Bibliographie
– « Comment lisent les enfants du Petit Chaperon Rouge », Dominique Piveteaud, Editions « L’Ecole »
« Le grand méchant loup n’est pas mort, mais sa férocité ne doit pas nous faire oublier que la raison et l’intelligence sont le propre de l’Humain. »
« C’est le livre que j’aurais aimé pouvoir écrire… ». Ainsi a réagi une des premières lectrice de Dominique Piveteaud, enseignante comme lui passionnée d’enseignement de la lecture et d’exploration de la complexité du quotidien de la classe. Enseignant de CP, maître-formateur, D. Piveteaud a un parti-pris : pour apprendre à lire, le maître, comme l’élève, doivent s’engager, s’ils veulent réellement « prendre le pouvoir », ne pas se cantonner à l’exécution et à la répétition. Pour cela, l’auteur articule un propos exigeant, liant à la fois le concret de la classe, des exemples précis à l’état des savoirs sur l’apprentissage et l’Ecole.
Ainsi, l’ouvrage, construit autour d’une progression calendaire, commence par le « premier jour », avec une situation d’écriture dans laquelle il faudra « se débrouiller pour que chacun ait écrit quelque chose » : avant le CP, les élèves ont déjà appris…
Engageant à travailler dès les premiers jours sur le rôle de l’écrit dans l’histoire de l’humanité, Piveteaud propose de dépasser la simple « fréquentation » de la littérature de jeunesse, pour en faire un véritable outil pour aborder ensemble les questions fondamentales : « qu’est-ce qu’apprendre ? » ; « comment grandir sans trahir ? » ; « les conflits entre les hommes sont-ils une fatalité ? »… à la fois pour se décentrer et pour se relier au monde.
Le maître doit alors faire un choix exigeant des supports qu’il va proposer : le premier ouvrage proposé, « Les Chaussures » (Ponti), doit permettre de se pencher ensemble sur l’autorisation à grandir, moment parfois difficile au CP…
Dépassant la polémique sur le code et le sens, D. Piveteaud propose de s’appuyer fortement sur l’écriture pour travailler les difficultés de l’encodage et des correspondances grapho-phoniques, sur une progression organisée dans la rencontrer des ouvrages de jeunesse, mais aussi sur l’utilisation des écrits « non-littéraires » : calendriers, cartes, emploi du temps, listes… Le chapitre « septembre-octobre » décrit précisément les choix de l’enseignant pour l’entrée dans le code écrit et la conscience orthographique (mémoriser, segmenter, encoder) à partir des mots rencontrés en classe.
« Novembre-décembre » est l’occasion d’approfondir une ambition de D. Piveteaud : construire des apprentissages solidaires. Travail de groupe, hétérogénéité, débats sont interrogés en détail, y compris du point de vue éthique pour le maître : comment faire devant tant d’écarts ? comment rester ambitieux devant les difficultés ? Un long développement illustre concrètement les outils développés par l’auteur pour « faire écrire » tous ses élèves, y compris ceux qui apparaissent les plus éloignés de l’Ecole…
Avec le développement des compétences du jeune lecteur, « Janvier-Février » est le temps de la construction de son espace propre face au texte. Lire, c’est penser, c’est donner vie à ce qu’on peut comprendre à partir de ce qui est écrit « noir sur blanc », dans une double mise en réseau entre les interprétations des élèves et les différents livres rencontrés. « Qu’est-ce qui, dans ce livre, va me parler de moi ?» doit pouvoir se dire en substance le petit élève de CP.
Toute la fin du chapitre insiste sur la question difficile que se pose à cette époque tout enseignant de CP guettant les signes d’évolution des compétences des élèves. Il indique des pistes pour mieux observer les élèves au travail ou faire partager aux parents qu’apprendre à lire est bien un long et difficile chemin…
Tenir la distance, marquer les conquêtes, permettre de se situer dans les apprentissages : « mars-Avril » se penche sur l’évaluation des élèves et sur le concept de « différentiation ». C’est l’occasion pour D. Piveteaud de réaffirmer son parti-pris du « Tous capables » cher au GFEN, refusant la naturalisation des différences. Conséquence directe, au « à chacun selon ses besoins », Piveteaud préfère préserver pour tous une activité intellectuelle exigeante en réalisant si besoin les étayages nécessaires : découper préalablement pour permettre à l’enfant de se fixer sur la tâche de tri, aider à la copie pour permettre de préserver la production de phrases… Invitant les enseignants à ne pas laisser au rang de « voeu pieux » leurs ambitions et leurs parti-pris, il invite en conséquence à se méfier des renoncements du « il aura au moins ça » contenu en germe par le recours exclusif au B-A-BA avec les élèves les plus en difficulté. Ainsi, ce chapitre propose un exemple développé sur une découverte du texte « Coyote Mauve » (texte exigeant s’il en est…) en trois groupes, dont un de non-lecteurs qui illustre les propos de l’auteur sur le concept d’aide (p.166 et suivantes) et d’entraide, avec quelques phrases plus que décapantes…
Le chapitre se termine par une présentation d’expériences en matière de production d’écrit, notamment à travers la presse écrite.
Conclusion de l’année, « Mai-juin » fait le point sur ce qui a été acquis, propose des pistes pour le mesurer, insiste sur la liaison Grande Section-CP. Il explicite notamment les compétences dont sont désormais capables les élèves, que ce soit en production d’écrit ou en « critique littéraire », notamment avec l’exemple du prix « Tatoulu » (voir reportage du Café)
Assumant totalement l’ambition d’une « utopie en acte », Dominique Piveteaud clôt son propos sur la « certitude que l’idéal se construit au quotidien et prend racine dans chaque acte de transformation ». Et comme il sait que son livre s’adressera tout autant aux professeurs d’école débutants qu’aux maîtres expérimentés, il propose une bibliographie en 3 livres, ou en 10, ou en 30… et la liste des albums qu’il utilise en classe. Parce que, comme le répète à l’envi le GFEN, « à l’inverse d’une marchandise, le savoir s’accroît d’être partagé »…