Par Cyril Froidure
Le FIG après le FIG, ce sera pour le Café l’occasion de rendre compte de quelques-unes des conférences, tables-ronde, présentations d’ouvrages proposées lors du FIG du 4 au 7 octobre 2007.
Bien sûr les comptes-rendus que pourrez lire sont le fruit du choix fait par le Café, l’impossibilité d’accéder à d’autres manifestations du fait de la présence d’un public venu en nombre.
Parmi les conférences
…le Café a pu assister aux suivantes :
-« Les hydrocarbures du golfe de Guinée : entre développement et géopolitique » par Roland Pourtier de Paris 1 et Philippe Sébille-Lopez du cabinet Géopolia.
– « L’Afrique dans le mondialisation : la renaissance des rentes énergétiques et stratégiques » par Sylvie Brunel, professeur des Universités.
– « L’avenir de notre énergie est-il au fond des mers ? » par Jacques Guillaume, professeur à l’université de Nantes.
Présentation :
-« La nouvelle Russie » par Jean Radvanyi, INALCO.
-« Vies citadines ». Elisabeth Dorier – Appril et Philippe Gervais – Lambony. Belin, 20O7
– La GéoGraphie.
Les conférences :
« Les hydrocarbures du golfe de Guinée : entre développement et géopolitique » par Roland Pourtier de Paris 1 et Philippe Sébille-Lopez du cabinet Géopolia
Cette conférence proposée par Roland Pourtier et Philippe Sébille-Lopez se déroule en deux temps.
Roland Pourtier se charge de réaliser un état des lieux de la situation des hydrocarbures dans le golfe de Guinée. Il rappelle que l’Afrique représente à la fois pet et beaucoup dans le domaine pétrolier : 12% de la production, 10% des réserves de pétrole, des perspectives plus importantes pour le gaz ; le golfe de Guinée réalise la moitié de la production africaine et possède la moitié des réserves.
L’exploitation du pétrole dans la zone fut tardive : 1956 en Angola et 2003 pour le Tchad, bientôt Sao Tomé et Principe. Cela est dû à des difficultés liées à l’exploitation, au retard de développement des économies africaines entre autres. D’où la présence massive de compagnies occidentales : françaises et anglaises dans leurs zones d’influence, américaine dans les interstices de celles-ci (Guinée Equatoriale, Sao Tomé) ; présence des majors bien sûr mais aussi de compagnies indépendantes, sorte de poissons-pilotes pour les majors.
Mais Etats-Unis et pays émergents (Chine, Malaisie) taillent des croupières aux deux ex-puissances coloniales sur leurs terres de prédilection car ils veulent tous diversifier l’origine de leurs approvisionnements. C’est le cas du Tchad où se sont les Américains qui ont permis l’exploitation du champ de Doba. Cette présence américaine ne se limite pas aux compagnies pétrolières : l’US Navy est de plus en plus présente dans le secteur pour sécuriser les routes maritimes.
A ces interventions externes s’ajoutent les difficultés internes : conflit, accaparement expliquent les précautions prises par la Banque mondiale avant d’accorder son soutien au Tchad pour l’extraction du pétrole et la construction de l’oléoduc Doba-Kribi.
Les tensions frontalières ne sont pas absentes car les frontières maritimes ne sont pas assez bien précisées ce qui laisse libre cours à des revendications dangereuses.
Finalement quel impact a eu la découverte du pétrole sur les pays concernés ?
Tout d’abord, il est à noter que dans les pays producteurs, il représente souvent plus de 80% des exportations et donc une partie importante des recettes des états. Le pétrole a eu plusieurs conséquences dont l’une des plus voyantes est l’urbanisation accélérée (le cas du Gabon) de la région mais les populations en profitent de manière bien inégale.
L’exemple nigérian le démontre. Philippe Sébille-Lopez insiste bien sur le fait qu’au Nigéria, la répartition de la rente est tout sauf égale et ce sont souvent les régions productrices qui en profitent le moins. Ainsi ce sont les états du Nord qui profitent le plus de la rente alors que les états du sud, notamment dans le delta du Niger produisent. Tentant d’expliquer l’enchevêtrement administratif nigérian, on comprend que chaque niveau dispose d’une part de la manne qu’elle redistribue ou pas à l’échelon inférieur.
