Le conseil de classe : la place du CPE
Le conseil de classe : un rite initiatique uniquement ?
Bientôt, tous les établissements vont se sacrifier à l’un des rituels qui ponctuent leur vie : le conseil de classe. Cette instance se contente-t-elle d’être formelle ? Joue-t-elle un rôle prééminent dans le bilan des compétences, des connaissances, des résultats et performances des élèves ? Est-elle déterminante dans la décision d’orientation de nos chères têtes blondes ? Est-elle, peut-elle une instance de pilotage de l’établissement ? On pourrait en débattre longtemps de ces problématiques.
On pourrait aussi débattre longtemps des enjeux et des jeux qui se croisent, qui se forment, on pourrait débattre des accords implicites ou explicites, des liens qui se nouent et se défont, on pourrait débattre de la place du pouvoir, de l’autorité dans cette instance ?. L’élève occupe-t-il toujours le rôle central, le conseil de classe se préoccupe-t-il toujours de son intérêt supérieur, ou est-ce une instance où certains adultes monopolisent la parole, viennent déguster leur pouvoir, où des règlements de comptes entre les membres d’une même équipe pédagogique se règlent . Quelle place pour les représentants des parents d’élèves ? Quelle place pour les délégués élèves ? Quelle place pour l’éducatif tant la pédagogie tend à phagocyter le reste ? le conseil de classe ne juge-t-il que les résultats ou peut-il se permettre de faire un bilan général, en incluant la situation comportementale, médicale ou sociale de l’élève ?
Autant de questionnements qui mériteraient de faire l’objet d’un vaste débat pour dépoussiérer et donner à cette instance sa juste place. Mais il est vrai que la personnalité, le charisme, les compétences de son président influent beaucoup sur le déroulement du conseil de classe. Il est vrai aussi que la politique de l’établissement joue, elle aussi, un rôle déterminant dans la conduite, dans « la prise de décision » du conseil de classe.
Mais quelle est au juste la place du conseiller principal d’éducation ?
Doit-il y assister ? C’est une question qui ne semble plus faire l’objet de débats, les textes ont institué la reconnaissance de la participation du CPE au conseil de classe. Et, ils sont rares les établissements où les CPE sont vécus comme des intrus ou encore comme des bêtes curieuses lorsqu’ils osaient participer au conseil de classe. Comme il est révolu le temps où les CPE pouvaient y assister mais en se taisant.
A quel titre le CPE participe-t-il au conseil de classe
S’il se contente de communiquer, ou d’informer le conseil de classe des retards ou des absences, voire des incidents survenus pendant le trimestre, s’il se contente d’éclairer ses collègues en apportant sa connaissance « disciplinaire » des élèves, il est évident que sa place reste à conquérir. Le CPE doit participer au conseil de classe en ayant une vision de pédagogue, au sens où il accompagne scolairement, disciplinairement l’élève. Il est pédagogue parce qu’il a une vison systémique, il conseille, propose, initie, reçoit, organise la vie scolaire et participe au projet personnel et professionnel de l’élève. Il a la chance de pouvoir rencontrer ceux qui font la vie de l’élève : enseignants, parents, éducateurs, il ne peut se contenter de donner des chiffres. Il doit investir le conseil de classe en pédagogue. Il ne faut pas confondre pédagogie et didactique, pédagogie et enseignement. La pédagogie ne se limite pas ni à la didactique ni aux enseignements, elle détermine aussi les conditions d’apprentissages et de réussite des élèves. Et dans ce sens élargi, le CPE y trouve toute sa place. Le problème est que le CPE ne peut pas participer à tous les conseils de classe, surtout quand il exerce seul dans l’établissement. Et la question des critères de choix des classes se pose de façon criante.
Comment doit-il s’y prendre pour une participation efficace au conseil de classe ?
