Pascal Boyries, Histoire-Géographie et multimédia 2 : Séquences pour les lycées, CRDP Grenoble, Coll° Objectif Multimédia, 2006, 248 pages.
Vous connaissez des collègues qui ne viendraient même pas s’informer sur le Café Pédagogique ? Vous avez déjà entendu « moi l’informatique très peu pour moi ? » ou « de toute façon je comprends rien » ou « j’ai déjà pas le temps pour faire à manger alors utiliser les TICE !! » ? Le Père Noël pourrait être drôlement bien inspiré cette année d’aller voir du côté de l’ouvrage de Pascal Boyries. [Ce serait la forêt grenobloise qui risquerait d’en prendre un coup. Vous lisez cette missive après Noël ? Pas de souci la forêt landaise fera l’affaire.
Pascal Boyries a depuis longtemps intégré les TICE dans sa pratique pédagogique. En plus d’un site personnel qui fut utile à toute une génération d’historiens et de géographes, de son implication jadis comme webmestre du site des Clionautes , il a déjà à son actif de nombreux articles sur la question mais a aussi d’autres cordes à son arc en tant que participant à la rédaction d’ouvrages scolaires ou à la réflexion sur la place de l’histoire et de la géographie dans les cycles du primaire.
L’auteur, en préambule, s’oppose au tout TICE qui fait parfois oublier la discipline au profit de l’outil. Il rappelle néanmoins qu’utiliser les TICE, c’est prendre des risques. C’est en effet la première constatation d’importance du livre et non la moindre. Pour organiser au mieux les compétences nécessaires à atteindre aussi bien par les professeurs que par les élèves, il a choisi de développer trois parties cohérentes.
La première, « le système TICE », insiste sur le cadre institutionnel inauguré par le nouveau programme de seconde qui a, pour la première fois, fait référence explicitement aux TICE dans la démarche même de l’enseignant. Il rappelle que l’instauration en 2000 du B2i au Collège et celle prochaine du C2i pour les professeurs en formation initiale sont des signaux très forts du ministère. Les mises en place à l’heure actuelle de ces dernières est une réalité que connaissent tous les IUFM. La meilleure preuve de cette tendance est la généralisation dans l’ensemble des établissements d’un équipement important et de qualité même si certaines disparités sont encore réelles.
Un rappel utile de l’auteur: l’ordinateur ne fait que ce qu’on lui demande. Ce n’est qu’un outil. Il faut en limiter l’usage sinon l’inflation temporelle l’emporte et l’enseignant peut assez vite se décourager. Il faut donc mettre du sens au contenu.
Le premier objectif est d’être modeste. Les débuts doivent donc être progressifs : utiliser l’ordinateur pour les devoirs, pour les cours puis pour un document projetable. La suite sera d’autant plus facile. Pour l’insertion des TICE dans la pratique enseignante Pascal Boyries évoque, dans un tableau explicatif, P.17, le programme de Première S et commence à évoquer ensuite la prise en main des élèves.
La seconde partie, «un enjeu pour l’enseignant » insiste sur l’importance des structures associatives dont le Café Pédagogique (nous l’en remercions au passage), les Clionautes et les Cafés Géographiques mais aussi les sites ministériels comme Educnet. Ainsi tous les acteurs sont clairement identifiés. L’auteur, ici, choisi de prendre son temps pour expliquer les fonctionnalités nécessaires à la pratique des TICE à la disposition des pédagogues historiens et géographes :
Comment chercher une information ? Quelles sont les solutions logicielles pour démarrer une pratique raisonnée ? Comment construire un organigramme, une frise chronologique, réaliser une carte simple ? Il permet ainsi de prendre du recul par rapport à l’outil qui se doit d’être uniquement au service de l’enseignant. Créer un diaporama avec Open Office ou PowerPoint, enregistrer de la vidéo, faire un quizz, tout deviendra alors plus facile.
Enfin, la dernière partie permet d’envisager les TICE comme « un support pour les élèves » : En effet, elles interrogent en permanence le statut du texte mais aussi celui des chiffres. Les possibilités de travail sur les logiciels sont limités avec les élèves. L’auteur est très convaincant quand il explique qu’il devient alors simple de réaliser des graphes (avec Excell) ou bien de vérifier la compréhension globale ou plus fine d’un texte.
Plus encore, Pascal Boyries nous entraîne dans la lecture d’une oeuvre d’art avec un ordinateur. Mais la partie la plus pertinente de sa démonstration tient à son explication de l’utilisation des TICE pour lire un paysage. On sent ici que l’auteur maîtrise attache une attention plus particulière à ce sujet. L’important est tout d’abord d’en maîtriser la notion pour pouvoir, à l’aide d’un diaporama rendre cette activité attractive pour les élèves.