Dans ce pays, explique-t-il, la production est passée d’une domination de l’on-shore à une quasi-parité on-shore/off-shore. Les productions pétrolières et gazières sont conséquentes même si une grande partie du gaz associé est brûlé (les torchères) car il est peu rentable de le recycler ; en effet, la production nigériane se répartir sur de nombreux petits puits.
L’essentiel de la production partagée entre la compagnie locale, les majors et les indépendants part vers les Etats-Unis pour la moitié puis à égalité vers l’Europe et l’Asie, la zone devenant une des alternatives acceptables au Moyen-Orient du fait de sa situation vis-à-vis de marchés de consommateurs, d’un pétrole de bonne qualité et d’une production off-shore à l’abri pour l’essentiel d’éventuels conflits continentaux.
« L’Afrique dans le mondialisation : la renaissance des rentes énergétiques et stratégiques » par Sylvie Brunel, professeur des Universités.
Sylvie Brunel ouvre sa conférence sur un constat : les mutations subies par l’Afrique dans la mondialisation, notamment un retour de l’Afrique sur la scène internationale.
Elle prend le soin de rappeler au public que ce continent s’est trouvé marginalisé lors de années 80-90’s, notamment suite à la perte de la rente stratégique que le lui avait conféré le conflit Est-Ouest. Décennie du chaos, c’est ainsi que l’auteur nomme cette période dans son « L’Afrique, un continent en réserve de développement », période qui vit le continent secoué par des crises, conflits drainant vers l’Afrique humanitaires, mercenaires et missionnaires.
Finalement, cette décennie n’était-elle pas un prélude à une forme de recomposition ?
En effet l’Afrique est redevenue attractive pour les pays du Nord. On remarque une croissance des flux de capitaux dans les années 2000 mais il faut le signaler vers les pays « prometteurs » (Nigéria, Afrique du Sud…), capitaux destinés essentiellement à des investissements dans les domaines des hydrocarbures et des ressources minières. L’Afrique dispose de quelques atouts dans ce domaine : qualité du pétrole, quantité des réserves, proximité des marchés, recherche d’une moindre dépendance vis-à-vis du Moyen-Orient à tel point que seuls 8 pays africains ne font pas partie des producteurs de pétrole.
Actuellement les pays dits développés, notamment les Etats-Unis et les pays émergents, en l’espèce la Chine mise beaucoup sur le pétrole africain. Ce dernier pays coupe de plus en plus souvent l’herbe sous le pied des anciennes puissances coloniales et même des Etats-Unis en « troquant » en quelque sorte son soutien financier sans conditions contre des avantages pour l’exploitations des ressources du sous-sol.
Ces investissements n’ont pas un impact direct sur les économies locales, il n’y a pas véritablement d’effet d’entraînement mais ils représentent les premiers jalons d’un autre chose. Les pays développés et émergents ont pris acte du fait que ce continent possède une population de 900 millions d’habitants donc de consommateurs potentiels, dont beaucoup de jeunes.
Quel usage est fait de la rente par les états producteurs d’hydrocarbures et de minerais ?
On a souvent parlé à ce sujet de « malédiction des matières premières » étant la prolifération des conflits associées à une inflation des dépenses militaires, de la corruption, des catastrophes écologiques. Car contrairement à certains états du Golfe, la logique rentière prévaut et la diversification de l’économie n’est pas la règle.
Toutefois Sylvie Brunel signale l’émergence de ce que l’on pourrait appeler une société civile composée d’ONG, d’associations en tout genre, de la presse qui dénonce les excès commis.
Mais contrairement à la décennie du chaos, désormais tout le monde, et surtout occidentaux et pays émergents, a intérêt à ce qu’une certaine stabilité s’installe sur le continent noir.
