Par François Jarraud
Sans nuances, publié à la rentrée, le rapport du HCE sur l’école primaire ne pouvait qu’attirer l’intérêt médiatique. Est-ce son seul but ou peut-il être vraiment utile à l’école ?
Le Haut Conseil de l’Education épingle l’école primaire
« Chaque année, quatre écoliers sur dix, soit environ 300 000 élèves, sortent du CM2 avec de graves lacunes : près de 200 000 d’entre eux ont des acquis fragiles et insuffisants en lecture, écriture et calcul ; plus de 100 000 n’ont pas la maîtrise des compétences de base dans ces domaines. Comme la fin du CM2 n’est plus la fin de l’école obligatoire, leurs lacunes empêcheront ces élèves de poursuivre une scolarité normale au collège ». Remis le 27 août, le rapport annuel du Haut Conseil de l’Education relève les maux de l’école primaire.
Il dénonce l’inefficacité du redoublement. « Le redoublement précoce est inefficace. Son but est de remettre les élèves à niveau, mais il n’y parvient pas, comme deux enquêtes effectuées à plus de vingt ans d’intervalle l’ont montré. Très vraisemblablement inefficace ainsi que contraire à l’égalité des chances entre les enfants nés dans différents milieux sociaux et aux différents mois de l’année, le redoublement précoce peut difficilement être considéré comme un remède acceptable aux difficultés rencontrées par certains enfants en début de scolarité ».
Le fonctionnement des cycles est aussi critiqué (« trompe l’œil ») ainsi que l’usage qui est fait des évaluations. » Ces évaluations ne sont pas utilisées comme elles le devraient. D’une part, certains maîtres pensent qu’elles sont principalement destinées à une exploitation statistique par leur hiérarchie, sous-estimant ainsi le parti qu’ils peuvent tirer eux-mêmes de ces informations sur les forces et les faiblesses de leurs élèves pour adapter leur pédagogie. D’autre part, à moins d’un an de la fin d’un cycle, il se peut que ces évaluations ne laissent pas assez de temps pour remédier aux difficultés scolaires qu’elles détectent. Au lieu de servir d’instantanés sur les acquis des élèves, elles les enferment alors dans leurs lacunes ».
Que propose le HCE ? Renforcer le pilotage et récupérer des moyens. Le HCE veut renforcer le rôle des directeurs et inspecteurs. Il croit aussi qu’il est possible de récupérer des moyens parmi les maîtres non affectés.
C’est cette absence de propositions qui suscite le plus de critiques. Le Snuipp juge le rapport « décevant ». « Il est uniquement composé d’extraits de textes antérieurs déjà connus et publiés. Il n’apporte véritablement aucune idée nouvelle » estime le syndicat. Pour lui, » Si l’école connaît des insuffisances réelles et peine à faire réussir tous les élèves ce n’est pas ce texte qui peut constituer un outil utile pour tracer des pistes pour transformer l’école ».
Le Se-Unsa souligne que Les éléments chiffrés et leurs sources manquent souvent à l’appui des affirmations, tandis que certaines reposent sur des statistiques datant de près de dix ans. Les taux d’encadrement dans le primaire sont ainsi présentés comme en constante amélioration… alors qu’ils ne cessent de se détériorer depuis 2001 !… L’intérêt des jeunes doit redevenir le cœur de la politique éducative et non, comme actuellement, le seul objectif d’économies budgétaires. Le rapport du HCE peut en fournir l’occasion. Le gouvernement Fillon souhaite-t-il vraiment mettre en œuvre la loi d’orientation Filllon ? »
L’étude
http://www.hce.education.fr/gallery_files/site/21/39.pdf
Rapport du HCE : encore du bruit pour rien ?
Le récent rapport du Haut Conseil de l’Education sur l’Ecole primaire, remis lundi au chef de l’Etat, est-il un pétard mouillé ou une nouvelle preuve du manque d’ambition du ministère ? On y cherchera vainement les nouveautés : s’y côtoient quelques truismes largement connus de tous, et quelques contrevérités aux relents très idéologiques.
