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» L’enquête de la Cour montre que l’image monolithique et figée que peut donner le système scolaire ne reflète plus la réalité observable dans les établissements d’enseignement qui prennent de plus en plus d’initiatives pour chercher à mieux répondre aux besoins de leurs élèves. Cette volonté d’exploiter leurs marges d’initiative… n’est certes ni générale, ni encore pleinement mesurable dans ses effets. Mais la Cour estime qu’il est nécessaire, afin de donner au système scolaire toutes les conditions requises pour améliorer sa performance, de dépasser le stade actuel, souvent caractérisé par des initiatives isolées des établissements ». Le rapport annuel de la Cours des comptes décrit longuement les initiatives prises par certains établissements secondaires pour fonctionner autrement. Elle appelle à augmenter le degré d’autonomie. Ce que promet le ministère.
Ce document ne manque pas d’intérêt. Car il met en avant « l’effet établissement » pour justifier d’augmenter l’autonomie administrative. Il y a là une série de glissements qui méritent vraiment examen.
Des calculs évaluent l’effet établissement ? En effet, s’il est bien réel, « l’effet établissement » continue à faire débat. C’est lui que les parents vont chercher quand ils consultent les indicateurs des lycées avant d’inscrire leur enfant. Si souvent les parents se limitent à constater le taux de réussite à l’examen, un indicateur bien faible, l’éducation nationale, elle, calcule des « résultats attendus » qui permettent d’avoir une idée de la plus value apportée par chaque établissement. Ajoutons qu’une fois le calcul fait, à la différence de ce qui se passe chez nos voisins, l’éducation nationale n’en tire généralement aucune décision…
Pourtant, les inspecteurs J-F. Cuisinier et T. Berthé, qui ont étudié en 2005 les synthèses de visites d’établissement, avaient décelé des conditions pédagogiques expliquant les succès de certains établissements. Ils en distinguaient trois : » d’abord l’importance donnée à la classe comme lieu d’apprentissage et de socialisation : une attention forte est apportée à la composition des classes, à leur fonctionnement et à l’évolution des résultats en cours d’année; ensuite, la mise en œuvre de pôles valorisants : classes musicales, classes européennes, classe équitation, classe bilangue; enfin, la prise en charge des difficultés des élèves : heures de soutien systématiques en 6ème, organisation en 6ème et en 5ème d’une classe à effectif allégé pour des élèves plus lents, 4ème de soutien et 3ème d’insertion ». Du coup ils concluaient que l’effort devait porter sur la formation des chefs d’établissement.
Et si c’était plus compliqué ? Mais voilà : que peuvent ces chefs d’établissement sans équipes pédagogiques solides ? D’autres travaux montrent justement l’effet professeur. On peut citer récemment la recherche de Pascal Bressoux, Francis Kramarz et Corinne Prost. Ils sont partis du principe que l’effet prof le plus sensible est l’efficacité scolaire. Analysant les résultats d’élèves de CE2, ils ont mis en évidence l’importance de la formation professionnelle et de la formation culturelle des enseignants. Ainsi les résultats en maths des élèves ayant un professeur formé sont supérieurs de 3 points à ceux des écoliers qui ont un enseignant non formés. De la même façon, les résultats en maths s’élèvent quand l’enseignant a un diplôme universitaire en sciences et cela même quand il n’a pas reçu de formation pédagogique.
L’attitude professorale semble aussi déterminante à Olivier Maulini qui insiste sur la qualité relationnelle de l’enseignant et sur son ouverture au questionnement. Dans un article publié par le Café il explique : « ne pas attendre les questions, mais les demander explicitement. Ne pas les garder aux marges de la leçon, mais s’en servir pour régler la progression. Saluer peut-être l’élève curieux et entreprenant, mais impliquer surtout toute la classe dans le travail d’investigation ». Oui mais, au Québec, Ginette Bousquet a fait le lien entre les représentations que les professeurs ont de leurs élèves et les résultats scolaires.
Ainsi tout se complique. Au point que Xavier Dumay et Vincent Dupriez (Girsef) concluent leur étude, début 2005, sur la complexité des facteurs de l’effet établissement. « Les différences entre établissements scolaires s’expliquent tant par un effet combiné de la composition et des processus, que par un effet propre de ces deux dimensions explicatives. Il apparaît dès lors que les effets des processus internes et de la composition peuvent partiellement se comprendre comme des effets indirects, puisqu’ils interagissent les uns avec les autres »…
L’effet établissement a-t-il un rapport avec l’autonomie de gestion ? C’est ce qui nous autorise à trouver les recommandations de la Cour des comptes et les projets du ministère un peu légers.
Si l’effet établissement existe bien, les paramètres qui l’expliquent restent encore à affirmer. Dans ce cas peut-on affirmer que l’autonomie de gestion améliorera la « rentabilité » des établissements ? Si le maintien d’équipes pédagogique stables est certainement un facteur de succès dans des établissements difficiles, il est un élément de ronronnement ailleurs. Et qui dit que le choix des enseignants par le chef d’établissement, puisque c’est cette question là qui est abordée parla Cour, garantirait la constitution d’équipes ? Peut-on vraiment affirmer que le renforcement de l’autonomie de gestion des établissements leur assurerait davantage d’efficacité ? Suffirait-il que les établissements disposent de ces pouvoirs pour qu’ils adoptent des stratégies pédagogiques mieux adaptées et plus performantes ? Depuis quand la capacité d’autonomie peut-elle être imposée ?
L’Etat envisage-t-il de renoncer au pilotage ?On voit bien les retombées budgétaires d’une autonomie accrue des établissements. En augmentant l’autonomie budgétaire des établissements on pourrait leur faire porter la responsabilité de la gestion des économies décidées au sommet. On aurait ainsi un système éducatif plus « efficace » selon le sens de ce mot dans les audits. Cela permettrait d’accélérer le plan déjà lancé qui consiste à diminuer les crédits de l’enseignement secondaire pour financer le supérieur. Si l’on préfère à prélever sur les faibles pour financer les études des riches.
Sur le terrain pédagogique, la question que pose l’autonomie c’est celle du pilotage. Les enquêtes de l’Ocde ont pu établir que l’uniformité pédagogique d’un système éducatif est un élément qui rend plus difficile la réussite de tous. Les systèmes éducatifs qui reconnaissent l’existence de types d’établissement différents, avec des parcours différents, obtiennent de meilleurs résultats.
Mais, alors que les établissements français souffrent déjà d’une absence quasi-totale de soutien pédagogique pour interpréter leurs difficultés et y faire face, augmenter l’autonomie c’est supposer qu’ils peuvent tous seuls définir des stratégies pédagogiques efficaces et les inviter à se débrouiller. Ce n’est évidemment pas le cas. Et l’autonomie accrue ne peut réussir que si elle est accompagnée d’un pilotage renforcé et au plus proche.
A défaut, on voit bien à quels établissements et à quels élèves ce présupposé profiterait. Derrière cette idée se profile l’abandon d’un pan entier de la jeunesse française.
Ce sont ces interrogations qui nous font juger le rapport de la Cour et les réponses des ministères de l’éducation nationale et des finances, comme un élément d’une tendance qui dans la société française vise à sacrifier une partie de la société au bien-être de la majorité plus aisée.
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