«Lancer des passerelles entre les services publics et les usagers…» « Notre métier, c’est de faire le passeur entre les familles et les différents services publics ou associations qui interviennent dans l’Education des jeunes, pour faire bouger les représentations des uns sur les autres. » explique le directeur de l’éducation de Nevers à la tribune du Congrès de l’ANDEV (Association des Directeurs à l’Education des Villes de France), où se sont réunis, du 6 au 8 décembre 2006, deux cents responsables des services » Education » de nombreuses villes de France, grandes ou petites, de droite ou de gauche. Cette année, le thème de ce temps de formation collective est « L’école et l’éducation – au cœur des problématiques urbaines et sociales« . A travers ateliers et tables rondes, trois jours denses pour échanger, apprendre, comparer, connaître… Au-delà du compte-rendu dont il est toujours difficile de rendre compte par écrit, le Café a choisi de vous faire entrevoir le kaléidoscope des situations locales, des préoccupations concrètes de quelques uns des acteurs réunis dans l’amphithéâtre de la Maison de la Culture nivernaise…
Nevers : Christophe Warnant : des règles contraignantes Christophe Warnant, élu chargé de la jeunesse et de l’environnement, raconte comment le groupement d’intérêt public (GIP), créé pour « optimiser le mille-feuille de l’empilement des dispositifs » sur l’agglomération limite les interventions. La règle qui réunit les partenaires (Etat, services publics, conseil régional, conseil général, FASILD) est contraignante : toute décision doit être prise à l’unanimité. La dégradation des conditions de vie depuis 2003 (fermetures d’entreprises, délocalisations) entraîne l’appauvrissement, qui fait monter la ghettoïsation et la violence au quotidien. Une décision politique forte a été prise, avec l’ambition de favoriser la mixité sociale. Le quartier de la » Grande Pâture » va être démoli, avec l’ambition d’en faire à la fois un lieu socialement hétérogène et de haute qualité environnementale, y compris en installant des jardins pédagogiques, pour montrer que ce qui a été construit à la hâte dans les années 70 peut devenir exemplaire du développement urbain. « Mais au-delà de l’approche des urbanistes sur le bâti et les logements, nous travaillons sur le social : l’accompagnement éducatif est sorti comme une priorité dans les réunions de concertation. Malgré mes doutes sur le » contrat de réussite éducative » prévu par le plan Borloo, on y est allés très rapidement. En six mois, et malgré les heurts, les résultats sont là : des enfants qui n’étaient jamais venus à la Maison de la Culture sont inscrits dans des ateliers théâtre ou participent à la vie de la Maison des Sports. Parfois, il a fallu les accompagner » physiquement » pour faire sortir les familles de leur quartier.« Il souhaite désormais étendre le dispositif à d’autres quartiers, d’autres communes, dépasser les zonages : « Où que soient les familles en difficultés, même hors des zones sensibles, une prise en charge doit être possible ». Il conclut avec sa volonté de travailler sur la prise en charge de la famille : « sans l’emploi, peu de perspective pour les parents…« . A Dijon : Jean-Michel Grenier : « un enfant présentant différentes souffrances pourra bénéficier d’aides que les parents n’imaginaient pas forcément possibles« A Dijon, Jean-Michel Grenier prépare lui aussi la mise en place des dispositifs de réussite éducative, dont les actions sont en cours de définition. « Il faut constituer les équipes en trouvant les partenariats efficaces pour détecter les situations individuelles qui mériteront cet accompagnement personnalisé : enseignants, centre de loisir, médecins scolaires, assistantes sociales de quartier…« . Ce dispositif individualisé va pour lui compléter les dispositifs collectifs (contrats éducatifs, contrats temps libres) : « un enfant présentant différentes souffrances pourra bénéficier d’aides que les parents n’imaginaient pas forcément possibles, que ce soit sur le terrain social, de la santé…« . Pour lui, depuis toujours, les enseignants ont été en première ligne pour détecter les situations difficiles. Sa seconde préoccupation est l’évolution de la sectorisation des écoles. 153000 habitants, 80 écoles, 7000 logements à construire dans les années à venir, l’offre scolaire doit se modifier pour répondre aux évolutions de populations, créer les bâtiments nécessaires. Mais il s’implique aussi dans le second degré, en collaboration avec le département, qui a la compétence scolaire sur les collèges. « Nous réfléchissons ensemble pour échanger des informations pour mieux anticiper« . Montreuil : Daniel Grossin : oeuvrer avec précaution et intelligence A Montreuil, lorsqu’il a fini de coordonner les services de quatre cents personnes qui, chaque jour, préparent 5000 repas ou nettoient 130 lieux, Daniel Grossin se préoccupe du programme de réussite éducative, en particulier la question des rythmes scolaires. « C’est un vieux débat à Montreuil, depuis les