Le CPE doit savoir agir en amont et en aval du conseil de classe. En amont, en mettant en place des dispositifs et des outils pour avoir une vue globale des élèves, de tous els élèves, les meilleurs comme ceux qui ont des comportements addictifs. D’où l’importance des réunions de suivi hebdomadaires ou par quinzaine avec les services médico sociaux, avec le ou la COP , d’où les rencontres avec les professeurs principaux en échanges individuels et/ou par divisions, en organisant les entretiens avec les élèves, pas seulement avec les « difficiles », en mettant en œuvre des fiches, des moment d’échanges avec tous els élèves (fiches de renseignements à la rentrée, suivi absentéisme, rencontre avec les exclus de cours …), en recevant les délégués de classe, en investissant les heures de vie classe, etc….
Le CPE doit faire preuve de vigilance, il doit savoir mobiliser son équipe, la former, et évaluer les dispositifs mis en place. Il sera vigilant à l’élève qui ne mange pas à la cantine, qui est agité, qui est anorexique, qui refuse de travailler, qui est meneur, qui est effacé, qui se fait remarquer. Il sera vigilant de la santé physique, mentale, de l’intégrité, des difficultés sociales mais aussi il sera vigilant des élèves discrets, bons, excellents, qui ne font pas parler d’eux, ou du moins qui tentent de se faire remarquer par leurs résultats. Le regard, l’écoute, l’empathie mais aussi la personnalité, la fermeté, l’autorité (et non l’autoritarisme) du CPE déterminent sa place, sa reconnaissance au sein de l’établissement (de ses pairs et de ses élèves).
La présidence des conseils de classe par le CPE
Débat titanesque s’il en est entre les membres de cette catégorie professionnelle. Débats permanents parce que l’identité et la posture professionnelles sont floues. Certains pensent que le CPE perd son âme en présidant, il n’est pas le supérieur hiérarchique des enseignants et donc à quel titre serait-il habilité à se prononcer sur les résultats. A quel titre évaluerait-il ? D’autres, au contraire, défendent la présidence du conseil de classe comme une marque de reconnaissance de la direction qui délègue, ils sont convaincus que la légitimité provient aussi de la reconnaissance des pairs, de la personnalité et de la capacité (de diplomate) à faire face à la conduite et à la gestion délicate d’un conseil de classe.
Il est vrai qu’il peut y avoir ambiguïté dans la mesure où le CPE en tant que président ne peut assumer à la fois son rôle de CPE ? Comment sortir de cette impasse ? Plusieurs solutions restent possibles si le CPE veut assurer la présidence. Il la fera en relation étroite avec les professeurs principaux en amont, en déléguant son rôle à un(e) assistant (e) d’éducation.
La formation des délégués pour une meilleure participation au conseil de classe
Là aussi le travail du CPE est primordial en amont. S’il veut que les délégués puissent participer, prendre la parole, prendre des notes, savoir rendre compte à la classe, s’il souhaite que les délégués s’impliquent dans leur conseil de classe sans être pris pour cible, pour des frondeurs, « des empêcheurs de tourner en rond », des contre-pouvoirs, la formation des délégués est indispensable avant et après. Une formation ciblée peut permettre de relever temporairement le défi mais il vaut mieux une formation complète (il existe une banque d’outils inépuisables sur la formation des délégués et des organismes habilités à la dispenser si besoin). Conduire une réunion avec sa classe, se faire l’interprète de ceux que l’on représente, savoir communiquer une information, recueillir les doléances, savoir transmettre une information privée sans trahir le devoir de discrétion, tout cela s’apprend. Ce n’est point évident pour nous adultes, il l’est d’autant plus pour des jeunes de 10 à 20 ans. Surtout lorsqu’ils remplissent pour la première fois ce rôle de délégué de classe.
Les conseils ne constituent pas seulement des rites formels, ils peuvent être révélateurs de crise surtout qu’ils se déroulent à un moment où la fatigue, l’angoisse emparent chacun des acteurs et que le temps ne prête pas à une humeur d’excellente qualité. Mais ils doivent surtout servir à faire le bilan global d’un trimestre pour chaque élève. Et nous devons avoir qu’une préoccupation : l’élève. Et dans ce cadre le CPE trouve naturellement toute sa place.
Gardy BERTILI