Par François Jarraud
Les livres du mois : Meirieu et la télévision, L’intelligence de l’enfant, la communauté éducative etc.
Une autre télévision est-elle possible ?
La télé et l’école peuvent-elles se réconcilier ? Philippe Meirieu pose la question dans un petit livre vif, ardent, incisif avant d’inviter ses lecteurs à agir.
Ecoutons le réquisitoire. « La télévision bafoue le droit à l’éducation. Elle le fait… en diffusant sans précaution des images que les enfants ne sont pas prêts à recevoir : plus encore que le la violence…,plus encore que le sexe… c’est la vulgarité et la bêtise qui traumatisent les enfants ». Or, rappelle le pédagogue, les jeunes de 4 à 14 ans passent en moyenne 850 heures par an devant la télé, soit autant qu’à l’école. Voilà pour les enfants. Mais cet abrutissement ne réussit pas plus aux adultes. Invité assez souvent sur les plateaux télé, P. Meirieu est bien placé pour critiquer les caricatures de débats que l’on sert aux téléspectateurs. Et, pour une fois, il « balance » : Durand, Chabot, Ruquier en prennent pour leur grade. « Pas de message, du spectaculaire. Pas de nuances, du pugilat bien orchestré ». Ajoutons-y aussi une bonne dose de servilité envers les puissants du moment. Mais le pire c’est finalement le vide de la télé. « La télévision… propose de nombreuses émissions sur les animaux de compagnie,les chevaux,l’automobile,le jardinage, la cuisine… mais rien sur les problèmes des parents face à l’émergence de la liberté de leurs enfants, rien sur l’école ».
Peut-on sauver la télé ? « Les gens comme moi devraient renoncer définitivement à fréquenter le milieu de la télévision » nous dit P. Meirieu. Mais c’est un homme de télévision qui parle. P.Meirieu est responsable pédagogique de la chaîne de télévision lyonnaise pour l’éducation Cap Canal, « une chaîne qui témoigne qu’une autre télévision est possible ». Une chaîne qu’il présente comme « pirate » dans le paysage audiovisuel français, qui donne à voir, réfléchir, comprendre pour les écoliers,les adolescents et leurs parents. Mais voilà, Cap Canal n’est reçu que dans une partie de la région Rhône-Alpes.
Le salut ne peut-il être qu’individuel ? Faudrait-il alors que chacun construise son « cap canal » local pour obtenir une télé de qualité ? P. Meirieu propose des issues réglementaires. Il invite à développer des télés qui débattent des projets locaux et remettent la citoyenneté à l’honneur. Et il demande à « repenser le CSA ».
Et si on la faisait cette télé ? Au Café, on a tendance à dresser un diagnostic pire encore. Comme P. Meirieu nous pensons que les possibilités de développer un discours raisonnable sur l’Ecole à la télévision sont quasiment nulles. Les grandes chaînes de télévision appuient les discours les plus réactionnaires sur l’école, bidonnent l’information, fabriquent du spectacle en mettant en valeur les pamphlétaires les plus mensongers, vantent des « pédagogies » miracles vendues comptant et finalement dressent les parents contre les enseignants. Faut-il pour autant abandonner le terrain ? Meirieu montre plutôt la voie.
Puisque la télé crache sur l’Ecole, puisque la consommation de télé ne cesse d’augmenter, il est grand temps de construire la télé pédagogique. Une chaîne qui donne à voir la réalité de l’Ecole, celle des enseignants impliqués dans leur travail, des projets qui engagent les élèves, de l’Ecole qui éduque et libère. Une chaîne qui apporte des réponses aux questions des parents et des enseignants. Une télé qu’on puisse capter partout. Cette télé est forcément produite par les enseignants, les parents et les acteurs de l’Ecole. Comment faire ? Le web offre un outil de diffusion à la fois peu onéreux et vers lequel à très court terme toutes les chaînes vont converger. Pour nous au Café, dans l’intérêt de l’Ecole, il est temps de le vouloir…
Philippe Meirieu, Une autre télévision est possible, Chronique sociale, 2007, 127 pages.
Cap Canal
Colloque Pour une histoire de l’audiovisuel éducatif
http://www.bnf.fr/PAGES/cultpubl/journee_etude_774.htm
Ecole : les propositions d’Education et Devenir
« Nous affirmons que l’École doit être une école de la réussite pour tous. La démocratie implique que l’École réduise les inégalités et, par la lutte contre l’échec scolaire, contribue à renforcer la cohésion sociale. C’est la diversification des stratégies pédagogiques dans une organisation non ségrégative du système scolaire qui permettra à l’école d’atteindre ces objectifs fondamentaux ». Education et Devenir fait connaître sa vision de l’Ecole dans la dernière livraison du Courrier d’Education et Devenir.
Un numéro « politique » , au sens noble du terme, qui donne à réfléchir sur l’Ecole. « Cette école de la réussite pour tous nous avons voulu la promouvoir dans la défense de dispositifs porteurs de démocratie et d’attention à tous les élèves. Le projet d’établissement d’une part, les pratiques supports d’une approche interdisciplinaire (TPE, IDD, PPCP…) et l’éducation civique , juridique et sociale, d’autre part ».
