Introduction : Les enjeux du B2i par Bruno Devauchelle
Le B2i qui se limite apparemment à une simple attestation de compétence délivrée aux élèves se révèle à l’analyse bien plus qu’un simple produit fini destiné à satisfaire l’image que l’école donne d’elle-même au sujet des TIC. Il s’agit surtout d’un véritable processus mis en place pour répondre à une question d’équité entre tous, la certification que tous les Français qui sortent de l’école disposent bien d’un « socle de compétences » informatiques et internet. Puisqu’il s’agit d’un processus on peut essayer de comprendre quels en sont les enjeux sous jacents. A partir d’éléments clés relevés dans l’ensemble des textes parus au sujet du B2i, on peut dégager plusieurs points de réflexion qui permettront aux équipes de mener un véritable travail pédagogique à partir de la simple » obligation » de délivrer une attestation de compétence. Le premier élément significatif de ce dispositif, c’est qu’il est centré sur une évaluation continue de compétences en contexte. Autrement dit, il nous est demandé d’attester que les compétences que les élèves ont acquises ne le sont pas seulement dans le cadre de la validation de l’enseignement de l’informatique tel qu’il est effectué par les enseignants de technologie au collège, mais surtout, qu’elles ont été vérifiées dans différentes situations vécues au travers de plusieurs disciplines. On pourra ainsi dire qu’il s’agit avant tout d’une évaluation de » compétences en acte » ou » en action « . Derrière ce procédé, l’attention de l’enseignant est attirée vers la question de la validation des apprentissages. En effet suffit-il d’un simple examen » final » pour dire qu’un élève maîtrise le savoir ? Le parti pris est ici de dire qu’une compétence dont on sait qu’elle n’a de valeur d’usage que dans un contexte doit aussi s’apprendre et se vérifier dans des contextes divers de mise en œuvre. Le deuxième élément significatif de ce dispositif est l’invitation à utiliser des grilles de positionnement pour évaluer les compétences. Les enseignants de primaire principalement connaissent depuis longtemps les livrets de compétences. A partir d’un ensemble de compétences spécifiques, un ensemble d’indicateurs objectifs de ces compétences doit donc être évalué dans des contextes d’usage. Ainsi le travail d’évaluation est-il préparé par des supports qui sont proposés « mais qui peuvent aussi être construits par l’équipe si elle le juge nécessaire ». Cette notion de livret de compétences bien que très intéressante pourrait sembler limitative, artificielle et lourde. Limitative car il n’est pas rare de constater que des élèves maîtrisent bien d’autres compétences que celles énumérées ici. Artificielle car peut-on ainsi découper tous les savoirs comme cela avait été tenté dans les années 80 avec la pédagogie par objectifs. Lourde parce que vérifier en permanence dans l’activité des compétences peut devenir rapidement trop lourd à mettre en œuvre comme l’ont montré les enseignants qui les utilisent en primaire. C’est là qu’intervient un nouveau facteur clé du dispositif : la demande d’évaluation faire par l ‘élève. C’est en effet l’élève qui est chargé de demander sa validation de compétences lorsqu’il estime qu’il peut le faire. Introduire ainsi l’autoévaluation dans un dispositif scolaire de façon officielle entérine ce que de nombreux enseignants ont essayé au travers des autocorrections, ou de stratégies pédagogiques de remédiation ou d’aide méthodologique. Le B2i serait donc un dispositif dans lequel il y aurait une co-évaluation. Le quatrième point de notre analyse porte sur cette participation de plusieurs enseignants et de l’élève à l’évaluation. Le B2i incite donc à faire équipe entre plusieurs disciplines. Il montre ainsi clairement que l’informatique et Internet peuvent exister dans deux dimensions : celle d’un contenu à acquérir (cf le contenu des programmes de technologie par exemple) et celle d’un usage qui doit se banaliser à partir d’une maîtrise minimale. Même si la grille de positionnement ne fait figurer la signature que d’un seul enseignant pour valider une compétence, les textes attirent notre attention pour nous inciter à faire en sorte que cette signature soit significative de plusieurs usages dans différents contextes qui alors, permettent de valider