Du côté des évidences, les auteurs exposent doctement que les cycles ne sont pas mis en place, que le redoublement au primaire n’est pas efficace, que les enfants de pauvres réussissent beaucoup moins bien que les enfants de riches, que les outils d’évaluation ne sont pas assez utilisés, que l’Ecole maternelle peine à réduire les écarts, que les IEN sont trop loin du terrain du fait de leurs multiples missions, que le pilotage est insuffisant et que la mise en œuvre des programmes est plus que laborieuse.
Pourtant, ils pourraient aussi se demander en quoi les polémiques de ces derniers mois, avec les discours démagogiques sur le redoublement au CP pour tous les élèves ne maîtrisant pas le décodage, ou les attaques répétées contre les programmes de 2002 et les pédagogies centrées sur l’élève, en quoi ces polémiques ont renforcé la capacité d’action, d’engagement et d’efficience des enseignants des écoles…
Du côté des contrevérités, l’analyse à la serpe du rôle du directeur est un régal : globalement, tout irait mieux si le directeur d’école avait un vrai statut hiérarchique, pouvait imposer des modifications pédagogiques à ses adjoints et piloter son conseil d’administration comme un vrai patron. On se demande sur quelle étude ce genre de propos peut être étayé : chacun sait combien, dans le second degré où ces conditions sont réunies, le chef d’établissement obtient des résultats spectaculaires sur la mobilisation pédagogique de ses enseignants, unifie les pratiques au service des élèves à la dérive et met en œuvre la différenciation pédagogique…
La partie sur les insuffisances de la formation est aussi largement approximative. Rappelons que 40% des enseignants qui sont dans leurs dernières années de métier ont été recrutés sans qu’on leur fasse suivre une formation initiale (environ 15% du corps, selon une note de la DEP… ) Peut-être auraient-ils pu ajouter que les moyens de remplacement en formation continue sont grignotés chaque année pour pallier aux insuffisance du remplacement maladie, que l’essentiel du potentiel restant est aspiré par les obligations ministérielles (directeurs, néo-titulaires, formations spécialisées), ramenant à epsilon ce qui reste disponible pour le tout-venant. Enfin, rappelons que le récent rapport de l’inspection générale sur la formation, publié cette année, est pourtant bourré de bonnes idées…
Existe-t-il des gisements d’emplois cachés ? Le serpent de mer refait surface… Au moment même où le ministère annonce 11 000 suppressions de postes, le rapport sous-entend une nouvelle fois que des mines d’emplois pourraient être trouvés pour «l’aide aux enfants en difficultés ». Pourtant, le nombre de maîtres « chargés de classe » est inchangé depuis 25 ans (82%), les moyens de remplacements formation ont baissé, les postes de soutien AIS (RASED et autres) représentent moins de 4% des emplois, et l’animation pédagogique (conseillers et animateurs) moins de 2% des emplois. Bref, beaucoup de soutiers isolés, et peu d’encadrement et d’aide pour d’animer le travail de terrain, le seul qui compte… Quelle entreprise privée fonctionnerait avec aussi peu de cadres intermédiaires ?
« Il est urgent d’agir » dit le rapport… Continuons d’entasser les rapports pertinents (le site de l’Inspection Générale en est plein), et occupons le populo avec des diagnostics à la serpe, pour faire la Une des journaux télévisés. Parce que franchement, si le gouvernement français décidait de s’occuper prioritairement des enfants qui ont du mal à réussir à l’Ecole, on devrait s’en apercevoir…
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lemensuel/lenseignant/primaire/P[…]
Les experts réagissent au rapport du HCE
Publié juste avant la rentrée, rédigé parfois sans prudence, le rapport du Haut Conseil de l’Education invite à la polémique. Le Café publie les réactions de spécialistes sur ce regard porté sur l’enseignement primaire.
Ainsi, Bruno Suchaut (Iredu, Université de Bourgogne) : « Ce qui mérite sans soute d’être le plus souligné dans le rapport du HCE, c’est le constat réalisé sur le pilotage de notre système éducatif. Des vraies questions sont posées sur la faible efficacité de la gestion pédagogique de l’école primaire ».
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/2[…]