L’éditorial du Courrier
http://education.devenir.free.fr/editorial.htm
L’intelligence de l’enfant
« C’est la vocation naturelle des sciences humaines que de démontrer comment sont fabriqués les faits sociaux que nous percevons volontiers comme naturels » rappelle Marie Duru-Bellat dans la préface à « L’intelligence de l’enfant ».
L’ouvrage s’attaque à quatre questions : Est-il légitime d’évaluer l’intelligence par un chiffre de QI ? L’intelligence est-elle innée ou acquise ? Quel est le rôle de la famille, de l’école, de la société et de la culture dans la genèse de l’intelligence ? Quels enjeux autour de l’inégalité des capacités intellectuelles?
Elles sont abordées sous l’angle des sciences sociales. Ainsi découvre-t-on l’histoire des tests de QI et la construction sociale de l’intelligence, chaque classe sociale se voyant justifiée par un rang intellectuel…
Pour autant l’ouvrage n’élude pas la question de l’hérédité mais l’ancre dans le rapport à l’environnement. Une dernière partie traite de l’intelligence et ses enjeux, à l’école et ailleurs.
Marie Duru-Bellat et Martine Fournier (dir.), L’intelligence de l’enfant. L’empreinte du social. Ed. Sciences Humaines, Auxerre 2007, 292 pages.
Le sommaire
http://www.scienceshumaines.com/l-intelligence-de-l-enfant-l-em[…]
La communauté éducative
« Dans la tradition anglo-saxonne, la notion de communauté est perçue, le plus souvent, de façon positive… En France le mot… provoque une méfiance et connote souvent le communautarisme. Notre tradition républicaine laïque… redoute alors une menace cotre l’universalisme ». D’entrée de jeu, Marie Raynal, rédactrice en chef de VEI Diversité, ouvre ce numéro 150 en inscrivant la singularité française. Au modèle anglo-saxon d’école communautaire, voire parfois d’enseignement PAR la communauté, la France répond par le refus de la communauté. Est-ce viable ? « Les élèves ont besoin de sentir la cohésion des adultes autour d’eux, les adultes ont besoin de sentir qu’ils appartiennent à une institution qui les relie, les parents ont besoin de sentir que l’école complète leur rôle d’éducateur » note M. Raynal. La communauté niée est inéluctable.
Ce numéro est alors partagé en deux parties. La première interroge la notion de communauté dans la société française. On a parfois des surprises tel cet entretien où D. Schnapper défend l’idée du retour à deux systèmes éducatifs différents, au nom de l’efficacité scolaire et en contradiction avec les travaux des sciences de l’éducation (qui montrent au contraire l’efficacité de l’hétérogénéité et l’inefficacité des systèmes cloisonnés). Dans cette partie, à noter l’excellent article de William Gasparini sur les communautés sportives où se révèlent, en plus du sexisme, les tensions entre les logiques d’intégration « à la française » et les logiques communautaires.
La seconde partie (en deux chapitres) tourne autour des communautés éducatives avec des intervenants nombreux et prestigieux. Citons quelques articles seulement. Jean-Yves Langanay dissèque au scalpel (bien acéré) les conseils d’administration des établissements, lieu d’exercice de la communauté. Anne Barrère montre que la notion de communauté éducative oblige l’enseignant à se décentrer de l’identité disciplinaire et fait débat au moment où on redéfinit le métier enseignant. Les derniers articles jettent des ponts entre l’école française et des modèles étrangers. Par exemple, A. T. Brito-Ferreira et A.-M. Chartier analysent brillamment le quotidien d’une école d’Orléans et de Recife. On ne sera pas surpris de voir qu’au moment des repas ou des réunions, le collectif ne s’y construit pas de la même façon.
Un seul manque dans ce numéro, l’absence des nouvelles communautés enseignantes, nées sur Internet. Mais cette remarquable réflexion poursuivie sur la communauté éducative éclaire les enjeux de la transformation de l’Ecole.
VEI Diversité, n°150, Paris, CNDP, septembre 2007, 206 pages.
Le sommaire
Recherches en éducation n°4
« Les behavioristes voulaient se débarrasser du concept de représentation. Non seulement ils ont échoué, mais la représentation est aujourd’hui le concept le plus central de la psychologie. Concernant le développement des connaissances mathématiques chez l’enfant, la représentation n’est pas faite seulement de nombres, de figures, de dessins, de diagrammes, de tableaux, de graphes ou d’algèbres, mais aussi de formes intériorisées d’activité en situation. L’activité est davantage que la conduite : la conduite n’est que la partie visible de l’activité. Dans ces conditions, pour analyser les conduites mathématiques, il faut s’interroger sur l’activité de représentation sous-jacente. » Gérard Vergnaud ouvre ce numéro 4 de Recherches en éducation qu interroge les apprentissages.
Recherches n°4
http://www.cren-nantes.net/spip.php?article72