Le ministre de l’éducation nationale met souvent en avant les « 24 chantiers » (comme le remplacement des professeurs, la lecture, la grammaire etc.) qui marqueraient son passage rue de Grenelle. Nous lui reconnaissons d’avoir réussi vraiment un 25ème chantier : Gilles de Robien est le premier ministre à avoir réussi à réunir dans une action commune la quasi-totalité des syndicats professionnels de l’enseignement. Tous, soit 15 organisations, malgré leurs oppositions, le Snalc avec le Sgen, le Snlc avec le Snes, Sud-Education avec le Se-Unsa, appellent à faire grève dans le secondaire le 18 décembre.
Des mesures qui ne passent pas.Le motif de la grève est connu. Il s’agit de modifications apportées aux décrets de 1950 sur les « obligations de service des enseignants », principalement sur les décharges dont bénéficient les professeurs dans certains niveaux ou pour certaines activités. Vu de la rue de Grenelle, ces modifications, dont il n’est pas possible de cacher qu’elles ne se justifient que pour des raisons budgétaires (en l’occurrence récupérer 3 000 postes gratuitement) peuvent sembler homéopathiques. Elles le sont par rapport aux mesures envisagées par la suite : récupérer 30 000 postes et diminuer fortement le budget du secondaire. Elles peuvent aussi sembler supportables compte-tenu de l’évolution sociologique du milieu enseignant : féminisation, diminution des ménages composés de deux enseignants. Mais nous pensons au Café que ces mesures ne passeront pas facilement. Nous l’avons expliqué début septembre et, depuis, nous avons vu les associations de spécial
istes
expliquer pourquoi, par exemple en SVT ou en physique, les nouveaux textes sont inacceptables.
Pour autant cette grève était facilement évitable. D’une part les syndicats savent bien qu’une grève à une semaine des fêtes aura du mal à mobiliser. De son côté, le ministère aurait pu relâcher un peu la pression budgétaire et satisfaire telle ou telle catégorie. Ou il aurait pu cibler différemment les victimes. Surtout il lui était facile d’ouvrir des négociations réelles sur les missions des enseignants. Ce n’est pas trahir un secret que dire que les syndicats, unis contre le texte présenté, sont profondément divisés sur les évolutions à apporter au métier d’enseigner. Mais pour cela il faut être capable de négocier… et ce n’est pas une qualité d’un ministre de l’éducation nationale qui semble chercher sa survie politique dans une réputation de « bête noire » des enseignants.
Alors force est de reconnaître à ce mouvement toute son utilité. Nous faisons le pari qu’après un démarrage peut-être lent, il va poser puissamment et définitivement la question du travail enseignant. Indépendamment des nécessités budgétaires, la question devient incontournable à la fois du fait de l’évolution du rapport pédagogique. Les élèves ont de plus en plus besoin d’un accompagnement éducatif qui déborde du cours. Ils supportent de plus en plus mal un temps scolaire haché et éparpillé. Parallèlement, le développement des TIC tend à déplacer le temps scolaire au-delà de celui des cours et cela devrait être amplifié par la construction des ENT. Des événements récents ont mis en évidence que l’idée d’un recadrage du temps enseignant fait son chemin.
La question des décharges
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2006/09/index220906.aspx
La grève unitaire est votée dans le secondaire
« L’intersyndicale nationale appelle les personnels du second degré à la grève le 18 décembre ». L’appel est lancé par 15 organisations représentant 99% des enseignants du secondaire : Cnga, Fep-Cfdt, Se-Unsa, Sgen-Cfdt, Snalc-Csen, Sncl-Faen, Snep-Fsu, Snes-Fsu, Snetaa Eil, Snfolc, Snpefp-Cgt, Snuep-Fsu, Sud-Education, Sundep et Unsen-Cgt.
A l’origine de cette union sans précédent, le projet de décret sur « les obligations de service des enseignants » qui remet en question les décharges. « L’objectif premier de ce texte est de supprimer des postes dans le cadre d’une logique budgétaire qui a déjà conduit à une dégradation sans précédent des enseignements de second degré. Le ministre a clairement exprimé, lors de l’audience qu’il a accordée à l’intersyndicale au bout de 5 semaines, le 29 novembre, qu’il n’entendait pas tenir compte de cette opposition. Le ministre a choisi de passer en force en convoquant le Comité technique paritaire ministériel (CTPM) le 11 décembre et en inscrivant à son ordre du jour le projet de décret. Devant le refus de siéger de la parité syndicale, il re-convoque le CTPM le 18 décembre sur le même ordre du jour. L’intersyndicale réunie le 11 décembre décide en conséquence d’appeler les personnels du second degré à la grève le 18 décembre et à manifester partout en France. Les personn
els signifieront ainsi au Ministre leur double exigence de retrait du projet de décret et d’ouverture de véritables discussions pour que des réponses soient apportées à la nécessaire prise en compte des réalités du métier et que soient améliorées les conditions de son exercice ».
Grève du 18 décembre : mais que dit le projet de décret ?