La réalisation cartographique et l’aide des SIG (qui ne sont rien de plus que des cartes statistiques réalisées à partir de données) peut, à chacune des étapes de l’acquisition des compétences, jouer un rôle majeur pour les élèves: choisir un seuil, les couleurs, hiérarchiser, élaborer une légende…
Il insiste ensuite sur la complexité de certains sites internet (de leur « profondeur ») et leur utilisation dans un contexte de travail de classe . Il rappelle, p.207, que : « L’utilisation de la toile en classe ne doit donc pas se faire de façon neutre et anodine. Les pages web, par leur nature composite, leur profondeur, la facilité avec laquelle tout un chacun peut réaliser des mises en ligne, leur volatilité, l’instantanéité de certaines informations qu’elles véhiculent, sont encore aujourd’hui des documents spécifiques à la lecture desquelles les élèves doivent être formés. ». Cette profondeur est parfaitement illustrée par la fiche de travail sur l’usine Renault que l’auteur nous fournit..
La question de la réalisation d’un site est ensuite posée : Un site pour quoi faire ? Il insiste ici sur les problèmes techniques et temporels conjugués au contexte de l’environnement immédiat.. L’utilité de mettre des cours en ligne est-elle bien réelle ? Son site personnel quand il enseignait encore ne laisse pas beaucoup de doutes sur ses convictions.
Enfin, Pascal Boyries termine son propos sur le statut de l’élève face à cet apprentissage par les TICE. Le « comment individualiser en classe entière ? » doit être le souci de base de tout enseignant. Les TICE permettent certaines remédiations souvent bien plus qu’en situation d’enseignement plus classique. Cette façon de faire ne s’adresse ainsi pas seulement aux élèves en difficulté (l’auteur rappelle aussi que les autres dispositifs de remédiations comme les aides individualisées sont très coûteuses) . L’individualisation peut se conjuguer aussi au niveau du contact que les élèves peuvent avoir avec leur professeur : l’utilisation du courriel pour communiquer avec l’enseignant est une issue envisageable mais la limite est aussi évidente. Seuls ceux qui auront la compétence de s’exprimer clairement par mel pourront en tirer bénéfice, sans parler de ceux qui n’ont pas encore de connexion. De même, il envisage aussi les ENT (Environnement Numérique de Travail) comme des exemples intéressants pour créer une communauté virtuelle sur le modèle qu’a inauguré l’Université de Savoie il y a une dizaine d’années même si certains projets sont aujourd’hui en sommeil.
On pourrait penser que l’investissement est démesuré par rapport au résultat. Mais ce qui préoccupe au premier rang l’auteur est le manque de ressources et de données en ligne. Il conclut mi-optimiste mi-pessimiste sur la nécessité de laisser du temps au temps pour que tout le monde se mette au diapason.
Un CDROM accompagne l’ouvrage. Son interface est celle d’un site html. Elle permet d’accéder à quatre thématiques distinctes qui reprennent en large partie ce qui a été développé précédemment. Ce CD ne prétend pas être exhaustif mais permet de ne pas se perdre dans la « jungle » de l’offre internet aujourd’hui.
Des fiches techniques ( au format pdf) offrent de très intéressantes perspectives d’utilisations des TICE pour notre enseignement. Deux exemples parmi d’autres : Comment réaliser des croquis avec Ocad 8.0 ?. ou Comment mesurer des superficies avec Titus 1 ? … Ces fiches sont très simples et ludiques. Pascal Boyries fait ici preuve d’une pédagogie déconcertante pour expliquer ce qui est la preuve de sa grande maîtrise de l’ensemble.
Ensuite, un lien permet de pouvoir s’approprier une sitographie déjà très complète. Elle reprend les différents sites abordés dans le livre mais elle est ici classée thématiquement et permet déjà d’avoir un très large aperçu de l’apport des TICE pour l’histoire-géographie. Par exemple pour les plus férus, cette adresse regroupe les fichiers réalisés au LOG de Moirans : http://www.log.ac-grenoble.fr/loghg/mediatheque/flash/index.html
Le lien suivant offre des adresses internet pour obtenir des logiciels libres de base (dont le fameux Hotpot très utile au collège comme au lycée) pour Windows comme pour Mac OSX.
Enfin, la partie la plus concrète pour la plupart des enseignants est celle où sont données quelques exemples de travaux numériques : un fichier Excell (fichier de suivi des élèves que l’on peut au choix reprendre tel quel ou modifier selon ses préférences) une animation Flash sur l’étude de littoraux balinais (avec des liens hypermédias tels que l’auteur les décrits p.220) , des PowerPoint, un exemple est emblématique de l’expertise de Pascal Boyries : celui en particulier de la façon d’analyser un paysage dans la haute montagne himalayenne. Toutes les étapes de l’identification à la réalisation d’un croquis sont présentées. On pourra aussi citer une autre présentation sur Chebika dans le Sud de la Tunisie qui mêle approche classique à l’approche EEDD.
Au total, un ouvrage indispensable aux enseignants pour se mettre au niveau sans avoir l’impression d’être de quelques façons forcés et aux autres de mettre des mots sur des interrogations légitimes que nous nous posons tous.
Pascal Boyries, Histoire – géographie et multimédia 2. Séquences pour les lycées, Crdp de Grenoble, 2006, 248 p.