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Enseigner les maths avec Internet – Entretien avec Benoît Ducange
Si innover c’est créer, voilà des collègues qui ont eu l’énergie de développer collectivement leurs propres outils d’enseignement et de les mettre à la disposition de tous. – Votre site est né d’un travail d’équipe ? – Nous sommes un groupe de quatre enseignants de mathématiques en collège dans l’Académie d’Amiens. Ne trouvant pas de logiciel adapté à l’enseignement des maths en collège nous avons mené une réflexion. Notre groupe était au départ un groupe IREM (Institut de Recherche sur l’Enseignement des mathématiques) intitulé « Enseigner les mathématiques en salle multimédia ». Cette structure a disparu en septembre 2000, le groupe continue donc sans aucun soutien (à part le serveur de l’Académie qui héberge le site). Il se réunit très régulièrement pour définir ses objectifs et mettre en commun ses expériences, même si les séquences sont souvent créées en binôme. Ce travail de recherche repose sur Internet : nous communiquons par mèl. – Parlez-nous de votre site – Le site est avant tout un intranet. C’est la collection des séquences que nous avons réalisées et expérimentées auprès de nos élèves au fur et à mesure de nos besoins. Nous ne souhaitons pas couvrir tout le programme mais combler les trous existants entre les logiciels. Nous avons publié le site sur le web pour permettre aux collègues de bénéficier de notre travail. Le site regroupe deux types d’activités : – Pourquoi avoir créé cela ? – Parce que tous les collèges de la Somme bénéficient d’un matériel puissant (salle multimédia haut de gamme avec serveur et ensemble mobile) et aucun logiciel correspondant à nos exigences pédagogiques n’était disponible sur le marché. Notre réflexion nous a conduit à penser qu’un logiciel fermé n’est pas compatible avec un enseignement en classe où le professeur veut rester maître de sa pédagogie. Les seuls logiciels trouvant grâce à nos yeux étant les logiciels « outils » ou « support » comme CABRI (et quelques autres), nous avons donc décidé de créer des pages HTML qui ont l’avantage d’êtres interactives mais modifiables. Nous avons appris la programmation sur le tas, en commençant par des choses très simples, en les expérimentant au fur et à mesure avec nos élèves. A présent nous avons progressé en technique et notre plus grosse difficulté réside dans la pédagogie. Les séquences sont utilisées dans deux collèges de façon extrêmement régulière et par quelques collègues externes au projet de façon plus exceptionnelle. La principale difficulté pour les personnes extérieures au groupe sont des difficultés de formation : comment utiliser les séquences, comment les intégrer à ma pédagogie ; comment modifier ce qui ne me plaît pas. J’ai très régulièrement des demandes de formation que je ne peux honorer à l’heure actuelle. – Votre site a cette particularité d’être destiné aux élèves et non aux enseignants. Comment l’utilisez-vous avec eux ? – En classe accompagné par le professeur et sous sa direction. Les élèves peuvent ensuite refaire les séquences (souvent les exercices) individuellement en libre accès depuis le CDI du collège. – Savez-vous si les élèves l’utilisent seuls depuis chez eux ? – Nous avons eu une grande surprise lorsqu’une collégienne de 12 ans, qui avait eu des difficultés lors d’une séance, est revenue le lendemain avec le bilan de ce qu’elle avait fait de chez elle. Je n’avais pas donné l’adresse du site et leur connaissances sur Internet sont encore assez légères. Cette démarche m’a époustouflé. Depuis je donne l’adresse du site et je prête aux élèves qui le demandent un cédérom. Ils sont de plus en plus nombreux à l’utiliser. – Cette pratique est-elle isolée ou Internet est-il utilisé dans d’autre disciplines ? – En dehors des mathématiques, nous avons bien d’autres pratiques concernant les TICE au collège. Des correspondances par mail (avec La Réunion) en font partie par exemple. – Quel bilan tirez-vous de cette expérience ? – Tirer des bilan est assez difficile sur le plan qualitatif. Que restera-t-il de ces séquences dans 2, 5 ou 10 ans ? On peut quand même dire que ces séquences plaisent aux élèves. Nous pouvons réellement nous attacher à l’acquisition de notions dans un groupe hétérogène sans amoindrir nos ambitions et surtout sans laisser d’élèves au bord du chemin. Lors de ces séquences un quart des élèves sont totalement autonomes et apprécient l’outil car ils peuvent approfondir les notions et multiplier les situations. La moitié des élèves ne demande de l’aide que ponctuellement. L’enseignant peut donc se concentrer sur le quart restant et lui apporter toute sa disponibilité dans un climat de confiance. L’aide est individuelle et se fait par micro-casque de façon confidentielle. Les plus lents trouvent un suivi individuel et personnel qu’ils apprécient. Les plus rapides ont de quoi se rassasier sans temps mort. D’une façon générale on fait 2 à 3 fois plus d’exercices en salle multimédia qu’en classe. La principale raison y est, je pense, la motivation des élèves. En ce qui concerne la découverte de notion, laisser à chacun la possibilité de construire son savoir est essentiel et chacun sait qu’il ne peut compter que sur sa démarche pour réussir. C’est très valorisant. Enfin, la confidentialité des communications délie les langues et les questions (ou remarques) fusent lors des séquences puis lors des mises en commun (en groupe). La pratique de la matière est plus riche. – Quelles perspectives pour l’avenir ? – Il est a présent hors de question de ne pas continuer. Mes élèves de cinquième (qui ont toujours connu ce dispositif au collège) ne veulent pas croire que tous les collèges de France ne possèdent pas de salle multimédia et que l’on ne travaille pas ainsi ailleurs. Le groupe poursuit son travail et souhaite mettre en place une formation auprès de l’IUFM de Picardie pour les collègues qui le souhaitent. Benoît Ducange |
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