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« C’est la première année où tous les élèves de CP pourront apprendre à lire avec les méthodes les plus efficaces » prédisait le 24 août, devant les recteurs, Gilles de Robien. Le 28 août, sur RTL, il affirmait l’abandon des méthodes globales et semi-globales dès la rentrée, préconisant donc la seule méthode syllabique. Alors une méthode ? Plusieurs méthodes ? En réalité les programmes de 2002 modifiés par Robien en mars 2006 gardent un flou certain. Et ce n’est pas par hasard. Contrairement à ce que laisse entendre le ministre, la méthode syllabique n’est pas soutenue par les chercheurs. Et si les enseignants pratiquent des approches différentes c’est qu’ils s’adaptent à des élèves et des difficultés différents. C’est ce que 13 associations professionnelles et pédagogiques (l’Agiem, l’Airdf, l’Icem, la Fcpe, le Gfen, la Ligue de l’enseignement, le Snuipp Fsu, le Se-Unsa, le Sgen Cfdt, l’Afef, le Si-En-Unsa et le Snpien-Fsu) regroupant des enseignants du primaire, des parents, des professeurs de français du secondaire et des inspecteurs de l’éducation nationale, ont voulu rappeler dans une brochure qui sera largement diffusée aux parents à la rentrée. Sous le titre « Apprendre à lire, pas si simple ! », elle rappelle la complexité de l’apprentissage. » En français, si l’on veut écrire ba, il faut utiliser un b et un a. Mais ça ne marche pas à tous les coups pour la lecture. Ainsi, on lit ba dans balai, dans banane, dans là-bas, dans bâiller… mais on ne lit pas ba dans baignoire, dans bain, dans baudruche. Enfin, les syllabes ça n’aide pas à lire fille et ville ! Ça n’aide pas non plus à lire des expressions comme ils marchent, le vent, il tient… qui pourtant «se terminent pareil» ». Lire c’est chercher à comprendre et non seulement ânonner des syllabes. Sur ce terrain là, l’école française fait mieux que l’école d’antan et aussi bien que celles des pays voisins. Comme le ministre, la brochure appelle donc les parents à l’aide. » La qualité des relations familles-école, le fait que parents et enseignants avancent ensemble, tout cela sécurise l’enfant et lui donne confiance. Et puis aussi en s’intéressant à ses activités scolaires ; même si les parents ne lisent pas le français, le fait qu’ils suivent régulièrement ses progrès en lecture, qu’ils l’écoutent lire un court moment et qu’ils en parlent avec lui, constituent des « rituels » quotidiens qui constituent pour l’enfant un puissant ressort dans ses apprentissages ». C’est rappeler la dimension sociale de l’apprentissage de la lecture. Le premier critère qui conditionne sa réussite n’est pas la méthode utilisée mais la place que tiennent le livre et la culture écrite dans la famille. C’est ce qu’illustre la variation historique du taux d’illettrisme entre familles populaires et bourgeoises. En déplaçant le débat du champ social sur le terrain scientifique, Gilles de Robien suit la même politique que pour l’enseignement prioritaire. En niant la dimension territoriale des zep et en défendant une remédiation personnalisée, il conteste les inégalités sociales et personnalise l’échec. En ce sens, le débat sur la lecture est tout sauf savant ou technique. Il participe du conflit politique traditionnel.
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