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Creully. Un petit bourg normand avec son collège de campagne, 350 élèves, relativement isolé. Caen est à 25 km, Bayeux à 20. Un peu seul au village, Laurent Labidi, 33 ans, qui enseigne les SVT, a monté obstinément une plate-forme qui ouvre l’établissement sur le net. FJ- Comment ce site s’est-il monté ? LL- Je suis profondément convaincu de la place majeur des TICE, aussi bien pour l’apprentissage d’un outil qui me parait aujourd’hui incontournable, que pour son utilisation à des fins pédagogiques. Le site est d’abord une initiative personnelle, réalisée à l’aide de mon matériel et de ma connexion. FJ- Mais il est partagé par plusieurs profs ? LL- Actuellement quatre enseignants seulement ont décidé de se servir du cahier de texte en ligne. Mais au bout de deux ans… J’espère très fortement pouvoir entraîner avec moi quelques enseignants supplémentaires mais leur formation informatique est nettement insuffisante… Ce n’est pas de la mauvaise volonté de leur part mais ils sont dépassés et n’utilisent pas encore l’informatique dans leur discipline. Pour d’autres, c’est une véritable allergie. Je mets en place au sein de mon établissement une formation sur site pour progressivement « dédiaboliser » l’ordinateur et Internet. Il faut dire que, sur le plan institutionnel, ce site n’est pas vraiment pris au sérieux ! FJ- Pourtant il offre des services qui vont bien au-delà de l’habituelle vitrine… LL- Le côté vitrine de collège et puis rien derrière ne me paraît pas très utile… Le site du collège s’organise autour d’une dizaine de services. Il y a d’abord un cahier de texte en ligne, rempli et affiché en temps réel (j’utilise ici la plateforme Claroline développée par l’université de Louvain dont les possibilités sont impressionnantes). Il est complété par un emploi du temps en ligne. Plus classiques il y a des services de représentation et communication : nouvelles en ligne, agenda en ligne, galerie photo en ligne, forum, revue de presse avec des lien RSS ou fil d’actualité. La plate-forme permet également l’aide et le soutien en ligne par matière grâce à la mise en ligne de pages par les professeurs concernant leur programme (liens intéressants, possibilité de poser des questions, mise à disposition d’outils, de documents, de ressources pédagogiques…). Pour le moment il n’y a que les SVT. Le site offre aussi un espace de publication des travaux des élèves séparé en deux parties : une supervisée par les enseignants, une autre personnelle. Une collaboration avec l’école primaire de Creully est en cours pour publier certains de leurs travaux. Un journal des élèves est aussi en ligne. Les élèves fabriquent le journal en html sous Dreamweaver 2. Les élèves ont aussi réalisé une partie présentant les clubs et développé des quizzs sur l’informatique ou les jeux vidéo. Le site donne la possibilité de construire en ligne, grâce au site canadien « classe branchée », un espace privé pour la classe dont on est le prof principal. Enfin, une partie est consacrée à une aide informatique, avec des liens vers des tutoriaux, des téléchargement de logiciels gratuits qui me paraissent utiles mais aussi du logiciel utilisé pour rentrer les notes et les appréciations avec son aide. FJ- Comment articulez-vous le cours par rapport au site de façon à maintenir une égalité entre les élèves ? LL- J’ai la chance d’avoir un vidéo projecteur dans ma salle et un ordinateur portable personnel. Mon cahier de texte, par exemple, est rempli en direct avec les élèves. La partie « aide et soutien » en SVT, est utilisée et toujours expliquée. J’utilise un maximum les ressources du site (souvent préparé en amont en fonction des besoins) en classe : la démarche est suivie, puis peut être refaite chez eux ou dans l’établissement. J’ai réussi à obtenir que la salle informatique soit le plus souvent à la disposition des élèves, ce qui permet aux élèves n’ayant encore ni Pc ni Internet chez eux, de pouvoir l’utiliser le midi ou pendant les récréations. Il s’assimilent vraiment le PC comme un outil et non plus comme une distraction… Ca prend du temps, mais ça marche. Je n’ai pas d’illusion sur la fréquentation (400 par jour en moyenne) et suis bien conscient de la fracture numérique. Mais cet outil n’enlève rien aux autres déjà en place et ne fait que les compléter, les réactualiser. Force, tout de même de constater qu’un grand nombre de foyers, mêmes modestes, sont ou vont se connecter. FJ- Comment voyez-vous le développement futur du site ? LL- Le principal est de convaincre mes collègues et mes supérieurs de l’utilité future d’un tel outil. Je suis conscient qu’il n’est pour l’instant utile qu’en renfort mais ses avantages sont très nombreux : on se doit de rester à niveau dans un monde ou la communication avance à grand pas. C’est un travail de longue haleine, mais nous (enseignants, éducateurs) ne pouvons pas rester cloisonnés dans un monde ou toutes les sphères éclatent les unes après les autres. Je crois en la mise en place de ressources collectives des enseignants, en un dialogue avec les élèves qui dépasse les frontières de nos classes, en une reprise de contact entre les parents et le collège. On croit souvent qu’Internet individualise, nous éloigne les uns des autres : ce n’est que l’opinion de ceux qui ne l’utilisent pas et qui sentent leur marginalisation proche… Au collège de Creully, le réseau et ce site m’ont considérablement rapproché de mes élèves, de parents et même des établissements alentours. FJ- Parlons-en. De nombreuses fonctions sont destinées aux parents : comment réagissent-ils ? LL- Pour ceux qui ont bien voulu s’en servir… tous les retours sont positifs. Beaucoup de familles n’ont pas ou ne prennent pas le temps de rentrer dans le collège pour se renseigner ou voir le cahier de texte de la classe de leur enfant. Le collège n’est pas un lieu adapté pour recevoir les parents. Ils n’y sont pas à l’aise malgré nos efforts. A défaut de les faire rentrer dans le collège, je tente d’amener le collège à la maison. Utopique ?… on verra. FJ- Pourquoi cette transparence ? Ira-t-elle plus loin ? LL- J’espère un jour, avoir un mot de mon inspecteur concernant telle ou telle chose à modifier dans ma progression, qu’il puisse jouer son rôle de conseil, juste en allant voir en ligne mon cahier de texte ou les travaux de mes élèves. Je n’ai rien à cacher, et ne demande qu’à être conseillé. Je sais que parfois la transparence peut être dangereuse, mais je prends le risque. FJ- Et les réactions des élèves ? LL- Excellentes ! C’est ce qui me donne envie de continuer. Ils sont très sensibles à mon travail, et me le rendent bien. Ils ont compris que ce site est avant tout pour eux… et je crois même qu’ils sont fiers que leur collège ait un site qui tienne la route. Il y a pour certains, dans le club informatique, une véritable identification…et ils ne manquent jamais de me donner leur avis, leurs critiques, et elle est toujours prise en compte… Que du bonheur ! Le site du collège de Creully |
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