Ainsi les Etats-Unis ont souligné qu’il était de l’intérêt général, et surtout du leur, que le continent soit stable, ne devienne pas un nouveau foyer du terrorisme ; pour cela l’aide américaine, se dirige vers l’économie, le commerce et la lutte contre les endémies. Il reste toutefois un paradoxe : les grands discours s’accordent à dire qu’il fait aider l’Afrique, construire une nouvelle Afrique mais ce qui prédomine, ce sont les stratégies individuelles, les négociations bilatérales pour assurer ses positions.
Suite à cette conférence, Sylvie Brunel a accordé une interview au Café Pédagogique :
Questions sur le regain d’intérêt pour l’Afrique :
Café pédagogique : Dans une intervention en 2005, lors de la 11ème assemblée du CODESRIA, « repenser le développement africain : au-delà de l’impasse, les alternatives », Monsieur Awoumou, prétendait que celui qui tient le golfe de Guinée tient l’Afrique. Que pensez-vous de cette affirmation ?
Sylvie Brunel : Effectivement, à plusieurs points de vue aujourd’hui – démographie, économie, ressources pétrolières et gazières, routes maritimes, potentiel de développement -, le Golfe de Guinée est une des premières régions stratégiques de l’Afrique. L’installation d’un système radar ultra puissant à Sao Tome par les Américains constitue un indice de cette importance. Mais elle n’est pas la seule : la Corne notamment joue un rôle essentiel.
CP : En 2002, un groupe de réflexion américain, the african oil policy initiative group recommandait d’ériger le golfe de guinée en priorité pour la sécurité nationale américaine dans la mesure où la sous-région pourrait représenter 25 des approvisionnements us en 2025.
Cet objectif sera-t-il atteint ? Par quels moyens ?
SB : On note une montée en puissance des pays de cette région dans les importations américaines : non seulement le Nigéria et la Guinée équatoriale, mais aussi le Gabon, les deux Congo, le Cameroun et surtout l’Angola sont de plus en plus tournés vers les Etats-Unis, malgré la concurrence forte de la Chine.
Question sur l’impact de la rente sur les populations :
CP : Comment les populations réagissent-elles face à la dilapidation d’une partie de la rente?
SB : La rente pétrolière crée de l’activité économique – et se traduit dans certains pays comme la Guinée équatoriale par une véritable modernisation des infrastructures et le développement des services publics – mais elle creuse aussi les inégalités. Les ONG africaines, soutenues par leurs homologues occidentales, et la presse d’opposition dénoncent les mauvaises utilisations de la rente, mais en même temps, les systèmes familiaux, claniques, territoriaux de redistribution font que beaucoup de personnes, directement ou indirectement et à des degrés divers, profitent de la richesse créée, qui irrigue le pays, non de façon démocratique, publique et équitable, mais en fonction des allégeances et des clientèles. Cet arrosage permet d’obtenir une paix sociale relative, tout en alimentant la rancœur des minorités oubliées.
Sur la coopération interafricaine:
CP : Une commission du golfe de Guinée a été mise en place. Quelles sont ses objectifs ? Est-elle un outil viable pour une défense des intérêts de ses membres ?
SB : Ayant du mal à suivre la prolifération institutionnelle qui caractérise l’Afrique, je ne peux pas vous parler de cette commission. A première vue, c’est plutôt une bonne chose pour l’intégration régionale… Mais l’expérience montre que ce type de structure est souvent détourné pour alimenter une nomenklatura internationale qui tourne à vide, en dévorant ses crédits de fonctionnement dans un train de vie enviable. Souhaitons que celle-ci ne reproduise pas les erreurs de certaines de ses consoeurs.
CP : Des organisations comme le NEPAD ont-elles un quelconque rôle à jouer dans l’exploitation des
ressources africaines ou pour une meilleure répartition/utilisation de la rente?
