Pourquoi les échanges entre enfants nous disent beaucoup sur les situations d’apprentissage ?
« La classe, c’est comme une micro-société qui possède sa propre culture : au sens des actes quotidiens, mais aussi au sens de la « culture de classe’ qui se construit entre les adultes et les enfants. Celle-ci peut être aussi favorable que défavorable aux apprentissages. Les élèves vont progressivement s’acculuturer à cette « culture de classe », avec de grandes variabilités selon la distance sociale et culturelle à leur propre culture. »
Pour Jacky Cailler, les mettre en situation de tutorat permet de les faire passer en situation de langage, et donc de pensée. Mais aussi permet à l’enseignant d’évaluer les « compétences » que met en œuvre chaque enfant, confronté à une tâche très complexe. L’effet paradoxal est que c’est le tuteur qui bénéficie le plus du tutorat, parce qu’il est obligé de mettre en œuvre cette articulation entre pensée et langage. Même un élève en difficulté de lecture qui va aller lire des histoires aux petits de la maternelle va se trouver dans une telle valorisation qu’il va modifier son niveau de langue, être plus exigeant envers sa propre maîtrise des savoirs scolaires.
Mais le tutoré, par exemple dans une classe de cycle, va aussi se fabriquer des horizons d’attente, mieux mesurer ce qu’on attend de lui, ce qu’il va devenir.
Dans les situations de tutorat, les élèves vont devenir de plus en plus capables de reprises dialogiques, de chercher à comprendre la pensée de l’autre, de se penser comme acteur de la classe, capables de se mettre à réfléchir à « comment on apprend ». Dans le tutorat, l’appariement entre tuteur et tutoré ne se fait pas par relation ou copinage, mais sur un support de contenu scolaire : en géométrie, en lecture… Un moment réflexif se met en place avant et après l’activité de tutorat : comment vais-je faire, qu’avons-nous fait ? Si, au départ, les échanges sont très pauvres (j’aime/j’aime pas), on arrive progressivement à identifier comme le tuteur à régulé son activité en fonction des réactions de l’autre, à mettre des mots sur ce qu’on fait, c’est-à-dire conceptualiser.
Les élèves vont travailler sur la relation qu’ils entretiennent avec les autres, ménager leur face, devenir capables de réinterpréter la pensée de l’autre de manière positive, soucieux de valoriser les savoirs énoncés par le tutoré. La richesse du dispositif les oblige à développer des statégies riches. L’habit peut faire le moine : les mettre en situation de locuteur privilégié les rend progressivement exigeants et compétents.
Au delà même de cette situation de tutorat, J. Cailler pense donc qu’y a donc des climats qui sont suceptibles de favoriser le rapport au savoir des autres : « lorsqu’un élève pose une question, est-ce que l’enseignant lui répond, ou est-ce que il renvoie la question à la classe ? Comment ? Par quelles techniques ? Qu’est-ce que ça demande à l’enseignant ? » Une question à poser à la prochaine conférence…