« L’Ecole est un espace où l’estime de soi est durement mise à l’épreuve. Lieu de passage et de rencontre de nombreux partenaires aux objectifs différents, lieu de socialisation et d’étude pour les élèves, lieu d’espérances et de déceptions pour les parents, lieu d’évaluation et de sélection pour les enseignants, l’établissement abrite autant et peut-être plus de déconvenues que de succès, ce qui ne crée pas le climat favorable à l’instauration d’une saine estime de soi ». Marie-Joseph Chalvin ouvre ce dossier d’Education & Management par un bilan : la question de l’estime de soi concerne tous les acteurs de l’Ecole.
Et d’abord les professeurs. Ecoutons Jean-Yves Langanay, IPR, souligner les blessures narcissiques infligées par un mode d’inspection qu’il souhaite voir évoluer. « Si le critère premier de leur recrutement reste l’excellence disciplinaire, il ne suffit plus. Les inspecteurs sont de plus en plus conscients d’agir au nom d’une institution et dans une appréhension de plus en plus globale et systémique… Leurs pratiques doivent être marquées par l’exigence éthique et déontologique qu’appelle la réponse à la question de l’estime de soi ». Il invite donc les inspecteurs à prendre en compte les différentes dimensions du métier, à « des rencontres et des échanges pédagogiques plus fréquents et diversifiés », à « aider l’enseignant à sortir de son isolement », à s’attacher au projet de l’établissement : n’est ce pas reconnaître que le mode d’inspection « à la française » est à revoir ?
Evidemment, la question concerne aussi les élèves. Yves Dutercq rappelle que « les enseignants français ont, dans leurs évaluations, tendance à insister sur les échecs plus que sur les réussites des élèves » et relève la faible diffusion des recherches en ce domaine. D’après Pierre Merle, « un collégien sur cinq s’est déclaré senti souvent ou assez souvent humilié par son professeur ». Cette culture du « rabaissement scolaire », qui rappelle tant le mépris vécu par nombre d’enseignants lors des inspections, nuit évidemment aux résultats. Pour P. Merle « les recherches ont montré que les jugements des enseignants influencent davantage la réussite des élèves faibles que celle des élèves forts ».
Ne serait ce que par ces analyses, complétées par bien d’autres articles, ce numéro 31 d’Education & Management mérite de circuler dans les établissements. Alors on s’étonne qu’il n’ouvre pas sur des questions et des perspectives. Cette culture du mépris scolaire est-elle une spécificité française ? Peut-on évaluer autrement ? Comment font nos voisins ? Au moment où on veut baser les politiques éducatives sur des évaluations rigoureuses, pourquoi ne pas observer chez nos voisins comment se construit l’évaluation des uns et des autres et en rendre compte ?
Education & Management, numéro 31, mai 2006.
http://www.crdp.ac-creteil.fr/scripts/cyberlibrairie/resultat.php?TDR=education et management
Rappel : Entretien avec Pierre Merle
http://cafepedagogique.net/lemensuel/larecherche/Pages/2006/2005/analyses_66_accueil.aspx