Trois représentations du nombre Les nombres interviennent sous divers aspects dans l’environnement de l’enfant dès l’école maternelle. – sous forme verbale. Il s’agit de la liste des noms de nombres, qui permet de compter. Cette liste est entendue étudiée à l’école, mais largement aussi au dehors, dans la famille notamment où elle est bien souvent répétée et renforcée ; cette pression sociale (comme celle qui s’exerce à propos de la lecture) en fait souvent pour l’enfant un instrument de promotion : savoir compter, c’est être grand. – sous forme imagée (visuelle) de « constellations ». C’est le cas des dominos ou des cartes à jouer, qu’un rapide apprentissage fait lire globalement, plutôt qu’analyser. – sous une forme écrite symbolique, chiffrée. Les nombres, comme les mots, participent de l’environnement écrit de l’enfant, et il est amené à reconnaître des écritures chiffrées dans de nombreuses circonstances : numéros des immeubles, ou des étages dans un ascenseur, indications du calendrier, pagination d’un livre, etc. C’est donc une occurrence des nombres que l’enfant appréhende d’abord par sa fonction.
Les représentations mentales La numération Les difficultés du transcodage Jarlegan, Fayol et Barrouillet (1996) ont étudié plus de 200 enfants francophones de CE1 entraînés à l’utilisation du matériel les performances dans des opérations de transcodage entre trois codes : code verbal écrit ( » treize « ), code arabe ( » 13 « ) et code analogique (petits carrés 1×1 cm pour les unités, des réglettes de 10×1 cm pour les dizaines, des carrés de 10×10 cm pour les centaines… Les données ont montré des écarts importants de performance :
Difficulté spécifique de la numération en français Plusieurs chercheurs font une analyse convergente dans leurs travaux sur la comparaison des performances entre enfants de différents pays. Pour eux, l’organisation linguistique du système de dénomination verbale des quantités fait apparaître un lexique fini et une syntaxe traduisant des relations d’abord additives (vingt-quatre, cinquante-six) puis multiplicatives (quatre-vingts ; deux cents). Exemples d’expressions numériques en Anglais, Chinois et Français :
En conséquence, d’une part, les jeunes Français (et, en général, les jeunes occidentaux) doivent apprendre par coeur la suite des dénominations, au moins jusqu’à 16. Au-delà, le système verbal devient plus régulier : dix-sept, vingt-cinq. Il s’ensuit que leurs performances sont significativement inférieures à celles des jeunes Chinois dès que ceux-ci doivent compter au-delà de 10 : les jeunes Chinois comptent mieux et plus loin que leurs pairs anglophones, une supériorité qui se maintient tout au long de la scolarité élémentaire, voire au-delà, si des activités spécifiques ne sont pas mises en place. D’où l’idée, dans ses manuels, d’enseigner les deux suites verbales (dix-un, dix-deux, dix-trois… mais aussi onze, douze, treize…), afin d’aider les enfants à construire la correspondance. Construire les équivalences de procédures Une des théorisations intéressantes, popularisée notamment par Rémi Brissiaud, est que l’élève peut utiliser plusieurs » procédures » pour réaliser une opération mathématiques, dont certaines (les plus expertes) ne peuvent qu’être enseignées à l’école. Par exemple, pour compter 10 rangées de 4 peupliers, on peut :
Le rôle de l’Ecole est alors d’enseigner explicitement l’équivalence de ces procédures, en amenant progressivement à utiliser les plus efficaces. En gommant trop vite l’usage des niveaux 1 et 2 (qu’un enfant peut apprendre sans l’école), on risque d’apprendre les procédures de niveau 3 en laissant en place dans l’esprit des élèves les plus archaïques. Pour passer au niveau 3, il faut » réorganiser l’expérience quotidienne « , et accéder à une nouvelle conceptualisation du monde. Le maître doit donc sans arrêt » jouer » avec les continuités et les ruptures : parfois, utiliser le niveau 1 permet de » schématiser la situation « , ce qui permet d’abstraire les propriétés de la situation (on n’a pas besoin de dessiner des pommes et un panier, des croix et un rond suffisent) ; mais si on y reste, on ne comprendra jamais ce qu’il y a de commun entre » compter des fruits » et » compter des élèves « . L’enseignant doit donc jouer toute sa place : ni se contenter d’attendre des découvertes qui devraine se faire » toutes seules » La place de la question dans un problème… Fayol, Abdi & Gombert (1987) ont observé qu’il suffisait de placer la question au début des énoncés de problèmes de transformation pour entraîner une amélioration des performances, notamment plus accusée chez les plus faibles. Taux de réussite à des problèmes :
Ces résultats sont compatibles avec les faits mis en évidence relativement à la lecture/compréhension de textes. Pour la plupart des faibles compreneurs, et sans doute, des faibles en arithmétique, ce ne sont pas d’abord les aspects conceptuels qui posent problème. Le sens des opérations, les conditions de leurs emplois semblent relativement précocement acquis. En revanche, la capacité à élaborer une représentation de la situation décrite à partir de l’énoncé et à conserver parallèlement les données pour les traiter une fois la question formulée se révèle très difficile pour la plupart des enfants. Entendre l’erreur et aider l’élève à » chercher « En sortant de l’école primaire, beaucoup d’enfants ne savent pas encore ce que signifie le mot » chercher « . Beaucoup pensent qu’il faut » chercher » dans sa tête la solution déjà stockée (au sens de chercher un trésor) au lieu de se mettre à bidouiller pour fabriquer une réponse qui n’est pas toute faite, qui est à construire, qui est originale… Donc, quand je suis face à un problème, l’école ne m’apprend pas assez à me situer dans » je me débrouille » pour trouver. Roland Charnay, par exemple, demande donc à l’enseignant d’avoir un comportement professionnel de nature à lever ces difficultés :
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Les PDF On se reportera aussi aux contributions déjà parues à :
Dossier coordonné par Patrick Picard |
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