la compétence. Le cinquième point important est celui de la prise en compte explicite d’acquis effectués en dehors de l’école et validés par celle-ci. L’argumentaire principal repose sur le fait qu’il s’agit d’une évaluation en milieu scolaire de compétences acquises dans des contextes divers, scolaires et non scolaires. L’idée de la validation des acquis est très en vogue dans le monde de l’enseignement supérieur. Dans le monde scolaire (à l’école et au collège), cette pratique n’est pas répandue et surtout n’apparaît pas comme telle dans les textes des programmes et instructions de façon très claire. Ainsi l’école reconnaît qu’elle n’est pas un lieu en dehors du monde et qu’elle accompagne un phénomène d’usage social d’une technologie en lui permettant d’être validé officiellement dans le monde scolaire. Les enfants peuvent donc apprendre en dehors de l’école ? A condition que cela ne devienne pas un état de fait qui se généralise, ce qui creuserait à tout jamais le fossé social. Le sixième point important concerne le rappel de la mission fondamentale de l’école qui est de fournir à tous non pas le même contenu mais bien l’assurance que tous maîtriseront un ensemble primordial de contenus définis comme un » socle » pour l’enfant sortant d’une scolarité obligatoire. En passant ainsi de l’égalité de traitement à l’équité dans le résultat, le B2i nous incite à réfléchir à la différenciation pédagogique. Il nous propose de mettre en place dans l’école et dans le collège des dispositifs qui prennent réellement en compte les différences entre les élèves et qui surtout garantisse au plus démunis qu’ils auront, de la part de l’école, les remédiation nécessaires pour atteindre un niveau de compétence » garanti « . Le septième point important du B2i est sa volonté de s’inscrire dans la continuité de la scolarité, depuis le primaire jusqu’au collège. Cette volonté affirmée se heurte cependant au seuils école/collège et collège/lycée. C’est pourquoi en déterminant deux niveaux de B2i il entérine les seuils traditionnels, mais introduit la continuité au sein de chaque niveau. C’est surtout l’idée de continuité dans l’apprentissage qui est sous jacente. En intégrant plusieurs disciplines (plan synchronique) et l’évolution continue au travers de niveaux successifs (plan diachronique), le B2i se veut incitatif à une réflexion sur ce qu’est l’apprentissage. Quelques éléments de discussion sont apparus dans les équipes au sujet de ce B2i. En effet dans plusieurs établissements il a été décidé de faire passer un examen B2i et de faire des cours B2i. Il semble que cette position extrême, examen et cours B2i, soit démonstrative de l’évolution qui est proposée au travers de ce dispositif. Cette position, contraire au textes officiels (souligné dans le rapport de l’IGEN), est difficilement soutenable parce qu’elle rangerait un usage social au rang d’une discipline scolaire, et qu’elle ferait croire à un enseignement de l’informatique qui n’en serait en fait pas. En fait la difficulté rencontrée dans les équipes c’est une sorte de changement de point de vue. Ce renversement de système ne peut se faire sans questionnement, difficulté, tâtonnement, même si d’aucuns auraient pu souhaiter immédiatement un système bien huilé et efficace dès la première heure. En fait c’est davantage une incitation à la réflexion sur l’apprentissage qui nous est proposée ici, à laquelle s’ajoute une invitation au débat sur la place de l’école face aux évolutions des pratiques sociales. Il me semble que depuis plusieurs années le changement du système éducatif s’appuie sur des dispositifs de ce genre. L’évaluation en CE2, 6è et seconde, les livrets de compétences en primaire, les itinéraires de découvertes ou les TPE sont autant d’éléments nouveaux qu’il nous faut décrypter. Ainsi le sens qui se révèle à la lecture des documents sur le B2i serait une forme nouvelle de dispositif basée sur la notion de livret de compétence, interdisciplinaire et continu. Il promeut les notions de socle, d’équipe et de progression permanente, comme points de repère pour l’action des enseignants. Souhaitons, pour la continuité et la pertinence de l’action, que ce dispositif ne subisse pas dans les mois prochains le même sort que d’autres par le passé.
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