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Pas de zéro de conduite pour les enfants de 3 ans Le sociologue Laurent Muchielli porte la contradiction sur la notion même de délinquance. Il explique que des études portant sur des jeunes de Grenoble et Saint-Etienne ont montré que 76% d’entre eux avaient fraudé dans les transports dans les 2 années précédentes, 32% acheté un objet volé, 24% volé dans un grand magasin, 18% dégradé un espace vert. Alors tous malades à surveiller ? Philippe Meirieu rappelle la « méthode d’observation systématique des enfants » mise au point par Albert Huth, conseiller du gouvernement allemand de 1928 à 1945. Lui aussi appelait à distinguer des catégories physico-morales chez les enfants « pour mieux les éduquer ». Il partait du principe selon lequel « il n’est pas possible de faire faire à n’importe quel enfant n’importe quoi ». Pour P. Meirieu, « voilà justement l’argument d’autorité implicite dans tous ces travaux et qui les oriente toujours : l’éducation n’est pas un élément significatif dans le développement de l’homme et, en dernier ressort, celle-ci se résume à une opération de tri qui, par ailleurs, permet d’optimiser le fonctionnement économique et social ». Le combat contre le rapport de l’Inserm est d’abord celui des enseignants, du moins de ceux qui posent le préalable de l’éducabilité. Syndicats et associations contre le projet de loi sur la délinquance « Au nom de la prévention de la délinquance, les personnes faisant appel aux services sociaux devraient ainsi être systématiquement signalées au maire sur la base du critère particulièrement large et flou résultant du fait qu’elles présentent des « difficultés sociales, Un dépistage d’enfants « agités » serait systématisé dès la crèche et l’école maternelle. Par le regard prédictif porté sur eux, à partir d’une corrélation abusive entre leur difficulté de tout petit et une évolution supposée vers la délinquance, ces enfants se trouveraient alors enfermés dans le carcan d’une image catastrophique de futur délinquant au mépris de l’avis unanime des professionnels de santé et de la petite enfance et des citoyens, exprimé par près de deux cents mille signataires de la pétition « Pas de zéro de conduite pour les enfants de 3 ans » ». Un rapport relance le dépistage des troubles de comportement chez les enfants A vrai dire ce n’est pas étonnant. Car, faute d’études, ce rapport s’appuie sur celui de l’Inserm qui intervient largement dans la bibliographie. Ainsi les statistiques sur la prévalence des troubles, les caractéristiques mêmes des troubles viennent de ce rapport qui lui-même sélectionnait parmi des études nord-américaines. Tout cela est d’ailleurs mentionné dans le rapport Maestracci : » les experts entendus ont confirmé qu’il n’existait pas d’autres données indexées et publiées que celles qui figurent dans l’expertise collective de l’Inserm sur les troubles des conduites chez l’enfant et l’adolescent. Les études publiées sont cependant toutes d’origine étrangère de sorte que, dans un contexte où l’environnement culturel paraît jouer un rôle important, les résultats doivent être transposés avec prudence ». Mais cela n’empêche pas le rapport Maestracci de reprendre les thèses de l’Inserm. Ainsi dans la détection des enfants à « personnalité psychopathique » on retrouve cet inventaire qui fait frémir. Un enfant risque d’être classé psychopathe quand on détecte « chez le bébé, une agitation ou une passivité excessive, des troubles du sommeil, des troubles alimentaires, un retard staturo-pondéral; chez l’enfant des difficultés majeures à supporter des frustrations…, une prise d’autonomie précoce, un comportement destructif…; chez l’adolescent, des échecs scolaires, des troubles du sommeil, une marginalisation installée ». Le rapport égrène encore d’autres critères tout droit venus des sources américaines du rapport de l’Inserm : contester ce que disent les adultes, faire souvent l’école buissonnière, se lever en classe, remuer les mains ou les pieds, mentir, faire du charme, tricher, vivre en parasite (sic)… Bref on retrouve là aussi l’amalgame entre problèmes sociaux et médicaux. Comme les rapports Inserm et Bénisti, le rapport Maestracci analyse des faits sociaux comme des symptômes maladifs et n’hésite pas à envisager le fichage et le « suivi » d’un partie de la population. On retrouve là l’influence d’une école nord-américaine, hostile à la psychologie, qui vise le dépistage des déviants et du gène de la déviance. Une perspective qui fait vraiment froid dans le dos, surtout quand on constate cette obstination à la proposer. . Ce nouveau rapport invite l’Etat à prendre les mêmes mesures que celles du rapport de l’Inserm : « développer une culture commune et pluridisciplinaire de tous les professionnels impliqués concernant le repérage et l’offre de prise en charge ; intégrer systématiquement ces questions dans le programme de formation initiale et continue des acteurs concernés (notamment travailleurs sociaux, fonctionnaires de l’Éducation nationale, acteurs judiciaires)… ; assurer le soutien des équipes éducatives en organisant un travail de supervision, dans les établissements et services accueillant des mineurs ». Les enseignants seraient donc au premier rang des indicateurs de cette nouvelle surveillance du conformisme social. RESF appelle à résister aux expulsions Régularisations au compte-gouttes Resf, mais aussi le Sgen Cfdt, le Snes Fsu, appellent donc les enseignants à se solidariser avec ces enfants à l’image de ce professeur de français interrogé par Le Figaro. » Je ne suis encartée dans aucun parti, je n’adhère à aucun syndicat… Nous avions l’impression de faire quelque chose de très important pour eux, raconte Agnès, sans prendre des risques inconsidérés. Je suis issue d’une famille de résistants. Eux ont pris de vrais risques. » Mardi 6 juin deux policiers sont venus à l’école maternelle Julien Pesche du Mans et se sont faits remettre deux enfants kurdes de 3 et 6 ans. Ils vont être expulsés avec leur mère. La CSF dénonce la stigmatisation des familles populaires « La CSF refuse qu’il y ait une épée de Damoclès sur la tête des parents, trop souvent jugés laxistes, démissionnaires voire incapables d’éduquer leurs enfants. Prévenir la délinquance, c’est d’abord permettre aux enfants de grandir et de se construire dans une société qui leur donne toutes les chances de réussir…Tant que les familles populaires vivront la précarité et l’insécurité matérielle permanente, il sera illusoire d’essayer de trouver des solutions à la délinquance des mineurs ». La CSF est contre la suppression des allocations familiales et demande » une réelle politique volontariste pour permettre aux familles de vivre dignement, de retrouver un statut social, de citoyen ». |
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