années 90« . Il entend se préoccuper de la manière dont vivent ses concitoyens : équilibre difficile entre vie professionnelle et vie familiale, garde des enfants le week-end pour les familles mono-parentales, absentéisme important en maternelle et en élémentaire qui bouscule les habitudes des enseignants. Il a engagé la concertation « obligatoire avec tous les acteurs » pour passer l’école du samedi au mercredi. S’il sait que « tout le monde peut avoir peur du changement » ou craindre les « idées derrière la tête » de la mairie, il se défend d’être guidé par des préoccupations comptables. Faire que les enfants accèdent non seulement à l’école, mais aussi aux structures éducatives péri-scolaires est pour lui essentiel. Il entend œuvrer avec « précaution et intelligence » avec les enseignants et les parents : « nous avons fait une trentaine de réunions depuis juillet dernier, on entend des choses très intéressantes que nous allons intégrer dans le projet éducatif local, pour mieux coordonner les services de la mairie, le tissu associatif, l’Ecole« . Le « hors l’Ecole » doit se mobiliser pour être plus compétent, plus efficace. « Trop d’enfants ne profitent pas de ce qui est possible. C’est bien de mobilisation générale au service des élèves que nous avons besoin. Qu’on ait des réserves à l’égard du ministre ou du gouvernement n’y changeront rien. Le local a de grandes marges de manœuvre pour que nos 10 000 enfants aient accès à l’Education, à la Culture, aux Loisirs« . Il a du mal à comprendre les craintes de « municipalisation » de l’enseignement émis par certains enseignants, alors que « depuis 10 ans, jamais nous n’avons été pris en défaut sur ce terrain « . L’Ecole de la Réussite, c’est toujours le fruit de l’engagement et du professionnalisme des enseignants, et une relation partenariale avec le local pour mieux construire ensemble ce qui doit se faire à l’Ecole et autour de l’Ecole. L’éducation est une responsabilité partagée. » Annecy : Muriel Tran-Tien :scolariser les enfants handicapés Directrice de la vie scolaire à Annecy, Muriel Tran-Tien s’est toujours passionnée pour le culturel. L’Education lui a semblé une évolution de carrière qui allait de soi. Si elle regrette toujours le temps important de réunion et de coordination dévolu au » chef d’orchestre » qu’elle incarne, elle s’implique aujourd’hui sur le Projet Educatif Local pour mettre en cohérence les actions engagées dans la ville depuis des années (culturel, péri-scolaire, sports…). Mais contrairement aux idées reçues, c’est d’abord au sein-même des services de la mairie ou chez les élus que les choses ne vont pas de soi. « Les habitudes de travail sont sectorielles, chacun a ses priorités, son pré carré qu’on n’est pas pressé de montrer au regard des autres« . L’Education Nationale ? Pas forcément tant que ça. « Il y a une demande importante. La difficulté est surtout de retisser du lien avec les collèges, les associations« . Un sujet de satisfaction ? « J’ai l’impression que le domaine où on avance vraiment, c’est la scolarisation des enfants handicapés. C’est un enjeu énorme, on se mobilise, on met en place de la formation, on commence à s’habituer avec tous les partenaires pour savoir répondre à ces enfants et à ces familles qui sont là, et devant lesquels on est parfois démunis. On avance à vitesse grand V, même si les difficultés sont énormes.« Aix-en-Provence : Bernard Magnan : transformer du quantitatif en qualitatif Chef du département Education et Culture à Aix en Provence, Bernard Magnan est membre de l’ANDEV depuis 10 ans. « C’est un préalable de pouvoir travailler ensemble, équipes travaillant avec des mairies de droite ou de gauche. Nous renforçons notre professionnalité de fonctionnaires qui vont être capables d’être bien au fait des questions éducatives tout en restant dans des tâches transversales : politiques, techniques, financières, ressources humaines, relations aux usagers… Je m’y retrouve bien.« Dans sa ville, il structure un tout nouveau service avec l’objectif de deux missions. La préparation du nouveau CUCS (Contrat Urbain de Cohésion Sociale) qui prend la place du » Contrat de Ville « . Pour lui, il ne faut pas chercher à « donner de l’argent en plus », mais à transformer du quantitatif en qualitatif, par exemple en remplaçant les études surveillées par des études dirigées. Il entend être un partenaire à part entière de l’école, même s’il ne veut pas avoir prise sur les enseignants. « C’est la réussite des élèves qui nous importe. Il ne s’agit pas de se battre pour savoir qui est le chef. Il faut que tout le monde travaille pour le bien de l’enfant.« Perpignan : Philippe Carbasse : Tisser des liens A Perpignan, Philippe Carbasse est coordonnateur du Projet Educatif Local. Son travail : faire du partenariat éducatif entre les acteurs de loisirs, éducation populaire, école, famille… C’est lui qui raconte… Le fichier sonore au format mp3 (860 Ko) Patrick Picard – Publication le 13 décembre 2006 L’Andev
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