relation lecture/écriture… Bref, développer des
modèles d’ensemble et non des composantes isolées… »
Pour
elle, c’est la nature du système d’écriture devrait être au coeur du
débat sur l’enseignement de la lecture: «
l’enfant doit apprendre comment le système d’écriture de sa langue
fonctionne, comment on passe de l’oral à l’écrit, et inversement. Et
les spécificités de la langue françaises sont telles qu’on ne peut pas
se contenter de traduire les études anglo-saxonnes. Toutes ces
orientations nécessitent une augmentation massive des crédits de la
recherche, la mise au point de programmes internationaux francophones,
la participation institutionnellement admise des enseignants à la
recherche… Tout un programme… »