« Le projet de décret me concerne-t-il ? »L’Expresso du 12 décembre a rendu compte de l’appel à la grève dans le secondaire, lancé par 15 syndicats enseignants (Cnga, Fep-Cfdt, Se-Unsa, Sgen-Cfdt, Snalc-Csen, Sncl-Faen, Snep-Fsu, Snes-Fsu, Snetaa Eil, Snfolc, Snpefp-Cgt, Snuep-Fsu, Sud-Education, Sundep et Unsen-Cgt) pour le 18 décembre. Depuis vous êtes nombreux à nous écrire pour nous demander des précisions sur ce texte difficilement déchiffrable.
Que dit le projet de décret ? Il réduit de façon drastique l’attribution de l’heure de première chaire aux seules classes préparant une épreuve du bac, excluant les autres classes de lycée et les BTS.
Le calcul des majorations horaires ne se fait plus sur une classe mais sur une « division ». Par exemple, tout professeur qui enseigne 8 heures ou plus devant des divisions de moins de 20 élèves voit son service majoré d’une heure. Le cumul de ces deux mesures va frapper de plein fouet certaines sections technologiques par exemple…
Les heures de laboratoire d’histoire-géographie ne donnent plus droit à majoration. Celles de SVT et physique-chimie, suite aux réactions des associations professionnelles, semblent momentanément sauvées. Momentanément, car un nouveaux texte met à la discrétion du recteur la gestion d’heures pour des actions d’éducation et de formation sous contrôle précis de l’administration. Si l’on suit les recommandations des audits qui sont à l’origine du projet de décret, ce texte devrait permettre d’attribuer à des enseignants des tâches administratives, de coordination ou d’appui aux corps d’inspection, générant ainsi une suppression de postes administratifs.
Les professeurs en perte de service et les TZR pourront se voir imposer d’enseigner dans une autre discipline. La bivalence sera d’ailleurs encouragée par des primes spéciales (mais en temps effectif).
En EPS, les 3 heures d’activités sportives ne sont plus de droit mais soumises à contrôle et acceptation par le chef d’établissement. Les heures de coordination rentrent dans le système de déclaration rectorale évoqué ci-dessus.
Le texte répond-il au besoin de faire évoluer le métier ? A l’origine de ce texte, un audit commun aux ministère des finances et de l’éducation nationale. En aboutissement, dans la loi de finances 2007, la récupération de 3 000 emplois d’enseignants à la rentrée 2007. C’est dire que la logique budgétaire encadre totalement le texte.
Mais l’audit a aussi programmé l’avenir. La suppression de toutes les décharges est prévue dans un planning budgétaire établi jusqu’en 2010. Deux faits motivent cette pression budgétaire. D’une part la volonté d’augmenter le budget de l’université sans toucher à celui de l’éducation. D’autre part les besoins en postes d’enseignants créés par la loi Fillon. Cette loi est adoptée et impose des créations de postes que le gouvernement n’envisage de financer que par des économies : ces suppressions de décharges mais aussi une réduction des heures d’enseignement, voire la suppression de certains enseignements.
Même si le texte prétend permettre à une modernisation du métier, son contenu, la nature des décisions, leur histoire, le refus de la réflexion collective, la nature même des mesures prises par ailleurs par le ministre (sur la lecture, la grammaire etc.), tout cela atteste d’une volonté de maintenir l’école traditionnelle en en abaissant le gabarit plutôt qu’un désir de rénovation. On chercherait en vain dans ce texte une définition nouvelle du métier prenant en compte les nouvelles missions des enseignants.
Les syndicats accepteraient-ils une nouvelle définition du métier ? Pour l’intersyndicale » l’objectif premier de ce texte est de supprimer des postes dans le cadre d’une logique budgétaire qui a déjà conduit à une dégradation sans précédent des enseignements de second degré… (Par cette grève) les personnels signifieront au Ministre leur double exigence de retrait du projet de décret et d’ouverture de véritables discussions pour que des réponses soient apportées à la nécessaire prise en compte des réalités du métier et que soient améliorées les conditions de son exercice. »
Mais si l’intersyndicale a pris une position commune, chaque syndicat motive différemment l’appel à faire grève. Pour le Sgen-Cfdt par exemple, « une définition du service des enseignants basée uniquement sur les heures passées face à une classe n’est plus adaptée aux besoins de l’École d’aujourd’hui. L’urgence est bien la prise en compte générale de toutes les missions des enseignants dans la définition des services ». Pour le Snes, » nous sommes particulièrement attachés au calcul du service en heures d’enseignement et la prise en compte des différentes tâches constitutives du métier par une intégration forfaitaire dans le service ».
Le projet de décret
http://www.snes.edu/snesactu/article.php3?id_article=2371
A décrypter à l’aide de l’ancien (pdf)
http://labolycee.org/annexe3_decret50_MinorationService.pdf
Un dossier du Café pour y voir plus clair
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lemensuel/lesysteme/Pages/2006/actu_77_accueil.aspx