SB : Le panafricanisme est de retour en Afrique depuis la fin de la Guerre froide. Les dirigeants africains souhaitent aujourd’hui qu’émerge sur la scène internationale un « discours africain », qui permette à ce continent, longtemps en marge de la mondialisation, de retrouver sa place et de défendre ses intérêts. On ne peut que saluer cette renaissance de l’Afrique, même si, dans la pratique, les dirigeants respectifs du continent ont beaucoup de mal à élaborer une position commune, en raison d’intérêts divergents et d’ambitions concurrentes. Il existe donc tout un discours prônant le multilatéralisme régional, servi dans les enceintes internationales et farouchement défendu, et une attitude pragmatique, qui consiste, pour les chefs d’Etat africains, à passer des accords bilatéraux avec des grandes puissances du Nord ou du Sud, parfois au détriment des pays voisins, pour s’assurer soutiens financiers, logistiques et militaires, et débouchés.
Le Café remercie Sylvie Brunel pour sa gentillesse et sa disponibilité.
« L’avenir de notre énergie est-il au fond des mers ? » par Jacques Guillaume, professeur à l’université de Nantes.
Surprise car dès l’entame de cette conférence, Jacques Guillaume précise qu’il n’est pas spécialiste de la question et annonce que l’avenir de notre énergie au fond des océans c’est finalement notre présent !
Alors de quel avenir, présent s’agit-il ? L’off-shore pétrolier sera le sujet de cette intervention.
Quelques rappels en guise d’introduction : l’off-shore représente 30% du pétrole actuellement produit, 20% du gaz contre le dixième du pétrole produit dans les années 70. En ce début de XXIème siècle, ajoute-t-il l’essentiel des réserves trouvées prouvés sont à chercher en mer et ce dans la proportion de 70% des nouvelles découvertes.
Jacques Guillaume de proposer comme entrée pour cette activité une déclaration de Harry Truman en date de 1945 dans laquelle il annonce au monde que les ressources se trouvant au fond des océans bordant les Etats-Unis devenaient propriété des Etats-Unis.
Toutefois 1945 ne marque pas les débuts de l’off-shore pétrolier qui remontent aux années 20, et notamment au Vénézuela (Maracaïbo) et aux Etats-Unis. Début timide bien sûr à quelques mètres de profondeur alors qu’aujourd’hui, les prospections et la production descendent jusqu’à 3000 mètres (le off-shore très profond).
Dans un premier temps, Jacques Guillaume fait un historique de l’off-shore. Les années 60 marque la genèse de cette activité puis vient l’explosion dans les années 70-80, la dernière période marquant le glissement vers les grands fonds. Lors de chaque période, des innovations techniques permettent d’atteindre des profondeurs toujours supérieures : plate-forme auto-élévatrice, plate-forme semi-submersible puis navires de production mais aussi un extension de l’aire de production : mer du Nord, golfe de Guinée, Mexique, Brésil…
Le cas de la mer du Nord est intéressant car la situation des gisements, situés dans une zone de mauvais temps, éloignés des côtes, ont stimulé l’innovation.
Ces avancées, cette dispersion spatiale s’accompagne d’un établissement de règles. A Genève en 1958, un grand nombre de pays prirent acte de la décision de Truman en acceptant de définir le plateau continental par des critères d’adjacence, de profondeur (200m), d’exploitabilité. Puis vint Montego Bay en 1982 qui n’entrera en vigueur qu’en 1994 : le plateau continental est limité à 200 milles marins ou à la mage continentale (donc il peut dépasser la limite des 200 milles) ; cette dernière décision permet à certains états de disposer d’un espace supérieur de 70% au 200 milles.
La demande croissante en hydrocarbures, le cours de ceux-ci font de zones concernées des enjeux territoriaux. En 1994, on constatait 450 chevauchements de frontières avec quelques situations emblématiques : golfe de Guinée, mer de Chine de Sud et dernièrement océan Arctique.
Sous les feux de l’actualité cet été, cette zone est l’objet des convoitises de nombreux pays dont la Russie qui tente de démontrer que la diagonale Lomonossov, séparant les bassins de l’Arctique, est un prolongement de son plateau continental ce qui lui permettrait de revendiquer tout l’Arctique… et ses ressources éventuelles.
Jacques Guillaume conclue sur le cas de la France dont il n’a pas été question dans l’exposé car la France n’est pas une nation pétrolière mais à sa place dans cet univers dans la mesure où sa capacité technique lui permet d’être le 2ème exportateur mondial de services off-shore.